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Critique de Lamifranz


Georges Feydeau, comme Tristan Bernard, Jules Renard, Georges Courteline, Alphonse Allais et tant d'autres, c'est une assurance tous risques contre la morosité. Mettez le pire des esprits chagrins devant un spectacle de Feydeau, vous le verrez peu à peu se dérider, esquisser un sourire, sourire vraiment et finalement rire aux éclats en se tapant sur les cuisses. Feydeau, c'est le remède absolu contre la mélancolie et la tristesse, et aussi contre la médiocrité et la bêtise.
« Georges Feydeau eut ce pouvoir prodigieux de faire rire… D'autres, me direz-vous, l'avaient eu avant lui, et d'autres l'ont encore, ce pouvoir. Eh bien, non ! Ce que d'autres ont eu, ceux que d'autres ont encore, c'est le don de faire rire, c'en est la possibilité, mais lui, Georges Feydeau, ce qu'il avait en outre, et sans partage c'était le pouvoir de faire rire infailliblement, mathématiquement, à tel instant choisi par lui et pendant un nombre défini de secondes ». (Sacha Guitry)
« Un fil à la patte » est à mon sens une des meilleures, sinon la meilleure pièce de l'auteur. La mécanique de précision qui caractérise le théâtre de vaudeville et celui de Feydeau en particulier, est ici portée à son niveau le plus haut. La pièce entière est un festival : les quiproquos s'enchaînent, les situations cocasses arrivent en rafales, les portes claquent, les acteurs se retrouvent en caleçon sur le palier, les personnages se croisent et se décroisent, se fuient et se retrouvent malgré eux, et par-dessus tout les dialogues étincelants émaillent la pièce pour le plus grands plaisir des spectateurs… et des acteurs qui, les tout premiers, reconnaissent que le théâtre de Feydeau est autant jubilatoire que difficile à jouer !
Pour résumer l'intrigue en quelques mots : un jeune homme qui veut « se ranger » en épousant une jeune héritière, doit rompre avec sa maîtresse. Mais celle-ci, chanteuse de son état, doit se produire le soir même au mariage. Or le mariage est déjà passé dans le journal… Une foule de personnages, certains pittoresques, d'autres hilarants, envahissent la scène dans un carnaval de situations abracadabrantesques, pleines de rebondissements, de surprises, de pieux mensonges qui risquent à tout moment de se retourner contre leurs auteurs…
Du Feydeau, quoi. Millimétré au cordeau. Mais la vivacité des dialogues, le jeu des acteurs, l'énergie comique que dégage la pièce empêchent de voir et de mesurer (mais on le fait après coup) l'immense travail qui se fait sur scène et en coulisse. C'est sans doute vrai pour la plus grande partie des mises en scène, mais avec Feydeau, c'est du grand art, parce que dans cette mécanique, si un rouage ne fonctionne pas, c'est l'échec assuré, le bide, le four, la cata. C'est sans doute la raison pour laquelle Feydeau mettait en scène lui-même ses pièces et assurait la direction des comédiens.
Lire la pièce est un plaisir, la voir jouer est une délectation. Trois interprétations sont fortement conseillées :
La version 1961 de la Comédie-Française : dans la mise en scène de Jacques Charon, avec Jean Piat (Bois-d'Enghien), Micheline Boudet (Lucette), Robert Hirsch (Bouzin), Paul-Emile Deiber (Irrigua), Jacques Charon (Fontanet), etc. Un chef-d'oeuvre absolu.
La version 2012 de la Comédie-Française : dans la mise en scène de Jérôme Deschamps, avec Hervé Pierre (Bois-d'Enghien), Florence Viala (Lucette), Christian Hecq (Bouzin), Thierry Hancisse (Irrigua), Serge Bagdassarian (Fontanet), etc. Un chef-oeuvre aussi, comme le précédent dans une version plus moderne.
Enfin en 2005, une version réjouissante par les animateurs de France 2 : dans la mise en scène de Francis Perrin, avec Thierry Beccaro (Bois-d'Enghien), Marie-Ange Nardi (Lucette), Tex (Bouzin), Patrice Laffont (Irrigua), David Martin (Fontanet). Résultat plus qu'honorable pour des gens dont ce n'est pas le métier. Un très bon moment de détente. L'expérience sera renouvelée avec succès en 2006 avec l'irrésistible opérette « Trois jeunes filles nues »
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