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Critique de SarasansHache


"Tombé les voiles" est une anthologie très stimulante pour tout lecteur amateur de fiction ; de plus, ce recueil peut aussi servir d'initiation aux autres lecteurs, car les nouvelles qui le composent nous plongent dans des univers très différents, mais tous également intéressants à découvrir.

"Bison blanc" (Philippe Aurèle Leroux) : cette histoire ravira particulièrement les fans du groupe Nirvana. L'intrigue, une enquête policière, est narrée de façon dynamique ; de plus, la nouvelle est teintée de mysticisme sioux, ce qui confère à l'histoire beaucoup de mystère. Ce texte contient également de vrais textes du groupe Nirvana (traduits en français).

"Pandore déconnectée" (Yvan Barbedette) : la nouvelle se déroule dans un futur lointain, dans une ambiance qui peut rappeler le film "Bienvenue à Gattaca" (pour l'atmosphère aseptisée dans laquelle semblent vivre les personnages) et "Matrix" (dans la présence d'un programme reliant les esprits de chacun, dirigeant leur mode de communication). Ce texte très efficace peut déranger certains lecteurs, principalement dans la description de la "famille" modèle. le dénouement est assez surprenant.

"Noir" (Xavier-Marc Fleury) : une réflexion écrite sur la société humaine, esclave des cinq sens. Une démonstration de ce qu'il pourrait se passer si l'un d'entre eux venait à disparaître. Une nouvelle empreinte de précisions scientifiques, très dynamique, avec peu de personnages mais qui fait réfléchir...qu'aurions-nous fait, à la place du personnage principal ?

"Edmotype" (Edward Noyce) : cette nouvelle possède un style orné, précis et élégant ; un style qui correspond à la société décrite par l'auteur. On ressent la passion d'un inventeur génial tellement dévoué à son oeuvre que celle-ci précipite sa déchéance. le mystérieux de cette nouvelle apparait assez tard, ce qui lui donne un puissant effet de surprise.

"La machine à café" (Johann Vigneron) : cette histoire peut déranger les possesseurs de percolateur à dosettes. Elle est néanmoins d'un cocasse rarement atteint, qui mène malgré tout au tragique, lors du dénouement. L'intrigue dispose d'un style très sensuel mais pétillant. C'est très agréable à lire une fois passée la surprise de la situation.

"Indice de récupération" (Danü Danquigny) : l'intrigue se déroule dans un futur lointain où la société contrôle la mémoire des individus (les similitudes avec "Pandore déconnectée" s'arrêtent là). L'atmosphère de surveillance incessante peut rappeler "1984". le principe de trafic de mémoire peut faire penser au film "Total recall"...c'est également une réflexion profonde sur la nature fuyante des souvenirs. Ce texte se présente sous la forme d'un "journal de bord" dont les tenants et les aboutissants se mettent en place au fil de la lecture.

"Enchanteur des vents" (Fabien Rey) : une histoire de marins, de navires et de "sorciers". le principe d'action de ces "sorciers" est, ce me semble, assez inédit et fort bien pensé. C'est aussi une réflexion sur le pouvoir des mots et leur utilisation. Un univers très agréable à visiter.

"Macchabée blues" (Francis Jr Brenet) : une atmosphère à la Raymond Chandler, une réécriture d'une figure de la mythologie antique, un monde gouverné par La Mort. A lire et à relire avec, en arrière-plan musical, Robert Johnson. Cette histoire est terriblement efficace.

"Choc" (Aaron Judas) : une tension continuelle durant toute la lecture, jusqu'à la "libération" finale. L'atmosphère psychiatrique et carcérale de cette nouvelle est pesante, glaçante. A ne surtout pas lire seul dans la pénombre, vous risqueriez d'entendre souffrir les patients torturés par la peur. L'efficacité de style a rarement été atteinte aussi pernicieusement que dans cette histoire. C'est réellement un "choc".

"Dame M" (Audrey Salles) : une incantation, un charme lancé pour que le lecteur s'y jette, à l'instar du personnage principal. A mon sens, la nouvelle la plus réussie au niveau de l'adéquation du texte avec le message qu'il véhicule. le lecteur est subjugué, littéralement, par une mystérieuse femme et il se laisse happer petit à petit. le malaise est là, mais la curiosité l'emporte. Chaque phrase mène indubitablement au coup de théâtre final, révélé tout en subtilité, alors que c'est trop tard pour le lecteur, sur qui le charme a opéré.

"La déchirure Kostrowitzky" (Gwenaël Bulteau) : Un début de XXe siècle industriel et steam-punk sert de décor à cette intrigante et poétique nouvelle. Les amoureux de poésie reconnaîtront dans ce nom aux consonances polonaises un célèbre auteur français mais ne se prendront pas moins au jeu de miroir que l'auteur instaure avec L Histoire et la littérature.

"Evolution" (Philippe Deniel) : un environnement d'heroic-fantasy (avec elfes et nains) est ici proposé mais de façon surprenante et détournée. On rencontre dans cette nouvelle des fragments de mythologie nordique, mais surtout une réflexion sur la peur des puissants face au changement, face à l'étranger, face à l'inconnu. Comme dans "Macchabée blues", le personnage principal est porteur de mort, mais doit prendre, à la fin, une décision qui remettra tout en question.

"L'oeil du dragon" (Rozenn Duchesne) : cette nouvelle se déroule sur fond de guerre et de magie. Néanmoins, elle n'a rien à voir avec les oeuvres de fantasy "classiques", car elle mêle environnement assez contemporain et créatures mythiques. le lecteur peut également se sentir mal à l'aise vis-à-vis de la xénophobie du personnage principal. La nouvelle raconte un moment d'urgence où la confiance envers la mauvaise personne peut mener à la mort. Ce récit est efficace et permet au lecteur de réfléchir sur sa propre appréhension.

"Le magasin" (Aaron Gooris) : un monde post-apocalyptique en reconstruction est décrit à travers la mission de l'héroïne. L'atmosphère est pesante dès le début, avec aucun moment de répit pour le personnage principal (ni pour le lecteur). le seul espoir qui semble luire n'est qu'un autre piège, où règne un minuscule tyran. On se sent comme dans un film de David Lynch en lisant ce texte. le style est vraiment prenant et rien ne peut présager du coup de théâtre final.

"L'esprit du péché" (Barnett Chevin) : Ce récit est intriguant et angoissant, un peu comme "Le nom de la Rose" d'Umberto Eco. La peste, des disparitions suspectes, un couvent, un enquêteur ; le lecteur se sent enfermé dans le mystère mais poussé en avant par une instance narrative très présente, mais d'une façon étrange. le style est très agréable, la révélation de la vérité est efficace ; néanmoins, certains indices peuvent laisser présumer du coup de théâtre final...

"Où se perdent les vents" (Jana Rémond) : cette nouvelle pourrait être une suite probable de "Enchanteur des vents" (dans la même anthologie). C'est un récit court dans un univers entre "Mad Max" (environnement désertique total) et "John Carter from Mars" (autochtones de ce désert). Une réflexion sur l'espoir d'un homme qui n'a pourtant aucune raison logique d'espérer.

"Vague Mélodie" (Thierry Soulard) : une histoire de pirates, de sirènes, une véritable odyssée dont les méandres permettent au lecteur de croiser des références à "Peter Pan", "Moby Dick", "L'odyssée", "L'île au trésor" mais aussi au "Trône de fer". La mise en forme du récit, comme une bouteille à la mer remplie de messages à la recherche d'un interlocuteur est efficace et représente un bel hommage au style épistolaire. le coup de théâtre est vraiment inattendu. C'est un voyage poétique et rude qui vaut la peine d'être entrepris.

"Sous un voile d'ombre" (Elie Darco) : Un monde post-apocalyptique "renversé", où l'homme sature chaque centimètre de terrain. Une société où tous les coups sont permis pour parvenir en haut de la pyramide. Un complot épais que le personnage principal comme le lecteur cherche à démêler. Une atmosphère lourde où l'ennemi peut surgir de n'importe où.

"Tartu et la tombée de l'hiver" (Nina Valin) : L'homme a défiguré le cycle naturel de la vie. Dans un futur assez éloigné, un immeuble plein de scientifiques offre un huis-clos efficace. Une réflexion sur la possibilité de réparer les erreurs des hommes envers la nature. Un récit très poétique et assez mystérieux.

"Nul sauvetage/Futur fermée" (Valentin Desloges) : une épopée qui ressemble à un jeu de rôle (Naheulbeuk), pleine d'humour, avec une instance narrative qui brise le quatrième mur sans restriction. Mais au delà de la farce brillante, ce récit représente également un jeu fin et constant sur le langage et sur la fonction d'auteur. C'est très agréable à lire, vraiment intelligent et la fin est surprenante.

"Un dernier point de vue" (Frédéric Gobillot) : Un récit aux influences verniennes, à l'atmosphère steam-punk, avec des accents scientifiques et métaphysiques. le style est très agréable, l'histoire est très belle et poétique. On en sort émerveillé et surpris ; la fin est sublime et la proximité des réflexions de cette nouvelle avec la précédente ("Nul sauvetage/Futur fermée") offre un parallèle infiniment intéressant.

Bref, ruez-vous sur cette anthologie, la multiplicité des univers permet un grand dépaysement et stimule la curiosité de façon incessante. Un grand bravo à tous les auteurs. Je tiens à affirmer, néanmoins, que ces commentaires n'engagent que ma personne et ne reflètent que les sensations d'une lectrice lambda passionnée.
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