I am Not Sidney Poitier, ou je suis «
Pas Sidney Poitier ». Car c'est ainsi que la mère de « Pas Sidney » l'a appelé, sans raison particulière, sinon celle qu'il ressemble comme deux gouttes d'eau à l'acteur, et 24 mois de grossesse ! On comprend d'entrée que le roman va évoluer entre l'absurde, le philosophique et le bizarre, et c'est très bien comme ça.
Donc la mère de Pas Sidney (on s'habitue finalement assez vite à ce qu'un personnage s'appelle ainsi, c'est fou…) meurt alors qu'il n'est qu'adolescent ; mais comme elle avait eu la riche idée d'investir toutes ces économies en actions CNN de Ted Turner, celui-ci devient son légataire universel et Pas Sidney vit non loin de lui et de
Jane Fonda. Cela nous vaut de savoureuses pages de dialogues où Ted Turner donne quelques leçons de vie à Pas Sidney, dans un coq-à-l'âne permanent, drôlatique et addictif !
Pas Sidney devient aussi expert en « fesmérisme », capacité à hypnotiser au bout de quelques secondes et à faire agir à sa guise qui le subit ; qu'il utilise à plusieurs reprises dans les nombreux déboires qu'il rencontre (et joli pirouette narrative). Puis les pas de Pas ( ! ) le mèneront au Lycée, à la fac, dans le comté reculé de Négroblanc County, en week-end chez les parents de sa petite amie, à Tête de Suie, Alabama où il se mettra en tête de construire une église, etc.
On se rend compte à la lecture que ces différentes étapes (ainsi que certaines séquences oniriques, glissées ça et là) sont en fait des interprétations / hommages / parodies de film de Sidney Poitier (le « vrai ») , comme « Devine qui vient dîner », « Duel à
El Diablo », ou « Dans la chaleur de la nuit ». A vrai dire, qu'on ne connaisse pas les films en question – et c'est mon cas pour la plupart – ne gâche rien au plaisir du livre, car l'auteur prend un malin plaisir à détourner les histoires originales conformément à sa trame. Mais si le sujet de livre est (aussi) la quête d'identité, il est important de comprendre que les histoires que vit le héros existent déjà, vécues par son quasi double.
La mise en abyme est aussi présente par le personnage du professeur de non sens
Percival Everett, qui se met donc lui-même en scène, dans un rôle très ambivalent de conseiller personnel, professeur fumiste, ou pédagogue génial, vrai sage, et finalement un des rares à qui Pas Sidney fera vraiment conscience.
Au global, on a une livre d'une grande fantaisie et d'une vraie originalité, d'un rythme soutenu voire haletant et jamais ennuyeux, mais aussi qui est l'occasion d'un retour sur la place des noirs aux Etats Unis et son évolution depuis les années 60, avec des personnages réellement marquants (la mère, Pas Sidney, Percival, Ted Turner !) ; bref un bonheur de lecture.
Quelques autres avis sur ce livre :
Tournez les pages y voit « une fable sur l'identité et le difficile devoir d'être en dehors des normes » http://tournezlespages.wordpress.com/2011/03/08/percival-everett-%E2%80%93-
pas-sidney-poitier-trad-anne-laure-tissut-%E2%80%93-actes-sud/
Inganmic a beaucoup apprécié http://bookin-ingannmic.blogspot.com/2011/05/
pas-sidney-poitier-percival-everett.html
Racines y voit une « fable absurde et futée » http://racines.canalblog.com/archives/2011/03/25/20681804.html