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Critique de Kirzy


°°° Rentrée littéraire 2023 #3 °°°

Après l'Afrique du Sud ( Zulu ), l'Argentine ( Mapuche ), le Chili ( Condor ), la Nouvelle-Zélande ( Haka ) ou encore la Sibérie ( Lëd ), l'écrivain baroudeur Caryl Férey pose ses valises au coeur du KAZA, la zone de conservation transfrontalière Kavango-Zambèze créée en 2011 par l'Angola, la Namibie, le Botswana, la Zambie et le Zimbabwe pour développer le tourisme tout en préservant les espèces animales vivant dans les bassins des fleuves Okavango et Zambèze.

« D'étranges rumeurs couraient sur Wild Bunch ; elles disaient que des hommes s'y transformaient la nuit, que les empreintes de leurs pas disparaissaient soudain du sol, qu'ils devenaient des lions, ou léopards, qu'ils tuaient au hasard ceux qui s'aventuraient sur leur territoire, qu'on retrouvait des cadavres lacérés au-delà des clôtures électrifiées, à demi dévorés. »

Ainsi démarre cet excellentissime polar.
Wild Bunch, c'est la plus grande réserve privée du KAZA, 80.000 hectares en Namibie voués au tourisme animalier et à la chasse encadrée dite sportive. C'est là qu'un cadavre est retrouvé, là que le chef de la KAZA dépêche la lieutenante Solanah Betwase, ranger botswanaise dirigeant une brigade antibraconnage, pour mener l'enquête.

Dès les premières pages, on est immédiatement transporté par la puissance des personnages, incroyablement bien caractérisés. Tout particulièrement le formidable duo John Latham - N/Kon, deux êtres complexes et ambiguës comme je les aime : le propriétaire blanc de Wild Bunch, un sud-africain misanthrope vivant en vase clos égalitaire avec les San ( autrefois appelés Bochiman ) qu'il emploie; et son homme de confiance San dont on devine la force des liens mais aussi les mystères qui font qu'on ne sait s'ils sauront des alliés ou pas de l'enquêtrice, une vraie badass qui décoiffe dans ce milieu très masculin, animée par la foi en son métier, quasi un sacerdoce.

L'avancée de l'intrigue répond brillamment aux attentes de l'amateur de polar avec une montée en tension narrative qui culmine dans les cinquante dernières pages d'action pure aussi jubilatoires que déchirantes. On sent Caryl Férey tout particulièrement habité par ce qu'il raconte, questionnant intensément les sentiments humains d'amour, de culpabilité et de rédemption tout en explorant les tragédies présentes et passées.
L'arrière-plan historico-contemporain est ainsi mis en avant avec rage mais sans pesanteur : l'héritage de la colonisation et des guerres civiles, notamment celle d'Angola ( 1975-2002 ) qui dans le contexte de guerre froide a opposé les deux principaux mouvements de libération, l'un soutenu par les Etats-Unis et l'Afrique du Sud, l'autre par le bloc communiste. On est souvent révolté à la découverte du sort des populations autochtones, expropriées, vivant dans des bidonvilles comme des citoyens de seconde zone.

Okavango est un roman engagé, aux côtés des hommes qui subissent le joug des puissants, mais aussi aux côtés des animaux. Caryl Férey dresse un tableau complet du braconnage moderne et du business florissant de ce trafic mondial – cornes, dents et griffes, ivoire entre autres - qui profite aux groupes armés y compris terroristes, avec Hong-Kong comme plaque tournante.

Au-delà de sa maitrise totale du genre polar, ce qui place Okavango très au-dessus du lot, c'est la place que l'auteur offre aux animaux. Eléphants, lions, rhinocéros, guépards participent pleinement à l'intrigue, au même titre que les personnages humains, et pas seulement en tant que victimes en sursis des braconniers. Dans des scènes marquantes, ils reprennent leurs droits.

Un polar grand cru de Caryl Férey, grande classe, hymne à la beauté du monde sauvage menacée par la folie des hommes. Coup de coeur assurément !


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