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Critique de BillDOE


William Faulkner n'est pas un grand sentimental. Il contamine chacun de ses personnages de son mal-être qu'il noie dans des litres de whisky. La boisson alcoolisée lui ouvre les portes de sa psyché, fait sauter les cadenas du coffre qui renferme toutes ses angoisses et toutes ses frustrations, et lui permet de déverser dans un flot illusoirement non maîtrisé de mots toute l'horreur banale que lui inspire la vie, sa vie.
Dans « Tandis que j'agonise », Addie Bundren est en train de mourir. Elle est la mère de cinq enfants qu'elle a élevés dans une petite ferme du comté de Yoknapatawpha dans le Mississippi. Son mari, Anse, a fait la promesse de ramener sa dépouille à Jefferson, à plus de 40 miles de leur maison. Il aurait préféré consacré l'argent des obsèques à l'achat d'un dentier, mais il y a parole donnée et il s'y tiendra. Elle n'a pas expiré son dernier souffle que l'on entend le rabot de Cash, son fils aîné, polir les planches de son cercueil… alors le cercueil prit la route…
Faulkner décrit parfaitement l'égoïsme de ses personnages, écartelés entre leurs aspirations personnelles et le respect de la morte, la sécheresse de leurs sentiments justifiée par un contexte de précarité, à la limite d'une grande pauvreté et par la rudesse d'une vie envahie par le travail manuel.
Faulkner n'est pas quelqu'un d'agréable à vivre. Il dira à sa fille que personne ne se souvient du prénom des enfants de Shakespeare. On ne peut pas dire que dans la famille Falkner, car le « u » n'est venu que plus tard, que l'on déborde d'attention vis-à-vis de ses enfants. D'ailleurs il déteste son père. Lors d'un séjour à Paris, Faulkner qui a loué une chambre près du jardin du Luxembourg, est surpris de voir les français parler à leurs enfants comme s'ils étaient leurs égaux, leur témoigner de l'intérêt.
Il recopie cette relation dénuée de sentiment, à la limite de l'humanité qu'il a connu pour l'appliquer à Anse et à sa progéniture, une relation fonctionnelle où chacun se sert des autres pour avancer vers son propre but.
L'auteur a sûrement fait les frais dans sa jeunesse de ce manque d'affection de la part de sa famille et peut être y trouve-t-on là le début d'une explication quant à l'absence d'émotions de ses personnages, leur insensiblerie et son choix d'aller les pêcher dans les couches sociales les plus basses de l'Amérique, parmi les « nègres blancs » du Sud, les « white trash », traduisez : les salauds de pauvres, afin d'illustrer la bestialité de ce type de rapport.
Faulkner écrit « Tandis que j'agonise » en quelques semaines, en même temps qu'il rédige la seconde version de « Sanctuaire ». Une diversion qui est une excellente entrée en matière sur l'ensemble de l'oeuvre de cet auteur et qui permet de se familiariser avec l'hermétisme de son écriture et la folie aliénante de ses histoires, tant dans le fond que dans la forme.
Ce serait certainement le premier roman de Faulkner à lire avant de s'attaquer au reste.
Traduction de Maurice Edgar Coindreau.
Préface de Valery Larbaud, postface de Michel Gresset.
Editions Gallimard, Folio, 246 pages.
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