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EAN : 9782330013059
192 pages
Actes Sud (17/10/2012)
3.79/5   91 notes
Résumé :
Sur la place d'un village corse, le nationaliste Stéphane Campana s'est effondré, fauché par deux balles tirées à bout portant. Virginie, jeune fille vivant depuis l'enfant dans la vénération de cet homme, se jette sur son corps inanimé pour une ultime adoration.
Khaled et Hayet, frère et soeur originaires de Larache, près de Tanger, sont arrivés là quelques temps auparavant, en quête d'un monde meilleur que semblait promettre le miroitement de la mer du haut... >Voir plus
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Balco Atlantico, un nom étrangement familier, aux résonnances pourtant exotiques. Ce familier déjà un peu hétérogène, est celui d'une promenade à Larache, près de Tanger, où Hayet et son frère Khaled rêvaient d'un « ailleurs » un peu meilleur qu' « ici ».

Cet ailleurs, ce sera la Corse, une petite ville tendue, entre une xénophobie arrangeante et nationalisme exacerbé. Au centre de ce climat dense, le bar tenu par Marie-Angèle, où se croisent sa fille Virginie, Hayet devenue serveuse, Théodore Moracchini, un ethnologue en proie à un « excès de mémoire », des nationalistes fervents comme Stéphane Campana, Vincent Leandri et autres Dominique, Tony…

Ce déjà « ancien » roman de Jérôme Ferrari (2008) nous évoque, avec du recul, un autre livre plus connu du grand public, le sermon sur la chute de Rome, couronné d'un prix Goncourt.

Balco Atlantico est pourtant passé presque inaperçu à sa parution, et il nous interpelle d'autant plus à la lecture de son « petit frère » plus récent.

Ici, il est également question de la chute d'une cité, fauchée dans la gloire de sa candeur, cernée qu'elle est par une violence sourde, mais non pas aveugle des biens qu'elle convoite.

Jusqu'aux prénoms qui se ressemblent entre les deux romans : Hayet, la jeune serveuse disparue du bar de Matthieu et Libero, Marie-Angèle, la doyenne plus responsable et fatalement impuissant témoin du désastre, Vincent Leandri énigmatique…

Et des personnages plus « égarés », sortes d'intellectuels perdus dans le tableau, mais qui à force de souhaiter y cadrer deviennent plus vrais que peinture, le Pierre-Emmanuel du Sermon, Stéphane Campana de Balco Atlantico. Tous sont finalement à la recherche de leur identité, en quête d'une appartenance.

Dans Sermon, Matthieu est également en recherche de ses racines. Avec ses origines corses, et son parcours de Sorbonnard parisien, le village insulaire de son grand-père, et la possibilité d'y reprendre le bar lui apparaissent comme la réponse à ces questions.

Dans Balco Atlantico, c'es Théodore qui a cru toute sa vie savoir qui il était, et surtout qui il n'avait pas voulu être ; un père de famille responsable, un mari fidèle, un professeur intègre, un ethnologue sensible… Alors qu'il s'échinait à prendre le revers de ce portrait qui aurait fait de lui l'aboutissement de tout un programme, il réalise que ses souvenirs sont trompeurs, s'accumulent sans ordre, sont des « excès de mémoire », les réminiscences d'une vie qu'il n'a pas vécue.

C'est en homme vaincu, et non pas en conquérant comme Matthieu du Sermon, qu'il revient dans son village de jeunesse.

Au-delà de ces parcours de vie, c'est la mémoire et l'identité que ce livre explore. le Sermon développait quant à lui davantage les questions de l'ambition et de l'aspiration au devenir.

Balco Atlantico évoque ce passé que l'on traîne, cette identité qui se dérobe fatalement à nous au moment même où elle vient à notre conscience, car s'altérant nécessairement à cette occasion.

Stéphane Campana se sent à l'étroit dans l'image de l'intellectuel du mouvement.

C'est par son meurtre que s'ouvre le livre.

C'est par un meurtre que se ferme le Sermon.

Est-ce que Balco Atlantico présageait déjà du destin funeste de cette « Rome » que l'on sait vouée aux sacs et à la chute ?

Loin des romans d'enquête, la véritable question qui anime les deux romans n'est pas de savoir qui a commis ces meurtres, mais par quel phénomène de cristallisation le crime devient presque la seule option possible, un moment de soulagement. Mais cet instant est pourtant aussitôt remplacé par le malaise, malaise face au caractère aporétique d'un acte qui ne fait que supprimer un terme d'une équation irrémédiablement insoluble.

Fatalistes, les deux romans le sont sans doute. Pessimistes non sur la nature humaine, mais sur une société qui les guette. Les barbares attendront toujours la faille aux portes de Rome. Pire, nous narre le Sermon, la destruction ce que l'on a créé s'intègre dans le processus même du démiurge. Ce sombre constat, Balco Atlantico l'illustre par exemple dans la figure de Virginie, qui porte la pureté jusque dans son appellation, et qui se laisse pourtant corrompre par le contact des hommes et de la société.

Dans le Sermon, les ambitions de Matthieu et Libero n'en étaient pas moins bonnes, et s'anéantissent dans la concrétisation de leur projet de bar.

Est-ce que Balco Atlantico est le premier acte du Sermon ? Oui et non. Ils sont les deux faces d'une même question, les deux versants de la même montagne, au sommet de laquelle, à l'image du supplice de Sisyphe, on ne peut pas vraiment demeurer, condamnés que nous sommes à gravir ou à descendre autour de ces mêmes énigmes : l'identité, la mémoire, la conscience que l'on en a et l'emprise qu'il est possible de conserver dessus, entre ce que l'on fuit et ce vers quoi l'on aspire.

Pourquoi un tel succès pour le Sermon, et un tel anonymat pour Balco Atlantico ?

La première réponse, la plus simple, est que peut être les critiques connaissaient déjà l'oeuvre de Jérôme Ferrari au moment de la sortie de son dernier livre, et y ont alors été plus réceptifs, son style s'étant déjà fait remarquer dans des oeuvres comme Un dieu, un animal et Où j'ai laissé mon âme.

Mais Balco Atlantico est aussi plus sombre, plus violent, plus cru, et teinté d'un humour noir acerbe. Moins « goncourisable » en quelque sorte.

Un livre à conseiller vivement, et tout particulièrement quand on a aimé la lecture du Sermon sur la chute de Rome, dont Balco Atlantico fait office de frère plus sauvage…

Emma Breton

Lien : http://madamedub.com/WordPre..
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Comme dans le sermon sur la chute de Rome (qu'il précède dans la bibliographie de l'auteur), le bar de village de Balco Atlantico semble être le centre d'un monde en déliquescence où viennent se retrouver, voire s'échouer, des personnages qui oscillent entre le superbe et le lamentable. Roman qui parle notamment d'idéal comme principe directeur d'une vie, Balco Atlantico prend place dans une Corse traversée par les fièvres nationalistes et rêvée pourtant comme havre, comme refuge. Pour conter cette fresque à la fois banale et tragique, Jérôme Ferrari use d'un style tout en lyrisme et en longueur qui permet d'entrevoir les beautés fulgurantes et les affaissements inéluctables.

Derrière le comptoir de son bar, Marie-Angèle se désespère des amours immoraux de sa fille Virginie que l'on voit grandir, depuis l'enfance, et aimer passionnément un homme à en perdre la raison (presque) et la prudence (totalement). Hayet, son employée, est une immigrée marocaine qui vient de Larache. Là-bas, dans sa ville, elle avait l'habitude de se promener avec son frère Khaled, sur le balco atlantico, cette promenade qui fait face à l'océan et d'où l'on entraperçoit les horizons prometteurs. Khaled voulait venir en Europe pour travailler, et pour délivrer sa soeur de la vie qu'il imaginait, pour elle, pénible au Maroc. Derrière le bar, Théodore est un universitaire respecté que la mémoire fuit, ou plutôt qui est floué par elle. Ses souvenirs ont l'apparence des hallucinations, et rien de ce qu'il peut dire, de ce qu'il a cru vivre, n'a la solidité du réel. Il y a aussi les nationalistes, comme Vincent Léandri et Dominique Guerrini, légendes vivantes du combat pour une Corse indépendante, qui voient arriver les nouveaux visages du nationalisme, et surtout ceux d'égoïsmes bornés et dangereux, comme celui de Stéphane Campana, l'amant de Virginie.

Au début du roman, Marie-Angèle console sa fille Virginie qui vient de voir Stéphane Campana, mort, assassiné, devant le bar. Loin d'être l'épilogue sanglant d'une rivalité entre groupes nationalistes rivaux, cet assassinat est l'exemple contemporain des vendettas qui bouleversaient autrefois l'île, et qui ont tant fasciné Campana, historien avant d'être nationaliste. Est-ce alors un hasard si l'intrigue converge vers la résolution de cet assassinat, en tout cas vers l'explication de celui-ci, et se termine donc par cette dernière, enfermant le bar, la Corse et tous ces personnages dans une boucle dont ils ne pourront pas se tirer ? Pourtant, cet assassinat n'est que l'aboutissement d'idéaux personnels qui, entrant en collision et en confusion, ont déçu ou perdu ces personnages.

Virginie Susini a pour idéal Stéphane Campana, auquel elle voue une adoration. Lui, en retour, est un jeune homme intellectuellement brillant mais obnubilé par le corps des femmes qu'il n'a jamais touché ; il répond à l'adoration de Virginie en la mettant sur un piédestal (leur amour est strictement platonique) et en devenant le chef de file de la nouvelle génération de nationalistes. Campana s'élève à ces nouvelles fonctions et justifie l'adoration dont il est l'objet en acceptant la violence, et en acceptant de détacher le corps de l'esprit (notamment avec les femmes). En réalité, son idéal est son égo propre, qu'il satisfait en devenant une image d'homme, c'est-à-dire en collant à l'image qu'il s'en fait. S'il meurt tragiquement, il se perd bien avant, en donnant lui-même la mort. La mort, c'est ce qui perd aussi Vincent Léandri et Dominique Guerrini. Dominique la refuse (il conteste que les nationalistes puissent abattre des dealers maghrébins au nom d'une pureté tant sanitaire que nationale de l'île) et il en meurt ; Vincent accepte ces morts violentes et, partant, il se perd. Quant à Hayet et Khaled, c'est leur migration qui les perd. En Corse, le frère et la soeur se confrontent à la réalité de leur idéal, qui se traduit par leur séparation physique (ils ne vivent pas ensemble) et par la violence à laquelle ils vont se heurter (machisme de la gent masculine à l'égard de Hayet, qui confine au harcèlement, et violence physique et raciste envers Khaled). Pour Théodore, enfin, la mémoire fait figure d'idéal : un idéal poursuivi, recherché, traqué, à cause duquel il est interné en asile psychiatrique, et qui joue avec lui de façon très intime (jusqu'à lui faire douter de l'existence de sa famille). La quatrième de couverte parle de roman solaire : on dirait plutôt un roman crépusculaire, qui confondrait l'idéal comme escroquerie terrible, comme tyran personnel auquel on ne pourrait échapper que par la mort.
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Il faudra sûrement que je relise "Balco Atlantico" à la place qu'il occupe dans cette chronique corse et familiale que Jérôme Ferrari construit. Les personnages reviennent d'un roman à l'autre, mais j'ai perdu le fil de leurs aventures antérieures, et je n'ai pas gardé une notion très précise de leurs rapports généalogiques. Ceci ne constitue en rien un reproche que je ferais au romancier : l'oeuvre est belle, terriblement mélancolique, sauvage par moments et drôle à d'autres. Pas plus que les autres romans de Ferrari, ce n'est pas un livre athée, où la question de Dieu serait dépourvue de toute pertinence. En réalité, le lecteur sent fortement l'absence de Dieu, ce vide qu'il laisse est perceptible et frappant. Ce vide est parfois traversé (moins dans ce roman que dans certains autres) par un être divin malfaisant, malveillant, indifférent et cruel, qui porte aussi le nom de "Dieu". Peut-être Ferrari est-il un Manichéen, ce qui ne m'étonnerait pas outre mesure, puisque son roman le plus célèbre évoque Saint Augustin, qui en fut un. Dernière raison de relire ce livre avec les autres : le style, qui demande une analyse ou au moins une attention particulières.
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L'intrigue est en Corse et raconte quatre couples : Stéphane et Virginie, unis par un amour schizophrène, unilatéral, inaccompli ; Dominique et Vincent qui se disent autonomistes comme Stéphane ; Théodore et son fantôme ; Khaled et Hayet, frère et soeur immigrés. le livre raconte la dérive violente des autonomistes de 1985 à 2000. Stéphane, Dominique et Khaled seront assassinés. Théodore et Vincent survivent avec leurs doutes et leurs faux souvenirs : Je savais qu'il ne fallait pas fuir. Je savais qu'il ne fallait pas être ce que je suis. Mais la connaissance ne m'a servi à rien. Je n'en ai pas été digne (p. 152). le thème central est la lente formation du couple monstrueux de Stéphane et Virginie : le livre s'ouvre sur l'assassinat de Stéphane et se ferme sur les instants qui le précèdent. On n'arrive pas à plaindre Virginie de son aveuglement parce qu'elle donne gloire à son homme pour sa délectation dans ses crimes. Restent les femmes qu'on retrouve dans le même bar du Sermon sur la chute de Rome : Hayet, icône discrète de la dignité, et Marie-Angèle, la mère de Virginie.

Le thème profond est la perte de la vérité et du courage : les médiocres se reconnaissent dans l'image clinquante d'une résistance sans justification politique. Ici l'hubris n'est pas téméraire comme dans l'antiquité, elle est lâche et absurde : […] tout le monde les vit brandir fièrement leurs menottes scintillantes dans la lumière du soleil, comme des bracelets de roi, des bracelets d'or pur. Les caméras exposaient aux yeux d'une population fascinée depuis toujours par ses propres échecs et par toutes les formes de martyre de magnifiques vaincus, des hommes pleins de courage et d'abnégation, sacrifiant leur liberté à un idéal de justice dont personne ne doutait qu'il était supérieur aux lois (p. 50). Ces hommes imbéciles se croient investis d'une toute-puissance divine le jour où ils tiennent une arme.

Le livre est court, comme tous ceux de Ferrari, mais il est difficile à lire du fait de l'alternance de cinq chapitres nostalgiques, qui donnent leur nom au livre et portent le même titre « Derrière vous, la mer… », et six chapitres d'action, datés dans un ordre non chronologique, dont le premier et le dernier portent la même date d'octobre 2000. La phrase est magnifique, portant fièrement la contradiction de la pensée, de la parole et de l'action: […] Marie-Angèle, qui aimait sa fille beaucoup plus fort qu'elle n'avait jamais été capable de haïr quiconque, raffermit son étreinte en détournant son regard de la socquette tachée de boue et de sang et lui dit, oui, tu en mourras, je sais bien, et Virginie sanglota de gratitude […].
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BALCO ATLANTICO de JÉRÔME FERRARI
Octobre 2000, en soirée, Stephane Campana est haché par deux balles de fusil alors qu'il rendait visite à Virginie. C'est une figure importante du nationalisme corse, il passe pour un intellectuel. Virginie l'aime depuis qu'elle a 7 ans, elle en a une vingtaine. Cette relation désespère sa mère, Marie-Angèle qui tient le bar du village dans lequel tout le monde passe, Théodore qui a du mal avec ses souvenirs entre réalité et fiction, Vincent, Dominique, Leandri et puis Hayet, la soeur de Khaled arrivés du Maroc clandestinement.
Ferrari va nous faire remonter 15 ans en arrière vers 1985 pour essayer de comprendre comment on en est arrivé à cet assassinat, comment ce mouvement nationaliste a fini par se scinder en factions, comment des amis d'enfance en sont venus à se haïr, prêts à s'entretuer pour des différents mineurs à l'origine, comment les mémoires racontent des histoires si différentes aux uns et aux autres. Et puis il y a Khaled et sa soeur qui avaient l'habitude de se balader chez eux sur le BALCO ATLANTICO, le soir, qui vont se trouver pris dans un engrenage mortel, pour un peu de shit, parce qu'un certain nationalisme corse prône une pureté sans drogue.
C'est un très beau roman, poignant et sûrement bien documenté, Ferrari est corse et beaucoup de ses romans tentent de comprendre, d'expliquer cette complexité insulaire. Les personnages sont fascinants, l'histoire, pas toujours simple à suivre compte tenu des multiples retours dans le passé, est passionnante. Un roman qui sous certains angles m'a fait penser à son Sermon sur la Chute de Rome. A lire.
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Après m'avoir laissée pour toujours, sans le savoir, tu es allé boire un thé avec Ryad. Puis, vous êtes partis travailler. Dans la cuisine, vous étiez de bonne humeur et vous avez beaucoup ri. La soirée était calme et vous avez pu vous coucher tôt. Vous étiez allongés, chacun sur votre lit. Ryad pensait à son voeu, au soulagement de sa mère, et c'est ainsi qu'il pouvait sourire.Toi, si tu me permets de le croire, tu rêvais que tu te promenais avec moi sur Balco Atlantico, et que nous regardions le coucher de soleil le plus somptueux que Dieu ait fait descendre sur la terre depuis la création du monde. Et c'était une telle merveille que tu cessais de voir des murs partout. Pour la première fois, tu voyais les chalutier silencieux, tout en bas, qui rentraient au port, l'horizon flamboyant, la douce lumière du phare qui s'allumait. Tu rêvais. Le monde était plein de beauté et moi, j'étais ta soeur aimante.
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Stéphane se leva et commença un discours où il était justement question d'héritage incontestable et de légitimité, de propreté morale et de salut identitaire, et plus Dominique l'entendait parler, plus il se sentait accablé et honteux, comme si ce n'étaient pas des paroles qui lui parvenaient, mais des éclaboussures visqueuses dont il ne pourrait jamais se débarrasser, les mots étaient lourds, de plus en plus lourds et visqueux, ce n'étaient plus les mots de Stéphane, c'étaient des bribes dégueulasses, les bribes sans cesse remâchées et digérées d'un discours impersonnel et aveugle, que toutes ses années de militantisme avaient incrusté dans l'esprit de Stéphane jusqu'à le transformer en ce que Dominique avait maintenant sous les yeux, cet être glacé qui s'exprimait avec chaleur, ce monument de mauvaise foi dont la sincérité était pourtant totale, cette espèce de monstre dont l'humanité était si incontestable que Dominique ne pouvait maintenant plus supporter la honte radicale qui, une fois de plus, l'étouffait-la honte d'être, lui aussi, un homme.
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Il s'était résigné à ne pas être né à la bonne époque. Les années 1930 lui auraient convenu davantage, il aurait pu être militaire, ou aventurier, ou malfrat, ou n'importe quoi susceptible de satisfaire son incorrigible romantisme, mais il était né en un temps où l'empire colonial était mort : le soleil des tropiques ne réchauffait plus que des désastres.
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...il y avait Stéphane, transformé en une espèce de héros d'épopée, un chevalier, un saint guérisseur des premiers jours de la Chrétienté qui se dressait en face de la mer contre les hordes déferlantes des guerriers de l'Islam, galopant sur les flots, un saint meurtrier et purificateur, entouré de lâches et de pécheurs, que son pouvoir de donner la mort avait élevé à une hauteur si inconcevable , qu'il y côtoyait la Divinité impassible, et il y avait aussi Virginie elle-même, mais elle n'était plus une jeune femme pitoyable et trahie, elle était tant d'autres choses, la dame d'un chevalier, la prêtresse d'un monde en guerre, une icône immatérielle et aveugle aux pieds de laquelle brûlait de l'encens...
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"J'étais donc, en somme, arrivé à une solution acceptable quand je me posais enfin la question qui faillit me faire perdre totalement ce qui me restait de raison : depuis quand souffrais-je de cet excès de mémoire ? Qu'avait été ma vie ? (...)
J'éprouve peut-être une nostalgie terrible pour des choses qui n'existent pas. Mais je ne veux pas perdre cette nostalgie".
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Vidéo de Jérôme Ferrari
Jérôme Ferrari, prix Goncourt 2012, est à l'honneur de cette nouvelle séance du cycle « En lisant, en écrivant ».
Qui est Jérôme Ferrari ? Professeur de philosophie, Jérôme Ferrari obtient en 2012 le prix Goncourt pour le Sermon sur la chute de Rome, saga familiale inspirée par une phrase de saint Augustin : « le monde est comme l'homme, il naît, il grandit, il meurt.» Son dernier roman, À son image (2018), se penche, à travers l'histoire d'une photographe de guerre, sur le pouvoir évocateur – mais aussi l'impuissance – de la photographie.
En savoir plus sur les Masterclasses – En lisant, en écrivant : https://www.bnf.fr/fr/master-classes-litteraires
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