Essayez d'expliquer à un garçon la beauté d'un bouton de nacre ! La musique d'un bouton en étain ! Quant au bonbon rose et vert... Encore moins possible d'en parler !
Emil portait un haut-de-forme en accordéon où mille poux et quinze souris auraient pu habiter. Les poux y étaient mais, des souris, il n'y en avait que trois (les temps étaient durs). Des françaises, assurait Emil qui les avait baptisées en conséquence Froufrou, Nana et Zizi.
Il était Minuit-Cinq pour tout le monde, y compris pour lui-même car il avait oublié son vrai prénom qui était Antonin.
Minuit-Cinq avait dix ans, une idée toutes les sept minutes, une petite soeur, et il ne se lavait jamais sauf si un orage d'été le prenait de vitesse.
Ils cheminaient en silence dans la nuit illuminée. Avec lenteur, parce que Noël adoucit tout.
Au-dessus d'eux, les autres réverbères de l'avenue, avec leurs gros pansements de neige sur le crâne, ressemblaient à une file d'unijambistes revenant de guerre.
Minuit-Cinq, c'était à cause des douze petits points tatoués, quand il était encore bébé, en forme de cadran sur son avant-bras. Le tatoueur avait dérapé sur la chair potelée, y gravant pour toujours deux aiguilles qui pointaient sur cette drôle d'heure : minuit et cinq minutes. Pour admirer l'ouvrage il fallait cracher dessus au moins huit fois, et gratter la crasse avec l'ongle...On vous l'a dit, il ne se lavait pas.