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EAN : 9791094680162
112 pages
Le Serpent à plumes (20/08/2015)
3.53/5   191 notes
Résumé :
J'aimerais que vous la connaissiez, la fille au ventre rond.
Celle qui élèvera seule ses enfants. Qui criera après son copain qui l'aura trompée. Qui pleurera seule dans son salon, qui changera des couches toute sa vie. Qui cherchera à travailler à l'âge de trente ans, qui finira son secondaire à trente-cinq, qui commencera à vivre trop tard, qui mourra trop tôt, complètement épuisée et insatisfaite. Bien sûr que j'ai menti, que j'ai mis un voile blanc sur ce... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (52) Voir plus Ajouter une critique
3,53

sur 191 notes
Profondément séduit lors du récent FIFF (Festival International du Film Francophone de Namur) par la vision du film Kuessipan, libre adaptation de l'oeuvre littéraire éponyme, de la réalisatrice québecoise Myriam Verreault en collaboration avec l'auteure Naomi Fontaine, je me devais donc d'aller à la rencontre de ce petit ouvrage (un peu plus de cent pages) à mes yeux fort prometteur.
Le FILM nous invitant à suivre le parcours de l'enfance à l'adolescence de deux jeunes filles Innues (peuple autochtone de la Côte-Nord du Québec) à la relation très fusionnelle, est une vraie réussite cinématographique tout en nuance et sensibilité, évitant habilement angélisme et manichéisme, sublimé par le jeu particulièrement convaincant d'acteurs et actrices majoritairement non professionnels.
Le LIVRE, récit plutôt que roman, fait d'une succession de chapitres de une, deux ou trois pages maximum (au plaisir de lecture à géométrie variable) nous convie à une immersion dans le quotidien d'une réserve amérindienne.
Pour y parvenir le procédé littéraire utilisé est pour le moins inhabituel consistant, sans cohérence apparente, en la confection d'une "lasagne" d'observations brutes, d'instantanés d'existence, de tranches de vie, de ressentis ou réflexions.
L'exercice est déroutant mais, pour peu qu'il accepte de se laisser emporter par ce torrent de (très) courtes phrases précises, sans fioritures ni effets de style stériles, le lecteur tombera immanquablement sous le charme d'une écriture épurée mais inspirée et poétique distillant l'empathie, le respect et la dignité.
Ceci dit, vous l'aurez aisément deviné, le livre m'a cependant moins emporté que le film dont j'espère qu'il trouvera distributeur dans vos pays respectifs.
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Nouveau char, nouveau road-trip. le char, un vieux pick-up, de la rouille, de la poussière et surtout de la musique. Direction la route 138, pour une crisse de vie, des larmes et quelques bières. Tu montes à bord ?

Je roule. Je laisse derrière moi Montréal et la fresque de Leonard Cohen, remonte vers le Nord vers l'Est, toujours plus haut, fuir les bruits de la ville des gens, les dépanneurs au coin de la rue, ouvert de jour, de nuit. Retrouver le son des tambours, son martellement en transe comme un coeur qui bat encore. Toujours plus de neige, toujours plus de silence, toujours plus au loin. Nuit.

Je stoppe. Arrêt dans un dépanneur, quelques binouzes pour poursuivre la route et regarder les étoiles qui s'offrent à moi. On the road, again et again. Les paysages défilent, l'immensité des forêts à ma gauche, la majestuosité du Saint-Laurent à ma droite. L'ours et la baleine. L'orignal et le saumon. Nous étions jeunes et larges d'épaules, à attendre que la mort nous frôle.

Je bifurque. le temps m'emmène dans les terres des ancêtres innus. le grand chaman et sa danse de la neige. Qui va encore pelleter la neige devant le tipi ? de la neige d'une blancheur aussi pure que de la cocaïne. En immersion en terres amérindiennes, terres inconnues d'un monde nouveau limité à une réserve perdue au milieu d'une immensité blanche. Autour des puits de pétrole, des puits de gaz, des puits de minerai. Et les hommes, ces âmes qui foulent depuis plusieurs millénaires ce lieu ? Nuit.

Je pose. Mes sabots dans la poussière, neige fondue et vent frais. Je les vois, ces jeunes filles qui ne rêvent que de devenir mères. Enfanter, c'est faire survivre un peuple. Je les vois, ces jeunes gars allongés à même le sol, à fumer de l'herbe à longueur de journée, à vider quelques bouteilles d'une bière fade et américaine. C'est par où Chambly ? Poésie.

Je lis. Des consonnes et des voyelles qui s'assemblent sur les rives du fleuve et forment un moment de beauté poétique. Court, l'image de l'instant, comme le haïku d'un autre rivage. Ephémère comme la neige qui fond entre tes cuisses. Je chante, seul sur le sable, les yeux dans l'eau, ou un truc plus tribal fait d'une succession de lettres qui écorchent la voix à celui qui n'a pas l'habitude de parler. Silence.

J'écoute le silence, celui d'un piano, celui d'une âme, celui d'un peuple. Mon silence qui n'ébruite même plus la poussière de la vie emportée par le blizzard de la péninsule, le Nitassinan. J'arrive au bout de ce voyage, au bout de la route 138, la fin d'une errance et je m'enfonce dans le sombre de l'océan. Poussière.
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Naomi Fontaine, 24 ans, auteure innue et québecoise a quitté la réserve d'Uashat à l'âge de sept ans pour aller vivre à Québec.

Dans ce livre, qualifié de « premier roman », elle raconte la vie dans la réserve, les gens qui y habitent, qui tentent d'y vivre, d'y survivre souvent, entre la forêt d'un côté et la baie de l'autre, les filles abandonnées par leurs copains, obligées d'élever beaucoup d'enfants avant de penser un peu à elles et de faire des études, les jeunes parfois tentés de s'abandonner dans l'oubli de la drogue, les hommes qui boivent beaucoup trop parfois. Mais il y a aussi un appel de la nature, la chasse, la pêche, il y a les visages ridés des vieux Indiens, les histoires qu'ils racontent, il y a le cimetière où la mémoire de la réserve est gravée dans des pierres dispersées, il y a le bruit du vent et des vagues…

Ce n'est pas un roman à proprement parler, avec un début et une fin, des péripéties identifiables. C'est plutôt un voyage dans la réserve, presque intérieur car le territoire n'est pas très étendu et tout le monde se connaît. C'est un regard sans complaisance sur la misère matérielle et morale, l'oubli , sur les barrières entre les indiens et les blancs, ces barrières qui se franchissent ou s'arrachent si facilement dans la réserve… Mais c'est surtout un hommage à cette culture indienne, innue, un désir de transmettre, de s'appuyer sur le passé pour aller vers demain sans trop de crainte.

C'est aussi une très belle écriture, marquée de simplicité et de lucidité. L'auteur adopte tantôt un regard très extérieur, en parlant à la troisième personne, tantôt un ton plus personnel, elle ne craint pas d'impliquer, de remuer en s'adressant directement à son lecteur.

Naomi Fontaine est une personnalité à découvrir et à suivre !
Lien : http://desmotsetdesnotes.wor..
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Un court ouvrage d'une immense intensité. de par son histoire, celle de son peuple de la réserve Innue d'Uashat, dont l'alcool, la drogue font des ravages parmi les hommes mais aussi la fierté des femmes, des anciens, et d'autre part, sa construction, une succession de textes plus ou moins longs, où l'auteur va à l'essentiel, donne par brides, suggère et laisse une place aux lecteurs. Une écriture épurée, les sentiments, les émotions sont portés par cette poésie en prose.
Un texte fort, magnifique qui va droit au coeur dont j'ai apprécié cette relecture.
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« Kuessipan », un court récit sur la vie quotidienne dans la réserve innue de Uashat. Mais, au-delà de l'histoire de ces vies aux jours qui s'enchaînent et se ressemblent, de ces femmes aux rêves similaires, de ces hommes aux destins tout tracés, « Kuessipan » est un livre qui s'écoute plus qu'il ne se lit.

Quand Naomi Fontaine décrit la vie de ses semblables, c'est en employant des mots simples formant de petites phrases. Pureté des mots, puretés des sons pour une description limpide d'une idéologie de vie naturelle, mais sans perspective.

Les femmes ayant toutes le même but, devenir mère, souhait indéfectible depuis leur enfance, fait qui les ancre dans la vie de la communauté.

Les hommes, passant de petits garçons tant désirés à maris trop tôt disparus.

L'herbe, non pas celle qui se foule, mais celle qui se roule, qui s'aspire et dont la fumée embrume l'air et l'esprit.

L'alcool qui réchauffe et les hommes une fois imbibés s'écroulent et oublient jusqu'au lendemain que pour eux, il n'y en a pas ou si peux, de lendemains.

Les jeunes remplis de certitudes, bien avant d'avoir vécu, et qui s'évertuent à penser qu'ils n'ont pas d'avenir, que la vie en réserve n'est qu'un leurre, kyrielle de traditions auxquelles ils ne croient plus, mais nombre de coutumes dont ils ne peuvent se détacher. Et cette rancoeur presque haineuse du monde moderne, du français cette langue nécessaire, mais si éloignée de la leur.

« Kuessipan », c'est un texte magnifique dont la mélodie si agréable à l'oreille pèse lourd sur le coeur.

Naomi Fontaine signe ici un premier roman dont la beauté hypnotise le lecteur qui, dans un état second, vit plus le roman qu'il ne le lit.

Pour les amateurs de beaux textes et de phrases simples qui en disent beaucoup...

Merci aux éditions le Serpent à Plumes pour cette découverte.

Lien : http://que-lire.over-blog.co..
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Citations et extraits (39) Voir plus Ajouter une citation
Nutshimit, c'est l'intérieur des terres, celles de mes ancêtres. Chaque famille connaît ses terres. Les lacs servent de route. Les rivières indiquent le nord. Si on s'aventure trop loin, par manque de jugement, il y a toujours le chemin de fer pour retrouver sa voie.
Nutshimit, un rituel pour les chasseurs de caribous. Un air pur dont les vieux ne peuvent se passer. Depuis qu'ils ont perdu la vigueur de leurs jambes, ils y vont pour respirer.
Nutshimit, un terrain inconnu, mais non hostile pour celui qui y cherche le repos de l'esprit. Autrefois, ces forêts étaient habitées par des hommes, des femmes qui prenaient de leurs mains ce que la Terre leur offrait. Ils n'y sont plus, mais ils ont laissé sur les rochers, l'eau des chutes et le vert des épinettes leur empreinte, leur regard.
Nutshimit, pour l'homme confus, c'est la paix. Cette paix intérieure qu'il recherche désespérément. Ce silence après avoir hurlé, des nuits durant, son angoisse sans que personne ne l'entende. Le silence d'un vent qui fait bruisser les aiguilles de sapin. Le silence d'une perdrix qui déambule aux côtés d'une dízaine d'autres. Le silence du ruisseau qui continue de suivre sa route, enfoui sous un mètre de neige.
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C'est la saison du saumon. Sur la Mishta-Shipu, les canots se succèdent au rythme des grosses et petites prises. L'air est frais, le soleil est présent. Quelques mouches errent sur la peau des rares lnnus qui prennent encore une fois possession de ces lieux. Sur la rive, ils ont installé leurs tentes, des toiles beiges recouvrent les baguettes de bois attachées les unes aux autres par de la corde jaune. Les femmes ont déjà tapissé le sol avec des branches de sapin tout juste cueillies. Les pêcheurs dorment rarement dans les abris de fortune. Ce sont les familles qui les remplissent. Celles aux enfants trop nombreux ne savent plus comment divertir leur progéniture. Il y a aussi ceux qui ont choisi de ne pas toucher aux boissons fortes durant la période la plus chaude. Ici, la terre est sacrée. Les hommes ne viennent pas y boire, les jeunes non plus. Le silence fait du bien à celui qui l'écoute et parfois mëme, on peut entendre le saumon qui remonte la rivière.
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Le risque de ne pas tomber enceinte est plus grand que celui de l'être. Elles veulent toutes enfanter. Dès qu'elles trouvent preneur, elles ne se protègent pas, elles attendent que leur ventre s'alourdisse. Shannon a peur de ne jamais porter la vie. Dans ses désespoirs d'enfant triste, elle en veut à sa mère d'avoir si facilement conçu huit enfants. Elle voudrait seulement, comme toutes les autres, promener en carrosse un petit qui serait le sien, à elle.
L'enfant, une boule de chaleur, un rêve, petite fille ou petit garçon, une échographie, une parcelle de réalité, un battement de coeur si rapide, une prospérité, une façon d'être aimée, une rentabilité assurée, une manière d'exister, de faire grandir le peuple que l'on a tant voulu décimer, une rage de vivre ou de cesser de mourir. L'enfant.
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Les routes ne se ressemblent pas. Celle qui mène vers le nord. Celle qui nous ramène à contresens. Les cahoteuses pleines de poussière, pleines de terre, avec des trous et des courbes, sur lesquelles on avance tranquillement. Les asphaltées avec des lignes qui nous amènent à l'endroit même où on veut aller, sans offrir de détour, avec les ralentissements des heures de pointe. Celles qui sont isolées, celles qui rêvent d'être empruntées, celles qui se laissent aller, trop peu fréquentées.
La route qu'il suivait, dès le début de l'automne jusqu'à la première neige, l'amenait dans sa cabane, sans détour, sinon celui que crée un porc-épic rencontré par hasard, qui force à arrêter, à le chasser. Trois heures de chaos pour l'intimité d'un lac cent fois trop beau pour le spectacle inconnu. C'était là qu'il avait sa terre. Trop vieux pour chasser, mais pas encore pour la délaisser. Il l'habitait, comme on habite un coin de salon, en silence, mais toujours avec le contentement d'être chez soi. Il était chez lui. Près de la nature, près des infinis que le ciel offre un soir de pleine lune, intime avec la force créatrice.
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Il parait que les hommes partaient à la chasse autrefois, des semaines durant, qu'ils revenaient vers leur femme avec de la viande pour des mois. Il paraît qu'une bonne pêche invitait à un festin tous les soirs de juin à septembre.
L'homme, même absent durant de longues périodes, était maître de sa maison ou de sa tente. Il paraît que ces hommes savouraient chaque retour avec la conviction du travail accompli, avec l'ardeur et la rigueur qu'apporte ce sentiment masculin de fierté d'être non seulement pourvoyeur, mais aimant envers sa famille.
Personne ne lui a dit comment aujourd'hui il pouvait être comme ceux-là.
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