Lorsqu'en ma forêt de marbre
Ma bien-aimée sera revenue
L'amour longtemps attendu
Réunira nos cœurs plein de tourments.
- Jim ! cria l’aubergiste. Tu vas accompagner ces messieurs et dames à Forest Lodge.
L’interpellé (un jeune garçon de l’âge d’Horace) enjamba un enclos où des oies, réveillées par le tapage, sifflaient aussi fort que le vent.
- Moi ? s’écria le garçon. A Forest Lodge ?!!!
Horace aurait juré que les cheveux du dénommé Jim venaient de se dresser sur sa tête mais que le vent n’y était pour rien.
La vieille horloge du premier étage craqua de toute sa carcasse de bois. Bientôt minuit et tout le monde dormait... Par les petits trous à clefs qui lui servaient d'yeux, la vieille horloge voyait ce que les humains ne voient pas... Pourtant, sa bonne figure ronde indiquait l'heure sans faillir.
Mais cette nuit, elle aurait voulu accélérer le Temps... Vite ! Vite ! Secouer son balancier, avertir la famille des drôles de choses qui se tramaient dans les couloirs de cette nouvelle maison !
Avant, à Londres, elle n'était pas isolée comme ici ! A Londres, elle était en compagnie d'une console d'acajou et d'une table fourre-tout avec qui elle avait de longues conversations. (Les meubles se parlent, ne saviez-vous pas ?) Et les craquements que vous entendez, la nuit, qu'est-ce que c'est, à votre avis ?) Là, elle était bien seule...
Et, puisque le hasard a bien voulu placer un miroir sur le chemin de notre histoire, arrêtons-nous un instant pour y surprendre Olivia.
La cousine d'Horace avait vingt ans tout juste. C'était une fort belle jeune fille aux cheveux de mousse d'or, mince comme une fleur, avec des yeux... Comment expliquer ? Disons que, s'il existe des chats aux yeux noirs, eh bien Olivia avait le regard des chats.
La voix pénétra Olivia. Une voix douce chuchotée.
- Tu es là, murmurait la voix. Enfin là... Je t'ai attendue si longtemps, ô Livia...
Un souffle frais caressa Olivia qui n'était pas endormie, qui n'était pas éveillée.
- C'est lui! gémit-elle, lugubre. Oh je le savais! Il est resté muet tout le temps que la maison était vide. Maintenant que vous êtes là...