AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Fabinou7


“Le seul moyen de supporter l'existence, c'est de s'étourdir dans la littérature comme dans une orgie perpétuelle.”

Gustave Flaubert est-il un auteur incontournable ? C'est une personnalité clivante à bien des égards : réactionnaire, anti-bourgeois, avant-gardiste, libéral pourfendeur de l'idéal socialiste et mis au banc des accusés par la société conservatrice de l'époque. Bourgeois normand, étudiant en droit médiocre (il s'inspirera de son passé, sans complaisance, dans l'Education Sentimentale) sans ambition autre que celle d'écrire “dès qu'on abandonne sa chimère, on meurt de tristesse” avoue-t-il, fuyant l'ennui et l'introspection qu'il juge mères de toutes les déprimes.

Gustave Flaubert n'aime pas les masses, ni le suffrage universel, et encore moins les représentants du peuple, s'attaquant aux lois qui veulent limiter la liberté de la presse il éructe ‘“oui, cette loi passera, car les représentants du peuple ne sont autres qu'un tas immonde de vendus. Leur vue c'est l'intérêt, leur penchant la bassesse, leur honneur est un orgueil stupide, leur âme un tas de boue: mais un jour, un jour qui arrivera avant peu, le peuple recommencera la troisième révolution ; gare aux têtes, gare aux ruisseaux de sang”.

L'auteur de Madame Bovary entretient une longue correspondance avec ses contemporaines, notamment Louise Colet, ça n'empêche pas quelques saillies misogynes, d'ailleurs son rapport à l'amour est plein d'ambiguïtés, comme s'il restait toujours au seuil du couple, “l'être féminin n'a jamais été emboité dans mon existence” confesse à George Sand l'auteur dont on questionne aujourd'hui une possible homophilie, penchant possiblement partagé par l'un de ses plus proches correspondants Louis Bouilhet.

Dans ces perles de correspondance on découvre un Flaubert moraliste, effet accentué par l'édition ciselée de telle sorte que le lecteur découvre ces ronds de nacre comme une suite d'aphorismes, cela n'avait pas échappé à André Gide qui troqua comme livre de chevet, durant plusieurs années, le stoïque Marc-Aurèle pour les lettres de Flaubert, voyez-vous même : “ce ne sont pas les grands dîners et les grandes orgies qui nourrissent, mais un régime suivi, soutenu. Travaille chaque jour patiemment un nombre d' heures égales. Prends le pli d'une vie studieuse et calme; tu y goûteras d'abord un grand charme et tu en retireras de la Force.”

Mais Flaubert se vit d'abord en écrivain-artisan, sa correspondance est riche d'épanchements sur la difficulté d'écrire, sur les servitudes de la littérature et sur l'obsession du style “serre ton style, fais en un tissu souple comme la soie et fort comme une cotte de mailles”, “toujours penser au style” ajoute-t-il dans une autre lettre. Il souligne “qu'il est plus facile de devenir millionnaire et de vivre dans des palais vénitiens plein de chef-d'oeuvre que d'écrire une bonne page et d'être content de soi” ; reconnu de son vivant, il peut compter parmi ses correspondants à la fin de sa vie, Maupassant, Huysmans ou encore Zola.

Le temps c'est de l'argent, et comme Flaubert n'en manquait pas, sans avoir à travailler, il pu prendre le temps voulu pour écrire, martelant qu'il “faut écrire pour soi avant tout” et pas pour la gloire ni pour satisfaire les critiques. le temps de l'écriture et les desseins aristocratiques de la littérature chez Flaubert, sont liés à sa situation matérielle, comme le souligne son biographe Michel Winock, de là un farouche sentiment de supériorité et une acerbe peinture du “petit milieu” de la critique et des littérateurs du tout Paris. 
Son attitude nobiliaire à l'égard de l'argent se traduit dans ses courriers, se plaignant que bientôt on ne pourra plus vivre sans s'occuper “de son bien” et qu'il ‘“faudra que tout le monde passe plusieurs heures à tripoter ses capitaux. Charmant!”

Finalement, me direz-vous, pourquoi le “gueuloir” ? Certes référence au langage pas châtié, qui pourtant alterne avec le lyrisme et la douceur de bien des passages. En réalité, Flaubert travaillait ses phrases à voix haute dans sa maison rouennaise : Il gueulait littéralement ses phrases pour en éprouver le style dans une pièce à part, son jardin la nuit, seul ou en public… plus qu'un lieu, finalement ce gueuloir est davantage une méthode, une discipline d'écrivain… que le lecteur parfois, peut ressentir à son tour en lisant à voix haute.

Un dernier conseil Gustave ?

“Faites de grandes lectures, tout est là. Je vous le répète encore.”

Bien alors, bonne lecture à vous babéliotes !

Qu'en pensez-vous ?
Commenter  J’apprécie          10617



Ont apprécié cette critique (104)voir plus




{* *}