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Critique de Levant


De cet ouvrage je vais vous dévoiler l'épilogue tout de go, sans masquer le texte : Platon est mort. Car c'est bien d'une biographie dont il s'agit, que nous sert Bernard Fauconnier. Celle d'un homme qui fait encore parler de lui de nos jours. Un homme qui a réussi le tour de force de survivre à 25 siècles de ce que ses congénères sauront faire de mieux au fil des siècles: détruire. Ses écrits sont miraculeusement parvenus jusqu'à nous, contemporains d'un "siècle qui sera religieux ou ne sera pas" à en croire Malraux. Religieux, mais pas philosophique. Les accapareurs de conscience sont passés par là.

Et qui plus est, double prouesse, Platon en a fait survivre un autre du même coup : le bien nommé Socrate. Lequel pour ce qui le concerne s'était refusé à consigner par écrit le fruit de ses réflexions, privilégiant la rhétorique à l'écriture. Préférant haranguer son auditoire, pourvu qu'il fût composé de jeunes éphèbes, plutôt que s'échiner à gratter le papyrus. Question d'affinité.

Lorsque Platon se laisse subjuguer par le vieux Socrate, Athènes vient de conclure par une défaite son démêlé de plusieurs décennies avec Sparte. Les citoyens de cette dernière étaient donc définitivement plus … spartiates que leurs adversaires, amollis quant à eux par un système politique les versant aux discours et causeries plus qu'à la cohésion : la démocratie.

Platon avait en réalité une conception bien à lui de la république. Celle du règne d'un roi philosophe. Un roi qui s'imposerait à ses sujets par la hauteur de son raisonnement, seul à la gouverne d'un navire qui voguerait sur les flots de ce qu'on appellera plus tard l'humanisme, lorsque la Renaissance aura remis la Grèce antique au goût du jour. Un souverain éclairé par la morale et la science donc, mais souverain quand même, qui aura soin de convaincre ses sujets de l'effacement nécessaire des intérêts particuliers devant la raison.

Le Banquet, La République, Phédon, le Sophiste, Phèdre, Gorgias, autant de ses oeuvres magistrales qui l'ont fait connaître des férus de philo. Les autres auront sans doute entendu parler d'amour platonique sans trop savoir ce que cela recouvre. Un peu sur la défensive quand même. Conception de l'amour défendue par le célèbre philosophe, sujet phare du Banquet, prônant une élévation vers le Bien " en substituant le monde des Idées aux pulsions irrationnelles". Platonique que nombre de jouisseurs, pas forcément gourmets, auront tôt fait d'écrire en deux mots, plat tonique, pour ne rien sacrifier à la fringale de leur sens. Platon se serait peut-être bien attablé quand même devant cette perspective de bonheur. Philosophe certes, mais pas moins homme.

Il y a un gouffre entre lire la biographie d'un philosophe et se frotter à ses oeuvres. L'exercice est plus périlleux et requiert de l'aguerrissement à la joute philosophique. Mes études dans ce domaine s'étant conclues au point final de ma copie du bac, je me suis cantonné à l'aspect historique de l'oeuvre, m'interrogeant sur ce qu'une culture de transmission essentiellement orale à l'époque a pu faire survivre de ses géants de la pensée. Averti que j'étais par une phrase retenue de Paul Veyne, lequel a certainement été plus assidu que moi sur le banc des cours d'histoire et nous avoue dans son ouvrage Comment on écrit l'histoire que cette dernière "est connaissance mutilée. Un historien ne dit pas ce qu'a été l'empire romain ou la résistance française en 1944, mais ce qu'il est encore possible d'en savoir." Me voilà conforté par cette précaution oratoire que je ressers volontiers quand ma culture est mise en défaut. Heureusement que je me suis pris d'amitié pour la lecture, demandant à Platon de me pardonner d'avance, lui qui n'avait que mépris pour la poésie et les arts.

Belle et bonne biographie à mes yeux qui aborde juste ce qu'il faut de thèmes philosophiques pour que mon entendement ne perde pas pied : la difficile question de l'Un et du multiple, l'être et le non-être, puisqu'il paraît que le non-être est. Il en est de plus contemporains, de philosophes, qui ont résolus de traiter le problème de l'être par l'absurde. Je ne sais pourquoi, je me sens plus d'affinité avec eux. Platon avait-il encore toutefois à mes yeux le mérite de trouver grâce en la science mathématique en quoi il trouvait une synthèse harmonieuse avec l'univers et le cosmos, prenant garde tout de même de ne pas vexer les dieux. La philosophie n'exclut pas la prudence.

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