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EAN : 9782330048716
176 pages
Actes Sud (04/03/2015)
3.65/5   297 notes
Résumé :
Fasciné par la figure du physicien allemand Werner Heisenberg (1901-1976), fondateur de la mécanique quantique, inventeur du célèbre “principe d’incertitude” et Prix Nobel de physique en 1932, un jeune aspirant philosophe désenchanté s’efforce, à travers la destinée de cet homme de science confronté à la montée du nazisme puis à la Seconde Guerre mondiale, de prendre la mesure du mal à l’oeuvre dans le monde contemporain tout en tentant d’assumer les défaillances de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (68) Voir plus Ajouter une critique
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Cela m'arrive rarement mais voilà un livre dont je ne peux rien dire car je n'y ai rien compris ou presque. C'est à mon avis un livre raté et pourtant la lecture du début me laissait penser que j'allais vers une belle découverte d'autant plus que Jérôme Ferrari est un auteur que j'ai jusque là apprécié. Mon incompréhension devant ce livre qui est pour moi un méli-mélo qui ne m'a rien apporté fait que je ne mets aucune note (j'ai tenté une relecture après cet avis et finalement ce sera deux étoiles malgré l'enthousiasme de certains....). Peut-être cette incompréhension vient-elle de mon cerveau qui n'a pas la capacité suffisante pour suivre les méandres empruntés par l'auteur.
"Toutes les histoires sont cohérentes et toutes sont incomplètes, comme si le principe ne régissait plus seulement les relations entre la position et la vitesse, l'énergie et le temps, mais débordait de toutes parts le monde des atomes pour étendre son influence sur les hommes dont les pensées s'estompent et se colorent des teintes pâles de l'indétermination.
Tel n'est pourtant pas le cas.
Les pensées peuvent être cachées, secrètes, honteuses, oubliées, elles peuvent être douloureuses, inacceptables ou incomprises, elles peuvent même être contradictoires : elles ne sont pas indéterminées."
Peut-être d'autres critiques me permettront-elles de comprendre ce livre..... à moins que l'auteur lui-même présent demain à la Grande Librairie ne me persuade de m'y replonger. Si mon appréciation évoluait je remettrais ultérieurement un autre commentaire ....
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Le sujet était prometteur puisque l'auteur, Jérôme Ferrari, prix Goncourt 2012, entreprend de retracer la vie du physicien Werner Heisenberg, l'homme qui a été l'un des précurseurs dans le domaine de la mécanique quantique et qui a obtenu le prix Nobel de Physique en 1932.
Cette évocation est faite au travers du regard d'un jeune étudiant en philosophie, étudiant qui sèche lamentablement alors qu'il est interrogé justement sur un texte de Heisenberg.
Il faut dire que la mécanique quantique est un domaine qui peut rebuter plus d'un.
Heisenberg a été le physicien qui a énoncé, en 1927, le "principe d'incertitude" selon lequel on ne peut pas connaître en même temps la vitesse et la position d'une particule.
Il a vécu en Allemagne et a travaillé avec de grands scientifiques dont le physicien danois Niels Bohr, unanimement reconnu comme le père de la physique quantique.
Un homme très brillant donc que ce M. Heisenberg, mais qui a vécu une période trouble et qui a dû rendre des comptes après la guerre.
Contrairement à d'autres scientifiques, il est resté en Allemagne pendant la période nazie. Il a dirigé le programme d'armement nucléaire.
A ce titre il révéla à Niels Bohr l'existence de la possibilité d'une arme nucléaire lors d'un entretien en 1941, entretien qui jeta un froid entre eux, Niels Bohr décidant de rejoindre le projet Manhattan peu de temps après, en vue de donner l'arme nucléaire aux Etats-Unis.
Heisenberg a-t-il bien ralenti le projet qui aurait pu donner l'arme nucléaire à l'Allemagne nazie? Il y a eu beaucoup de controverses, ce que montre bien l'auteur dans son livre.
D'autres personnalités scientifiques sont évoquées.
Le sujet était donc passionnant mais je sors de cette lecture avec une désagréable impression de confusion.
Les personnages et les situations se mêlent mais j'ai souvent du mal à voir les lignes directrices.
De même j'aurais aimé voir un peu plus d'informations sur les enjeux de ces recherches scientifiques, tant du point de vue militaire que civil.
Donc le sentiment que soit je suis passée à côté de quelque chose, soit l'auteur ne nous a peut-être pas suffisamment dirigés vers l'essentiel...
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Le vertige somptueux de Jérôme Ferrari, autour de la figure énigmatique de Werner Heisenberg.

Le narrateur du roman «Le Principe», étudiant désenchanté sous le coup d'une humiliation cuisante lors d'un oral de philosophie, s'est retiré dans la maison paternelle en Corse où il rêve d'écrire un grand roman.
Là, il médite sur la figure fascinante de Werner Heisenberg et lance une adresse à ce physicien de génie, qui jetât les bases de la physique quantique dès les années 1920, inventeur à vingt-cinq ans du principe d'incertitude, principe qui établit qu'on ne peut déterminer avec une précision infinie la vitesse et la position d'une particule élémentaire.

«Vous aviez vingt-trois ans et c'est là, sur cet îlot désolé où ne pousse aucune fleur, qu'il vous fut donné pour la première fois de regarder par-dessus l'épaule de Dieu. Il n'y eut pas de miracle, bien sûr, ni même, en vérité, rien qui ressemblât de près ou de loin à l'épaule de Dieu, mais pour rendre compte de ce qui s'est passé cette nuit-là, nous n'avons le choix, nul ne le sait mieux que vous, qu'entre une métaphore et le silence. Pour vous, ce fut d'abord le silence, et l'éblouissement d'un vertige plus précieux que le bonheur.»

Werner Heisenberg, resté en Allemagne pendant la Seconde Guerre Mondiale, contribuât plus tard au programme nucléaire allemand et fut ainsi compromis avec les Nazis, qu'il ait essayé de ralentir ce programme ou pas. de cette valse-hésitation vertigineuse d'Heisenberg, au coeur de la terreur et de l'Allemagne en sang puis en ruines, le narrateur se fait l'écho en cette année 1989, tandis que le mur de Berlin s'effondre.

«Vous êtes debout au coin d'une rue de Leipzig, vous ne bougez pas, et pourtant vous êtes entraîné, à une vitesse indéterminée, presque nulle et presque infinie, dans un mouvement dont vous craignez qu'il vous emporte à jamais et qui commence maintenant, au moment où le monde entier s'efface sous vos yeux. Vous voyez à travers les pierres glacées des immeubles, vous voyez à travers les corps des passants, non ce qu'ils cachent, mais ce qu'ils sont, des ruines chancelantes comme un décor de théâtre, que baigne la lueur du phosphore, un amoncellement de gravats poussiéreux, gisant à l'abri de hauts murs inutiles, dans un épouvantable désordre de pierres incandescentes, de planchers effondrés, d'argenterie en fusion et de poutres métalliques, tordues comme des os brisés et, entre ces ruines, se pressent des cadavres qui n'avancent dans le matin d'hiver que parce qu'ils se croient vivants, nul ne les ayant encore avisés qu'ils sont morts depuis longtemps, et voués comme le monde tout entier au châtiment incurable de l'irréalité, si bien qu'ils ne sont même plus des cadavres mais des simulacres, des âmes perdues auxquelles est refusée jusqu'à l'aumône de la damnation.»

Au vertige du narrateur penché sur cette figure lumineuse et sombre enveloppée de doutes, confronté au chaos du monde saccageur d'innocence, répond le vertige du lecteur découvrant ce roman somptueux, une littérature, comme la science, dédiée au plus haut. Avec des rapprochements historiques brillants et une poésie qui rappellent Éric Vuillard («La bataille d'Occident» en particulier), Jérôme Ferrari lance un pont entre la science, le principe d'incertitude et la littérature, c'est-à-dire cette ambition de l'écrivain de renommer le monde, sans jamais pouvoir atteindre un fond des choses qui toujours se dérobe.

«En 1922, à Göttingen, quand Niels Bohr vous a révélé, avec une infinie compassion, que votre vocation de physicien était aussi une vocation de poète, il ne vous a rien appris que vous ne sachiez déjà.»

Après le magnifique «Le sermon sur la chute de Rome», ce roman paru en mars 2015 chez Actes Sud se lit comme une plongée dans l'abîme des tourments d'une humanité confrontée au choc de son ambition et à l'incertitude du monde, un livre comme une bataille dont la force et la beauté stupéfiante vous laissent pantelant.

«Car le regard des physiciens n'est plus qu'un regard d'hommes, instillant à tout ce qu'il effleure le venin de la subjectivité. Il ne sera jamais celui de Dieu. On ne dévoilera pas les plans du vieux, à peine peut-on espérer jeter furtivement un oeil par-dessus son épaule, et c'est ce qu'Einstein ne peut supporter. Ni lui, ni Schrödinger, ni de Broglie n'acceptent de renoncer à l'espoir, déraisonnable et magnifique, qui fut la raison d'être d'une quête menée depuis si longtemps, de parvenir un jour à la description du fond secret des choses et ils n'acceptent pas qu'à cause de vous, cet espoir soit aboli, et ne puisse même pas subsister à titre d'idéal, parce que les choses n'ont pas de fond, et que le principe instaure entre elles et nous une limite infranchissable, un isthme au-delà duquel s'étend le néant ineffable.»

Retrouvez cette note de lecture, et toutes celles de Charybde 2 et 7 sur leur blog ici :
https://charybde2.wordpress.com/2015/04/30/note-de-lecture-le-principe-jerome-ferrari/
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Je suis restée trop souvent à quai avec ce livre. L'auteur et ses personnages sont partis faire un tour et ils ont déroulé leur histoire entre eux. de temps en temps, ils sont revenus me faire un petit coucou, me maintenant dans l'illusion que le livre pouvait s'adresser à moi. Vers la troisième partie, sans doute stupéfaits de ma patience à me tenir encore là, ils ont accepté de m'emmener avec eux dans cette histoire.
Je n'aime pas rester à quai. Alors, j'y ai mis beaucoup de volonté. Sachant que cela parle de physique quantique, j'ai relu les 50 premières pages deux fois car, concentrée que j'étais à comprendre cette fabuleuse découverte du "principe d'incertitude" (qui nous est quand même présentée à grands renforts de métaphores qui sont restées pour moi nébuleuses), j'ai loupé le changement de narrateur : erreur de débutante...
"Vous", c'est Werner Heisenberg, physicien allemand qui réussit à expliquer quelque chose d'incompréhensible nommée "principe d'incertitude", s'opposant donc à la connaissance jusque là établie par ses pairs mais qui est finalement récompensé d'un Nobel en 1933 (oui, l'année où tout bascule).
"Je", c'est donc celui qui raconte l'histoire de "vous" sur lequel il fait une fixette après avoir échoué en 1989 (oui, l'année où tout bascule à nouveau) à un oral de philosophie portant sur la physique quantique du Nobel en question. On le suit de loin en loin dans son parcours erratique, d'étudiant fumiste à écrivain (au passage, on fait à nouveau un tour par la Corse) gardant au fond de lui une fascination philosophico-scientifique pour le mystérieux Heisenberg.
En 1933, Heisenberg est, comme d'autres (enfin ceux qui ont encore le luxe de pouvoir choisir) confronté à un dilemme : s'exiler et avoir la certitude que le champ de la physique sera récupéré et manipulé comme outil de propagande nazie ou rester, tenter de sauver ce qui peut l'être et prendre le risque de la compromission. Il choisit finalement de rester. Mais que d'atermoiements (certes, la question est épineuse) qui m'ont laissé un sentiment brouillon alors même que l'écriture est très travaillée.
Évidemment, au moment où la guerre éclate, ses compétences sont mises à profit et le voilà à diriger un programme d'armement orienté sur le nucléaire et tentant, autant que possible, de le freiner. A la fin de la guerre, il aura cependant, avec d'autres scientifiques allemands, quelques explications à donner aux Alliés. Et c'est pendant ces 6 mois de rétention cosy (dans un cottage) qu'ils apprennent ce qui s'est passé à Hiroshima. S'ouvrent alors des problématiques fort intéressantes d'ordre philosophique autour de la science et de ses finalités que j'ai trouvé bien servies par l'écriture ciselée de Jérôme Ferrari (avec à ce moment là des phrases plus courtes et plus abordables).

Au final, je reste avec une impression partagée concernant ce livre. Une belle écriture du début à la fin, c'est sa marque de fabrique. Mais si la dernière partie m'a vraiment intéressée, le reste m'a demandé pas mal d'efforts et j'ai bien envie de poser quelques petites questions. Quand on en vient à lire 2 à 3 fois certaines phrases pour bien les appréhender, le rendez-vous n'est-il pas manqué avec un livre ? Doit-on considérer l'immédiateté, l'évidence de la rencontre comme seuls critères d'appréciation d'un livre ?
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Après toutes ces critiques, une avis de plus dans la masse.
Je n'ai pas trouvé du tout le livre difficile à lire, mais je me suis un temps demandé où Jérôme Ferrari voulait aller. Pour moi les deux premières parties sont intéressantes, avec les discussions bien connues sur l'interprétation de la physique quantique, certains dont Einstein refusant d'admettre que la physique ne soit plus une compréhension du monde mais une "simple" mise en équations, et évidemment sur le principe. Mais j'ai surtout été pris par la troisième : huis clos après la guerre où les physiciens allemands ayant travaillé sur le nucléaire sont un condensé d'humanité, géniaux et caricaturaux, mesquins et philosophes, altruistes et ridicules, heureux de ne pas avoir donné à Hitler les moyens de soumettre le monde et frustrés que les américains (avec leurs anciens collègues émigrés) aient réussi où ils échouaient.
Devant ces sujets lourds, les actes du narrateurs sont des diversions que je ne suis pas arrivé à prendre au sérieux, et le portrait d'Heisenberg est tout en nuances, mais annexe... ou il y a quelque chose que je n'ai pas compris dans la construction du livre.
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critiques presse (7)
LaLibreBelgique
03 avril 2017
Un roman magnifique où on retrouve sa langue somptueuse, ses longues phrases proustiennes, à la fois très précises et poétiques.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LaPresse
07 juillet 2015
Comme lui, on n'osera pas affirmer avoir saisi avec précision toutes les nuances des théories exposées, mais on en retiendra néanmoins l'essentiel, qu'il est vain de tenter de fixer la trajectoire d'une vie.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Culturebox
07 avril 2015
"Le principe" n'est pas un livre facile, mais il vaut la peine de s'accrocher.
Lire la critique sur le site : Culturebox
LeMonde
23 mars 2015
L’essentiel du Principe est accessible, et beau, ­réflexion sur une trajectoire et sur l’impossibilité de la fixer, méditation parfois somptueuse sur la corruption des idéaux par le contact avec la matière.
Lire la critique sur le site : LeMonde
BDGest
16 mars 2015
Dans «le Principe», Ferrari traite Heisenberg comme un laborantin scrute une particule dans une chambre de Wilson.
Lire la critique sur le site : BDGest
Lexpress
09 mars 2015
Dans une construction aussi précise qu'un théorème, Le Principe dépasse la simple évocation d'une vie et ses zones de flou, pour mieux interroger les fondements de toute vérité.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Telerama
25 février 2015
En brossant le portrait du physicien qui inventa le principe d'incertitude, Jérôme Ferrari dit l'incapacité des êtres à tout comprendre du monde.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (68) Voir plus Ajouter une citation
Epigraphe
Le maître dont l’oracle est à Delphes ne dit rien, ne cache rien – mais il fait signe.
HÉRACLITE,
fragment 93.

Et Il m’a dit : Entre la parole et le silence, il y a un isthme où se trouvent la tombe de la raison et les tombes des choses.
NIFFARI,
Les Haltes.

Incipit
Vous aviez vingt-trois ans et c’est là, sur cet îlot désolé où ne pousse aucune fleur, qu’il vous fut donné pour la première fois de regarder par-dessus l’épaule de Dieu. Il n’y eut pas de miracle, bien sûr, ni même, en vérité, rien qui ressemblât de près ou de loin à l’épaule de Dieu, mais pour rendre compte de ce qui s’est passé cette nuit-là, nous n’avons le choix, nul ne le sait mieux que vous, qu’entre une métaphore et le silence. Pour vous, ce fut d’abord le silence, et l’éblouissement d’un vertige plus précieux que le bonheur.
Vous ne pouviez pas dormir.
Vous avez attendu, assis tout en haut d’un piton rocheux, que le soleil se lève sur la mer du Nord.
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Il suffisait de renoncer aux questions, celles qui portaient sur une réalité physique que personne ne pouvait observer ni concevoir, il fallait oublier toutes ces histoires d'ondes et de corpuscules, d'orbites et de trajectoires, se libérer douloureusement de la nostalgie des images pour bondir d'un seul coup, par dessus l'abîme, dans le refuge des formes mathématiques, car c'est là que, depuis toujours, la raison a sa demeure - et c'est à nouveau la nuit d'été dans la cour du château de Prunn quand s'élevaient d'un violon solitaire les notes de la chaconne qui vous arrachait à votre douleur en révélant que le monde n'était pas seulement le chaos qu'il semblait être, ce grand corps disloqué, avec ses morts inutiles, ses âmes désorientées, ses vains espoirs, ses ruines, la rancœur et la colère inextinguibles, l'humiliations des diktats, et qu'il était encore possible d'avoir foi en ce que vous n'appeliez pas Dieu mais un ordre central, au sein duquel toute chose prenait sa place. Oui, vous aviez trouvé la bonne voie, la seule, c'était une certitude, et sans doute, pour un moment, vous n'avez pas douté que vous en convaincriez la communauté des physiciens.
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La bombe a fait connaissance avec ses victimes dont certaines, parce qu'elle a offert à la mort de nouveaux visages, n'appartiennent qu'à elle. Et parmi celles-ci, il en est qui ont, plus que d'autres, partagé son intimité et saisi la singularité inédite de son essence. Ce ne furent bien sûr pas celles qui furent, comme tant d'autres avant elles dans tant d'autres villes, ensevelies sous les décombres de leur maison ou qui périrent dans les incendies ; mais ce ne furent pas non plus celles qui ont vu leurs cheveux tomber ou leur peau partir en lambeaux, ni celles dont la partie du corps exposée aux rayonnements fut brûlée jusqu'aux os quand l'autre demeurait intacte et fraîche, ni même celles que la semence radioactive discrètement déposée en elles tua des années plus tard - non : les vrais morts de la bombe ont disparu sans laisser d'eux aucune trace sauf, peut-être, une vague silhouette claire sur un mur calciné, figée dans l'instant de la révélation ; le coeur d'uranium a battu tout près du leur, ils ont communié avec le fond des choses et sont revenus d'un seul coup, sans efforts inutiles, sans étapes superflues, à la substance commune qui les compose, et qui, au fond, comme leur silhouette, comme leur souvenir, comme eux-mêmes, n'est rien.
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De cette présence, on ne peut cependant rien dire, et elle ne peut être nommée.
Celui qui refuse de se résoudre au silence ne peut s’exprimer que par métaphores.

(…) je rêve, en buvant tout ce qui me tombe sous la main, au roman que je vais bientôt écrire. Il y serait question d’un personnage dont la vitesse et la position ne peuvent être exactement déterminées, qui sent parfois son corps s’étaler dans les ruelles d’une ville semblable à celle-ci, en recouvrant toute la surface jusqu’à ce que le regard des autres le force à se matérialiser en un point précis,
Toutes les histoires sont cohérentes et toutes sont incomplètes, comme si le principe ne régissait plus seulement les relations entre la position et la vitesse, l’énergie et le temps, mais débordait de toutes parts le monde des atomes pour étendre son influence sur les hommes dont les pensées s’estompent et se colorent des teintes pâles de l’indétermination.
Partout vous tracez dans votre carnet des lignes de fuite pleines de vie qui vous emportent loin des assassins, et de leur parole morte et vous libèrent du fracas pour vous rendre à la tâche, qui a toujours été la vôtre et celle des poètes, de dépasser infiniment les ressources de la langue pour dire ce qui ne peut l’être et pour décrire aussi précisément que possible tous les ordres d’une réalité hypothétique, multiple, indescriptible (…), et je sais maintenant que je n’écrirai jamais mon roman parce que je suis incapable de raconter une histoire dans une langue qui n’existe pas.
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Partir, c'est accepter que Philipp Lenard, Johannes Stark et tous les esprits malades pour lesquels la science portait les traces de ses origines raciales s'emparent des universités pour y instaurer le règne exclusif de leur délire.
Rester, c'est se condamner à des compromissions inévitables, comme celle à laquelle Planck lui-même devra consentir, un an plus tard, en faisant le salut nazi lors d'une cérémonie d'inauguration, s'y reprenant à trois fois, comme si la vieille main tremblante d'humiliation qu'il devait lever était devenue une main de fonte.
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