Le cycle de McGowein, tome 2 : Dynterith, la Cité aux douze Gardiens

La compréhension de l'autre passe avant tout par l'intérêt qu'on lui porte. McGowein manifestait une curiosité réelle et sans cesse renouvelée tant des gens que des choses qui l'entouraient.

Des détonations retentirent et un bras de pierre vola sous son nez, bientôt suivi par d'autres morceaux : un fragment d'aile, une épaule, la moitié du visage de la créature. Puis ce fut le silence. À bien écouter le silence n'était pas total. Un bruit désagréable et régulier s'élevait du rez-de-chaussée. Il s'agissait d'une sorte de respiration rauque à mi-chemin entre le halètement et le râle du mourant.

_ Votre roi est auréolé d'une sorte de voile opaque constitué d'une énergie qui n'est pas la sienne. Cette énergie semble agir directement sur ses pensées et sur sa perception des choses. Quelque chose ou quelqu'un a sur votre roi une influence d'ordre que je qualifierais de surnaturel.

Dans les écrits anciens, ce monde a été nommé Galkaneth Cette appellation perdure aujourd'hui, mais seule une poignée de personnes éclairées en ont connaissance. Vous en faites désormais partie tous les deux. Galkaneth est un lieu éthéré et intangible, ou un être humain ne peut agir et survivre qu'à la seule force de sa volonté. Son corps n'est plus que le reflet de son âme. Il n'y a en fait aucun corps physique en Galkanet. Les démons eux-mêmes n'ont pas de corps physique. Ils n'en obtiennent un que lorsqu'ils franchissent un passage et intègrent notre réalité.

Traditionnellement, le palais de Dynterith possède un corps armé voué à la protection du roi. Ce corps est devenu un ordre prestigieux, dont le commandant suprême porte le grade de capitaine. Il s'agit de l'Ordre du Phénix, légendaire oiseau de feu censé renaître de ses cendres. Symboliquement, le choix du phénix entend illustrer la continuité de la présence de la garde, qui même si elle devait être défaite par un agresseur quelconque, se relèverait autant de fois qu'il qu'il le faudrait pour bouter le danger hors du palais et loin du roi.

Vous allez nous expliquer tout cela, Cormag McGowein. On ne peut pas se poser quelque part sans qu'il se passe quelque chose d'extraordinaire et qu'on croie la fin du monde arrivée. Vous le faites exprès ou vous êtes simplement poursuivi par le mauvais sort ? Même dans l'enceinte du château, il faut que vous frôliez la mort et que tout autour de vous se trouve détruit. Mais que se passe -t-il à la fin ?

_ On ne peut défaire le passé, Léraline.Seulement en tirer des leçons.
_ Vous avez hélas raison. Mais quel gâchis que toutes ces vies perdues. Et tout cela dans quel but ?
_ La soif de pouvoir, certainement.
_ Ou la complétion d'un plan servant de plus grands desseins.

Le chant mélodieux des oiseaux jaillissait de toutes parts, égayant encore davantage le doux tableau des allées et jardins fleuris, sur lesquels la lumière dorée du soleil se déversait abondamment. Le printemps, à n’en pas douter, était là. Les jardins du palais respiraient la fraîcheur et la joie de vivre, miroirs colorés et rutilants de l’activité fiévreuse qui régnait dans le grand bâtiment de pierre. Là où les hommes paradaient dans des atours plus provocateurs les uns que les autres, les fleurs se paraient de leurs plus belles couleurs. Il semblait que le monde végétal se livrait à une concurrence sévère et passionnée avec les participants au bal de printemps, comme si hommes, femmes, arbres et fleurs rivalisaient d’ingéniosité et d’élégance pour que l’attention se portât sur eux plutôt que sur les autres.

Vous devez penser que je ne suis qu’un rustre et une brute, Léraline, et peut-être avez-vous raison. Cette tradition guerrière a pour principal objet la protection de notre peuple et la préservation de l’intégrité de nos territoires et de nos biens. Nous sommes un peuple guerrier, mais conscient que la force doit servir à protéger et non à détruire. Cela est paradoxal avec le fait de repousser ses limites, mais pour moi, cela fait sens. Nous sommes en quelque sorte à la recherche de nous-mêmes sur le chemin de la maîtrise, comme un moyen de nous éveiller un peu plus au monde qui nous entoure et à l’individu qui sommeille en nous. Pour nous, c’est un mode de vie et un mode de pensée. Nous avons cela dans le sang. Notre esprit communie avec notre corps. Mais vous avez raison. Nous sommes un peuple rude, dur et violent. Cette violence toutefois n’est jamais gratuite, ou ne doit en tout cas pas l’être. Elle n’est utilisée qu’en réponse aux agressions dont nous faisons l’objet, ou dont nous sommes témoins.

McGowein aperçut enfin un jeune homme plus richement habillé que les autres et supposa qu’il s’agissait du roi, car il portait sur la tête un objet ressemblant fort à une couronne. Celui-ci était en train de discuter avec deux hommes et deux femmes, tous d’âge mûr. Le guerrier se dirigea immédiatement vers eux. Il allait arriver à leur hauteur quand quelque chose lui saisit le bras gauche et le détourna de son objectif. La main qui l’avait saisi par l’avant-bras était fine et belle, mais ferme et solide.

Le guerrier stoppa net, surpris par ce contact soudain, et tourna la tête pour apercevoir une seconde main s’abattre sur sa joue dans un bruit retentissant, qui laissa aussitôt la place à une douleur cuisante. Léraline semblait vraiment très en colère. Elle fulminait et sa bouche s’ouvrait et se refermait, comme si elle ne trouvait pas les mots pour s'exprimer.