Mage de Bataille, volume 1, de
Peter A. Flannery est pour moi un bon petit kif de lecture fantasy.
Alors ce n'est pas de la fantasy qui bousculera votre monde et remettra en cause les nombreux clichés autour de cet imaginaire médiéval-fantastique. Les lectrices et lecteurs les plus rodées du genre n'y trouveront pas tous leur compte du fait que le roman répond quand même à des codes ou des clichés très courant du genre. Opposition manichéenne face à un Est ombragé, véritable nid du mal infernal, un jeune héros à en devenir malgré son statut de "faible", romance chevalier/princesse ( du véritable cliché de conte de fées celui-là ) , bref
Mage de Bataille renoue avec un certain classicisme du genre mais, au fond, on ne peut pas en faire le reproche à Peter A.Flannery car ce dernier ne suit ni plus ni moins que les tendances issues du genre. La frontière entre clichés et codes inhérents au genre est parfois mince.
Mais ce n'est pas pour autant que Peter A.Flannery va nous pondre une fantasy épique toute lisse. Sans doute fort de son expérience à la Royal Shakespeare Company, le romancier et dramaturge apporte à sa fiction une belle efficacité. La première partie du roman s'ouvre sur un décisif tournoi de "village" avant de s'enchainer vers une importante fuite massive face à une armée démoniaque. Plutôt que faire attendre son lectorat et d'amener le héros face au mal, c'est le mal qui vient frapper à la porte du héros. de quoi donner une ouverture des plus réussie à ce
Mage de Bataille qui peut se targuer de nous embarquer sans répit dans l'histoire.
La seconde partie est un peu moins intense mais tout aussi intéressante car, cette fois, l'auteur peut se laisser aller à nous conter la situation géopolitique de son roman tout en préparant ses héros à la guerre. Une seconde partie qui se focalise aussi sur l'habituel récit d'apprentissage, une partie bien menée bien que j'ai été assez dubitatif sur le rôle de commandant octroyé hâtivement aux jeunes recrues de chevaliers.
Dans l'ensemble, cette partie soulève l'ambition dramaturgique du roman qui va sans doute nous faire basculer sous plusieurs points de vue entre celui de Falco, le mage malingre, son meilleur ami, le coriace et talenteux bretteur Malaki ou encore la noble archère Brynna... sans compter la vision du mal qui est plutôt réussi.
Peter A.Flannery propose un reflet du mal très infernal avec son lot de cruauté et de souffrance infligés. Les hommes, femmes et enfants ne meurent pas mais sont condamnés aux flammes et souffrances éternelles. Quelques intermèdes nous présente le Marquis de la Douleur dans son antre en train de préparer sa guerre contre les Défiants. Cette vision du mal est grossière mais elle est efficace comme si l'auteur voulait un peu imposer son propre enfer de
la Divine Comédie. Je n'ai d'ailleurs pas pu m'empêcher de faire un rapprochement entre le héros Falco
Danté et le poète, auteur de
la Divine Comédie Dante Alighieri. Sans doute un clin d'oeil de la part de l'auteur...
Un petit mot sur les personnages... Il y a du bon et du mauvais, le mauvais se résumant au final à cet aspect de déjà-vu qui entoure les protagonistes.
Falco
Dante incarne le héros faible et fragile hanté par l'ombre d'un père. L'auteur met bien en valeur le côté maladif et malingre du héros qui va , grâce à une certaine volonté, se dépasser et se renforcer. Cheminement classique mais Falco
Dante n'en reste pas moins un héros vite attachant, notamment grâce à sa vulnérabilité bien mise en valeur. A ses côtés justement, on retrouve un personnage assez classique de l'heroic-fantasy avec le fils du forgeron, brave guerrier loyal et athlétique qui aurait pu avoir sa propre chanson de geste. Et enfin, on retrouve la touche féminine avec Brynna, une noble rompue à l'archerie qui va devenir une guerrière affirmée et une véritable meneuse d'hommes malgré son côté un peu hautain suscité par sa condition de noble. J'ai oublié de mentionner le fameux chevalier, l'Intendant, qui incarne parfaitement le rôle du brave au bon coeur à la fois robuste et tendre. Une sorte d'Aragorn.
Autant le dire, les personnages secondaires sont quand même assez clichés mais ils ne sont pas forcément écrits avec les pieds. Au fond, on n'en demande pas plus dans cette fiction qui reste ancrée sur des bases non originales mais solides, que ce soit au niveau du background ou au niveau des protagonistes. Par contre,
Peter A Flannery n'hésite pas à bousculer ses héros et à faire disparaître au passage quelques personnages secondaires intéressants. Il y a une véritable dimension de sacrifice qui est assez jubilatoire et qui donne tout son sel à cette fantasy épique.
En somme, Mages de Bataille n'est ni plus ni moins que de la bonne fantasy épique emmené surtout par l'écriture dramaturgique de son auteur qui nous offre une première partie très dynamique et prenante qui souligne efficacement les enjeux de l'intrigue. Sur le fond, on reste sur de la tambouille assez classique mais, pour moi, ce première volume fut un régal comme un bon plat dominical dont on n'arrive pas à se passer.