Aujourd’hui, peut-être faut-il aussi rappeler [aux élèves] que l’ignorance n’est pas une vertu, mais qu’elle ne devient vice que quand on en tire gloire. Il ne serait sans doute pas inutile de préciser enfin, à l’attention des parents, que les enseignants ne sont pas des domestiques dont la tâche consisterait à admirer leur progéniture en ménageant son exquise sensibilité mais font, tout au contraire, profession de la transformer.
Tout le mystère est là : quels que soient les efforts qu’on fasse pour le nier, du seul fait de notre arrivée dans un monde que nous n’avons pas choisi, nous appartenons à une histoire; et ce fait n’a rien à voir avec la responsabilité morale qui nous incombe en tant qu’individus – il n’a donc rien à voir avec le repentir ou la mise en accusation. (…) Assumer son héritage n’a rien à voir avec le repentir car il n’existe rien de tel qu’une responsabilité morale collective.
Peut-être en viendrons-nous à transformer profondément notre définition de la laïcité mais, pour l'instant, en France, c'est la République qui est laïque et non la société, même si ce fait, comme j'ai pu en prendre conscience lors de discussions avec mes élèves, est largement ignoré.
D'autant que je n'ai rien contre Nicolas Sarkozy. Car il monopolisa encore longtemps toute l'attention et grâce à lui, ce soir-là, Tarik, Ryad et moi pûmes nous approcher du buffet désert en nous épargnant le recours à cette forme courtoise de krav-maga sans laquelle il est illusoire, même dans les soirées mondaines, d'espérer y accéder. Nous nous régalâmes donc sans modération, sous le regard réprobateur du maitre d’hôtel, d'un Blue Label fort cher mais quelque peu surestimé. N'eût été la présence de Nicolas Sarkozy, je n'en aurais pas obtenu une seule goutte. C'est dire l'étendue de ma gratitude envers lui.
En matière de contagion de la bêtise, l'Internet a pulvérisé tous les records précédemment établis par la télévision, et ce n'est pas peu dire.
L'erreur fondamentale a d'abord été de parler du voile, comme si le port de ce fâcheux bout de tissu résultait d'une cause unique et universelle et qu'une jeune femme de Sanaa se voilait intégralement pour les mêmes raisons qu'une convertie de Limoges - ce qui est évidemment absurde : dans le premier cas, le voile relève d'une tradition dont on peut penser ce qu'on veut tandis que, dans le second, il signifie la revendication, éventuellement polémique, d'un appartenance religieuse. Autrement dit, les femmes qui, en France, portent le voile intégral font acte de militantisme et je doute fort que le délit de "dissimulation forcée du visage" corresponde à quoi que ce soit de réel.
Notre classe politique témoigne d'une incapacité pathologique à agir et à penser, bien plus redoutable que ne le seraient l'hypocrisie ou la duplicité.
Depuis l'attentat contre Charlie Hebdo, nous vivions et vivons encore dans une ambiance détestable que la classe politique, par cynisme ou par simple bêtise, a contribué, si c'est possible, à rendre plus détestable encore en favorisant systématiquement ce que Spinoza appelle les passions tristes - la jalousie, le ressentiment et, surtout, la peur. Le pouvoir de ces passions est terrifiant. On ne peut évidemment pas y faire efficacement obstacle en publiant des articles dans les journaux. Mais il est des moments, en dehors de toute considération d'efficacité, où se taire quand on a la privilège, mérité ou pas, de pouvoir s'exprimer, devient une faute ; plus qu'une faute même : une obscénité.