Ce désir d'absolu ne m'éloigne pourtant pas de la réalité : j'adore l'ordinaire, le ronron, la routine, pourvu que l'on y mette une dose de poésie. Lui, il a tout compris.
A son art de s'adresser à moi en voyageant du 《Vous》 au 《Tu》, de m'écrire, de me surprendre, de me faire rire, de faire monter le désir puis redescendre et monter encore. A sa façon de me parler de tout, de rien, d'une fleur qui s'ouvre un peu plus chaque jour. A sa manière de me séduire, de s'en défendre ensuite, à ses élans et à ses retenues, à son habilité à passer du futile à l'important, d'entretenir la joie en résistance au chaos. Et surtout, à ses étreintes qu'il m'écrit quand j'ai la faiblesse de lui confier ma tristesse, je sais.
Je sais qu'il est comme moi.
Je sais surtout qu'il l'était déjà.
Il n'y a qu'une chose qu'on ne peut faire seul dans la vie : c'est étreindre.
L'étreinte est une conversation. Une langue au vocabulaire silencieux, qui ne souffre pas les frontières.
Si les traits des visages aimés, le timbre des voix, s'effacent peu à peu sous les assauts du temps, une étreinte laisse une place indélébile qu'il serait bien audacieux de vouloir décrire. Ça ressemble à la joie, mais en plus fragile. Au bonheur, mais en plus hystérique, ça laisse un éclat furtif. Ça ne s'oublie jamais.
Hier, Monsieur, vous m'avez souri.
Cela vous paraitra peut-être étrange, voire complètement déplacé, mais depuis ce matin, votre visage me poursuit et me réchauffe.
La solitude est une compagne qui parfois se rebelle et déploie ses grands bras pour nous étreindre jusqu’à la suffocation. (p 45)
Cependant je me rappellerai votre sourire comme on se rappelle parfois un baiser, avec la morsure de ne pas avoir compris qu’il était le dernier.
Si j’ai parfois tenté d’expliquer ces chagrins abyssaux, ces détresses incommensurables à ceux qui me sont proches et en qui j’ai confiance, j’ai très vite compris, malgré toute leur bonne volonté, qu’ils ne parvenaient à en mesurer ni la profondeur ni les ravages.
Je vous aime, mais d’abord faisons connaissance.
Il paraît que les personnes les plus cabossées sont celles qui ont le plus à cœur de réparer.