Mais le rêve de gloire avait été assez réel : j’avais voulu rien de moins que m’imposer durablement dans l’inconscient de mes concitoyens, et soudain je compris qu’il était possible de vivre non seulement sans gloire mais aussi sans exister, de vivre et mourir sans qu’aucun de nos congénères n’ait pris conscience de l’espace microscopique que nous occupons sur cette planète. Cette pensée me submergea presque, et je ne pouvais y songer sans sombrer inexorablement dans la dépression.
[…] le rejet du père, dans quelque esprit que ce soit, requiert une grande complicité entre le rejeton et le rejeté, chose que mon père et moi ne connûmes jamais.
C’était idiot mais je ne voulais pas mourir là, dans le bar.
Nous avions déçu nos familles par notre incapacité à fonctionner correctement en société (une définition de la folie qui en valait bien d’autres). Nos familles, les yeux emplis de larmes et d’auto-apitoiement, avaient prié les médecins de nous donner à nouveau l’envie de redémarrer dans la bonne direction. Ces directions – une famille et une femme, un poste de vice-président et une Cadillac – variaient selon le terne aveuglement familial.
Persuadé que le mouvement était égal à la vie, j'avais l'impression que je vivrais tant que je continuerais à bouger. Tout en gesticulant, je ne cessais de pleurer abondamment ; de chaudes larmes ravinaient mes joues, et pendant tout ce temps j'en appelais, si ce n'est à Dieu, aux forces arbitraires et insidieuses de l'univers – Je ne veux pas finir comme ça ! Pas comme ça ! –, essayant même, dans ma terreur, de négocier avec cette force, lui demandant le temps de boire une bière de plus, le temps d'un autre match, le temps de me faire à l'idée des ténèbres éternelles. « Sale fils de pute ! criai-je. Je veux vivre ! » Sur ces paroles crachées de ma bouche dans l'air scintillant de novembre, je remontai péniblement les marches, entrai dans le bar et dis à Freddy que ça n'allait pas et qu'il fallait que j'aille à l'hôpital.
Un jour à la mi-août, alors que le vent du nord soufflait sur la ferme, la brise amena le froid et l'odeur de l'automne. Ces signes avant-coureurs annonçaient mon départ imminent, et je fus pétrifié car je savais que contrairement aux autres hommes qui sont attachés à leurs origines, je détestais et méprisais les miennes, et cette haine m'y liait aussi fortement que l'amour est capable de le faire.
je savais que contrairement aux autres hommes qui sont attachés à leurs origines, je détestais et méprisais les miennes, et cette haine m’y liait aussi fortement que l’amour est capable de le faire.
A ce livre colle la puanteur d'une vie réelle qui a pris le chemin d'un véritable désastre (préface)
Il est particulièrement usant d'être honnête,
peu importe le caractère naïf et bancal de cette honnêteté,
et de continuer à être rejeté pour cette raison.
Rien ne sert d'être subtil avec un homme perdu.