Le début de la fin

- Spike, qu'est-ce qu'un fantôme, exactement?
- Un spectre, intervint mon oncle Mycroft qui venait juste de se matérialiser, est essentiellement une structure ondulatoire hétéromorphe qui devient matérielle quand l'apparition convertit l'énergie thermique environnante en lumière visible. C'est un phénomène très intéressant et je suis sidéré que personne n'ait songé à l'exploiter. Imaginez une télévision holographique qui fonctionnerait avec la chaleur produite par un cochon d'Inde de taille moyenne.
Je frissonnai. Mycroft avait raison, la température de la pièce avait chuté et il était bien présent, mais beaucoup moins solide que la fois précédente. Je distinguais facilement l'autre côté de la pièce au travers de son corps.

Mais ce qu'il faut savoir, c'est que ce n'était pas réel, dans tous les sens du terme, pas plus que dans le reste du Monde des Livres. La Bibliothèque était une nébuleuse formée par tous les livres qu'elle abritait. Son aspect ne relevait pas seulement d'une description de base, mais également de l'idée que je me faisais de la Grande Bibliothèque telle qu'elle devait être. De ce fait, sa forme variait subtilement selon mon humeur, parfois sombre et morne, parfois spacieuse et lumineuse. On m'avait appris que la lecture était un acte créatif au même titre que l'écriture, parfois plus. Quand dans un livre nous percevons les couleurs d'un soleil couchant ou les bruits de la marée montante, nous le devons autant à nous-mêmes qu'au talent de l'auteur. En définitive, c'est le lecteur qui effectue la totalité du boulot : l'écrivain peut très bien avoir disparu depuis longtemps.

Les lois fondamentales de l’Univers des Livres étaient également controversées. Les uns soutenaient qu’il était en expansion continue, à mesure qu’on écrivait des livres nouveaux, les autres avançaient des arguments convaincants pour un « état stable » de l’Univers au sein duquel les idées étaient recyclées en permanence. Un troisième groupe, du nom de « simplistes », prétendait qu’une seule loi fondamentale régissait toute la fiction : ça fonctionne parce que ça fonctionne.

Dolgellau marbré force quatre, c’est un 9,5. Dix-huit années de maturation à Blaenafon, et pas pour les mauviettes. Excellent sur les crackers, mais on s’en sert également pour repousser les putois en rut.

Tout de même, je n’avais jamais su pourquoi avec elles j’avais l’impression d’avoir dix-huit ans quand j’en avais cinquante-deux et que j’étais entrée dans une sorte d’âge de raison qu’elles auraient dû avoir atteint. C’est une particularité de la cinquantaine. On pense toute la vie que le demi-siècle sonne le glas de l’adolescence, mais c’est moins embêtant qu’on ne le croit, dès lors que l’on n’égare pas ses binocles.

- L'indice de Lecture Extérieur a encore chuté pour le 1782e jour consécutif, poursuivit Bradshaw, et bien que certains livres continueront toujours d'être lu, nous nous rendons compte qu'un nombre grandissant de classiques secondaires et de roman de littérature restent une longue période sans même être ouverts. Ce qui explique que le Grand Central du Texte craint que des personnages délaissés soient tentés d'émigrer vers des livres plus appréciés pour exercer leur activité, ce qui ne manquerait pas de provoquer des frictions.

La poésie est la cocaïne de la littérature.

[...] le Parti du Sens Commun engagea tête baissée des réformes qui indiquaient ceci : "si nous avons mis dix ans à nous mettre dans le pétrin, en sortir va nous en prendre vingt[...].

« Mon alter ego de roman a usurpé ma place auprès du Conseil des Genres dont elle approuve sans discussion les projets les plus insensés avec la lamentable complicité de notre Premier ministre. » (p. 434)

« Pour tout ce qui concerne le voyage dans le temps, le paradoxe est un aimable compagnon : on s’habitue à l’avoir à ses côtés. » (p. 479)