La vie quotidienne de Freud et de ses patients

... si Freud est un être d'enthousiasmes, il semble avoir pourtant toute sa vie choisi de renoncer au monde du sensible pour l'accomplissement d'un idéal d'abstraction. Aussi l'amitié avec son exigence de désincarnation répond-elle pleinement à son aspiration et s'offre à lui comme une des formes les plus sublimes de l'amour (avec les femmes comme avec les hommes d'ailleurs, tels Fliess et Jung).

... j'ai lu en réalité plus d'ouvrages sur l'archéologie que sur la psychologie.

Grâce à Marie Bonaparte, à l'ambassadeur Bullitt et à leurs appuis diplomatiques - et à une forte rançon -, Freud et sa famille peuvent quitter à temps le piège qui s'est refermé sur Vienne. Les S.S. lui demandent de signer un papier selon lequel il aurait été bien traité, il le fait mais demande à ajouter une phrase : "Je puis cordialement recommander la Gestapo à tous." Il quitte Vienne sur un jeu de mots mais peut-il pressentir que l'ironie s'achèvera à Auschwitz ?

Lorsque les nazis jettent ses livres dans les flammes, il comment simplement : "Quel progrès nous faisons. Au Moyen Age ils m'auraient brûlé."

Depuis 1933, Freud mesure la gravité des événements en Allemagne. Il écrit à Marie Bonaparte le 10 juin 1933 : "Le monde devient une grande prison, la pire des cellules est l'Allemagne. Ce qu'il va advenir de la cellule autrichienne est très incertain..." Freud croit cependant que l'Eglise sera un rempart contre le fascisme et que s'il y a un fascisme autrichien, il ne sera pas aussi terrible que le nazisme.

Pour sortir de son isolement, en réaction à la mort de son père et à l'antisémitisme viennois, Freud s'affilie en 1897 à une association juive qui défend les idées libérales des Lumières en même temps que l'unité et la solidarité du peuple juif. Pendant plus de vingt-cinq ans, il se rendra deux fois par mois, le mardi soir, à sa loge, nommée Wien, rue de l'Université, à quelques enjambées de chez lui. Jusqu'à l'apparition de son cancer de la mâchoire en 1923, il en est un membre très actif. Il participe à la création d'une nouvelle loge, convainc son frère et des amis de s'y affilier, s'intéresse au rôle de la femme dans cette organisation et y donne aussi des conférences. Avant de fonder lui-même un groupe de travail avec quelques pionniers en 1902 et même par la suite, le B'nai B'rith jouera pour Freud le rôle d'un premier public à qui il expose ses nouvelles théories.

En semaine, quand il en a le loisir, Freud aime lire des ouvrages d'archéologie et de préhistoire mais aussi des romans anglais, comme les aventures d'un personnage avec qui il partage le goût des traces et des mystères (et de la cocaïne), le Sherlock Holmes de Conan Doyle.

C'est un père tendre et attentif, qui voit ses enfants surtout le dimanche et durant l'été mais leur offre alors tout son temps et son amour.

Le dimanche est traditionnellement réservé à ses proches..

... Freud se rend, chaque samedi soir, au coeur de la ville, Biberstrasse 11, chez son ami le docteur Leopold Königstein. Il y retrouve ses partenaires de tarots avec qui il dîne joyeusement. Le repas y est souvent copieux et la soirée finit généralement fort tard. Rien, si ce n'est la mort, n'empêcherait les amis de se réunir rituellement autour de leur jeu de cartes.