Ce roman fait le récit d'une improbable rencontre entre des bootleggers minables et une jeune fille de bonne famille. (Et là : c'est le drame.)
Ne lisez pas la suite (ni la préface d'
André Malraux), à moins de connaitre ce livre.
Un homme est lynché : torturé, puis brûlé vif.
Pourquoi ? Parce qu'il a été condamné à mort pour meurtre. (Il l'a été certes, mais ce qui motive les lyncheurs, c'est l'horreur d'un viol - pour lequel il n'a pas été jugé.)
Pourquoi est-il condamné ? Sur la base d'un faux témoignage.
Pourquoi la témoin fait-elle un faux témoignage ?
Pour que quelqu'un soit puni de ce qui lui est arrivé, à elle ?
Mais pourquoi ne dénonce-t-elle pas plutôt le vrai coupable ?
Parce que c'est un pauvre diable qui a eu une enfance pourrie ? Ou parce que, aux yeux d'une jeune fille de bonne famille (même déshonorée), tous ces hommes se valent ?
D'ailleurs à la fin, ils meurent tous, ces hommes, et elle, elle s'en sort avec une certaine résilience (et du pognon pour aller visiter Paris.)
Alors que la femme pauvre, avec son bébé malade, elle a tout perdu. (Vu l'état du mouflet, il ne survivra probablement pas non plus.)
C'est ça la morale de l'histoire ? Ou disons plutôt : c'est ça le propos de l'auteur ? Car
Faulkner ne cherche pas à être moral. "J'écrivais des livres et j'y prenais beaucoup de plaisir. Mais un jour je me dis : Et si cela me rapportait de l'argent ? Alors j'ai songé à ce que je pouvais imaginer de plus horrible et je l'ai mis sur le papier." C'est
Faulkner qui le dit.
Après... il y a son style inimitable.
L'ambiance est glauque ? le bruit de la viande qui cuit dans la poêle. Les yeux blancs du bébé léthargique. Les fleurs tombées qui pourrissent au sol.
La situation dérape ? Il nous embrouille avec un point de vue qui change à l'intérieur même du paragraphe.
Mais l'effet
Faulkner se dissipe sans doute après la première lecture, car j'ai trouvé cet opus nettement moins inspiré que
le bruit et la fureur. Les ellipses, les sauts d'un personnage à l'autre... j'ai eu un sentiment de déjà vu.
Traduction de
René-Noël Raimbault et
Henri Delgove, sans doute réussie à l'époque, mais qui mériterait un toilettage pour être lue au 21ème s.
LC thématique de janvier 2022 : ''États-Unis et Canada”
Challenge Nobel
Commenter  J’apprécie         202