Nous avons été longtemps analysés, sans que jamais personne ne se donne la peine de tenter de nous connaître.
Julie, je te raconterai tout ce que les chiffres ne disent pas.
"On m'a demandé quel était le plus beau mot de la langue française. Le voici
Liberté.
C'est un mot qui n'existe pourtant pas dans ma langue. La liberté est un concept intrinsèque à tout ce qui existe dans notre vision du monde. Nous sommes issus d'un espace sans clôtures, sans frontières".
" Tu vois, être colonisé c'est ça. On doute de la valeur de sa culture. On doute de soi".
"J'ai mes réserve quant à l'influence des morts dans notre quotidien. Mais je crois en l'amour. En l'amour comme je le conçois n'a ni commencement ni fin.
Il existe.
Il est partout.
Il nous guide.
Il nous comprend.
Il nous console.
Il nous berce.
Comme un père."
"Plus tard, ils se sont mis à compter les suicides. C'était beaucoup plus grave que le décrochage ou même la toxicomanie. Les chiffres se sont affolés. [...] Comme ailleurs certains attendent de gagner le million à la loto, nous, nous attendions la mort, ou le désir de la mort. Comme une destinée."
J’écris en français parce que c’est la seule langue dans laquelle je sais écrire. Ce n’est pas mon choix de ne pas écrire en innu. Cette décision a été prise bien avant ma naissance. Elle était inscrite dans toutes les mesures assi- milatrices que mes grands-parents, parents et moi avons subies. On m’a instruite en français. On m’a fait croire que ma langue était mourante. Qu’il ne fallait pas trop s’y atta- cher, un animal en captivité dans un abattoir. J’ai grandi en ne sachant lire ni écrire l’innu-aimun. J’ai grandi en croyant que de ne pas savoir lire ni écrire l’innu-aimun était acceptable. (p.38)
Vers la fin de l'adolescence, il voudra vivre sa vie. Il aura ses amis, une copine dont il ne pourra pas se séparer. Sans doute, que son indépendance sera le signal de ma liberté.
Mais tu le sais tout comme moi, la souffrance n'appartient pas seulement au corps. Les blessures les plus réelles, les plus douloureuses, sont celles qui manquent l'âme.
Elles semblaient silencieuses à nous observer jouer dans l'eau. Je crois plutôt qu'elles se vidaient l'âme à petits élans de confession. J'ai l'impression que l'on peut tout dire quand on regarde le courant incessant de la rivière se jetant dans la mer.
Les barrières les plus solides sont celles qui subsistent dans l'esprit.