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Critique de domi_troizarsouilles


Pour commencer, comme il se doit, je remercie Babelio et les éditions Bayard pour ce livre bien intéressant, reçu lors d'une Masse critique privilégiée, qui est tombée vraiment, magnifiquement à point !
C'est que les éditions Bayard et moi, c'est une vieille histoire d'amour de lectrice, depuis mes premiers exercices de déchiffrage, car la bibliothèque où j'allais avec mes parents était abonnée au célébrissime « J'aime lire », que je dévorais avec assiduité, pour passer ensuite à « Je bouquine » avec le même enthousiasme.
Désormais, ces mêmes revues viennent directement à la maison, aux noms de chacun de mes trois enfants en fonction de leur âge… et j'ai pris l'habitude de piquer régulièrement le « Je bouquine » de mon aîné, 14 ans et demi (si tant est que le demi ait encore une quelconque importance à son âge), et grand lecteur comme sa maman ;) . Pour vous donner une toute petite idée : il nous a demandé une liseuse comme cadeau d'anniversaire pour ses 12 ans… sachant que, à l'époque, il n'avait même pas encore de téléphone portable !

Et le voilà tout à coup qui me montre son dernier magazine en désignant le fameux « Portrait au couteau » qui y était présenté : « Tu crois que ça me plairait ? » Et moi toute heureuse : « Ah ! je ne sais pas ! mais je l'ai reçu pour remettre un commentaire… Tu pourras donc aussi me donner ton avis à toi ? » Et c'est parti !
Bon, cela dit, rappelez-vous : il a 14 ans et demi, et tout lecteur avide qu'il soit, et en plus en plein dans le public-cible (Bayard notant que ce livre est « à partir de 12 ans »), il est aussi très réticent à confier ses sentiments sur ses lectures, car l'exercice est clairement trop « scolaire » à son goût et ne le tente absolument pas quand il s'agit de ses lectures-plaisir ! J'ai donc essayé de recueillir quelques impressions sur le vif, et vous les partagerai au fil de mon propre commentaire.
N.B. : pour éviter de toujours vous embêter avec des « mon fils » à tort et à travers, je me contenterai de le désigner par son initiale, R.

Tout cela étant dit, la première impression est pour le moins confuse, car la couverture m'a très vite fait tiquer. En effet, l'illustration est très parlante et interpellante, je peux même dire qu'elle me plaît beaucoup… mais clairement, l'illustrateur souffre d'une confusion gauche-droite : le 4e de couverture parle de cicatrice (comme des coups de couteau) « au niveau du coeur », et d'une oeuvre qui s'appelle « le coeur déchiré ». Mais alors, dites-moi : que fait ce couteau sous le sein droit de la jeune fille illustrée ?? le livre erre certes du côté du fantastique, mais à aucun moment il n'est fait mention d'une anomalie génétique qui aurait placé le coeur de la jeune fille assassinée du côté droit ! Une telle erreur est quand même très malvenue dans une par ailleurs très chouette illustration, réalisée spécifiquement pour ce livre…

Passé cette légère déception, on entre dans ce livre avec une grande facilité, car l'écriture est très fluide et entraînante : on suit l'autrice à travers les rues de Paris, quelle que soit l'époque, en virevoltant sur les pas de ses personnages, on aurait presque l'impression d'avoir tout à coup le pas aérien d'une ballerine, à l'image de Marie ou de Flavie. C'est en effet à une réelle balade dans Paris que Malika Ferdjoukh nous convie, et même si on ne connaît pas tout à fait, on la suit de bon coeur, car certains lieux sont connus, d'autres moins mais on a quand même la sensation d'y être avec les personnages. Mention aussi à la découverte de cette bibliothèque apparemment unique en France et en Europe : la Bibliothèque des littératures policières (BiLiPo), dont je n'avais encore jamais entendu parler, mais que je rêverais désormais de pouvoir visiter !
Cette facilité d'écriture n'empêche pas un certain niveau, comme l'a relevé R, qui m'a demandé la définition de plusieurs mots qu'il ne connaissait pas… et pour certains, j'ai dû avouer que je ne les connaissais pas davantage (ou que je connaissais sans trop pouvoir les expliquer), mais que j'avais laissé passer dans le fil de ma lecture, alors que lui, plus pointilleux pour ce genre de choses, s'est arrêté pour en rechercher la définition. On notera ainsi nyctalope (ouf ! ça, j'ai pu lui expliquer, au moins un !), éphélide, thaumaturge (l'exemple connu mais que j'ai été incapable de lui définir) ou pandiculation.
(J'aime imaginer que vous êtes, vous aussi, en train de vous demander ce que veut dire au moins un de ces quatre mots !)

Passons maintenant à l'intrigue : l'enquête policière même n'est pas ultra-convaincante. Pour ma part, moi qui suis grande lectrice de polars (en tout cas c'est ce que j'aime à penser : c'est mon genre littéraire préféré !), j'ai trouvé l'intrigue un peu faible. Certes, je me suis demandé jusqu'au bout qui avait tué Marie, mais disons que, contrairement à un policier bien ficelé où cette question crée une tension parfois très prenante, ici ça reste léger comme la balade dans Paris, et j'avoue que le suspense habituellement lié à un polar m'a bien un peu manqué… Pour R, les choses ont été plus claires encore : il m'a dit après quelques pages à peine : « Je pense que c'est X qui a tué Marie ! » (X comme une inconnue en mathématiques, je ne vais quand même pas divulgâcher !) Toujours est-il que R avait raison à propos du tueur, et j'ai eu beaucoup de mal à ne pas le lui confirmer d'emblée. Cela dit, quand je lui ai demandé pourquoi il pensait que c'était X le meurtrier, il n'a pu que me répondre évasivement « une intuition ». D'accord… Ensuite, quand il a eu fini le livre, il était tout fier de constater qu'il avait vu juste, mais a relevé un autre point qui me titillait également : quel était le mobile ? On ne peut que le supposer, mais il n'est jamais réellement confirmé.

En revanche, j'ai plutôt bien aimé la façon dont cette enquête hasardeuse est menée. L'histoire initiale toute en douceur de Marie, l'enquête frustrante du lieutenant Labonne qui n'aboutira hélas pas… puis cette espèce de triangle amoureux entre Antonin, Élisabeth et Flavie, qui s'attachent cependant tous à résoudre le mystère de cette cicatrice de Flavie, qui correspond trop bien au tableau « le coeur déchiré ».
Cette vague histoire romantique est tout à la fois improbable et réjouissante. Improbable, car j'ai dû me rappeler à plusieurs reprises que les protagonistes (je parle ici de ceux de notre XXIe siècle) sont de jeunes adultes indépendants, ils ont 19 ans, Antonin vit même seul dans sa propre studette… mais ciel ! dans leurs réactions et interactions, tout au long du livre, j'avais plutôt l'impression de me retrouver face à de jeunes ados, qui tentent de résoudre une enquête à la façon d'un Club des cinq ! le sentiment amoureux d'Antonin est à la limite du puéril, dans le sens où il est certes romantique et agréable, et c'est appréciable, mais ça ressemble quand même bien davantage aux premiers émois d'un jeune ado, qu'à une démarche de jeune adulte dont la puberté est (théoriquement) quand même nettement plus avancée (voire terminée), même sans connotation sexuelle !
R n'avait pas relevé ce point, mais quand je lui ai demandé son avis à ce sujet, il m'a répondu que, en effet, il avait eu l'impression au début que les protagonistes pouvaient avoir l'âge de sa soeur (tout juste 13 ans !), mais ne s'en est pas inquiété outre mesure, et n'avait pas vu l'incohérence entre des personnages au comportement, langage et autres attitude tellement « jeune ado », et leurs déjà 19 ans d'étudiants (dont une en Sciences Po).

Mais donc, cette histoire de triangle amoureux est aussi réjouissante, car elle donne paradoxalement du rythme à l'ensemble, en entraînant le lecteur du duo Antonin-Élisabeth à l'autre duo Antonin-Flavie, qui se posent tour à tour les « bonnes » questions, et ainsi avancent dans leur enquête. On peut mentionner aussi le très beau rôle des personnages secondaires : on adore Mizi et son amitié sans faille pour Élisabeth, et R était plié de rire en lisant les joutes verbales bien sympathiques entre Antonin et son frère Jasper !
Par ailleurs, la petite touche de fantastique, qui permet de faire le lien entre les événements de 1910 et le mystère des cicatrices de Flavie et du tableau à notre époque, est amenée de façon suffisamment subtile pour qu'on l'accepte sans trop sourciller, alors qu'on ne s'y attend pas forcément. Je la vois comme une référence aux classiques « légers » du genre, je suppose que ce n'est pas innocent si Élisabeth lisait justement « Spirite » de Théophile Gautier (que je n'ai moi-même jamais lu, mais c'est répété à plusieurs reprises, comme par hasard), et un très vague souvenir du « Horla » de Guy de Maupassant m'est passé par la tête, mais je le l'ai lu il y a bien trop longtemps pour vérifier si c'est vraiment adéquat.

Quoi qu'il en soit, cette petite touche ajoute à l'impression générale de « belle histoire », surtout quand tout est résolu bien sûr, toute en légèreté. Certains verront peut-être plutôt le verre à moitié vide, et parleront de manque de profondeur et d'absence de tension narrative – et ils auront certainement raison ! Cependant, vu les réactions de R, mon représentant à moi ;) du public-cible, qui a dévoré ce livre en quelques heures en ce dimanche après-midi, avec des étoiles dans les yeux en me le rendant ensuite, je ne peux que voir le verre à moitié plein, et donc : une histoire un peu policière, un peu romantique, un peu fantastique, mais surtout légère et tout à fait plaisante !
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