Citations sur Histoire contemporaine, tome 1 : L'orme du mail (22)
Les hommes furent jadis ce qu'ils sont à présent, c'est-à-dire médiocrement bons et médiocrement mauvais.
– Monsieur le préfet, rendez-nous nos bons religieux, faites rentrer les sœurs de charité dans les hôpitaux et Dieu dans l’école d’où vous l’avez chassé. Ne nous empêchez plus de faire de nos fils des chrétiens et… nous serons bien près de nous entendre.
– Bon sang ! madame, ne voyez-vous pas que les rues du chef-lieu sont noires de curés, et qu’il y a des moines derrière toutes les grilles ? Et quant à votre jeune Gustave, ce n’est fichtre pas moi qui l’empêche d’aller à la messe toute la journée au lieu de courir les filles !
L’intérêt de l’accusé est sacré, l’intérêt de la société est deux fois sacré, l’intérêt de la justice est trois fois sacré.
Si toutefois il subsiste encore un honneur dans les peuples, c’est un étrange moyen de le soutenir que de faire la guerre, c’est-à-dire de commettre tous les crimes par lesquels un particulier se déshonore : incendie, rapines, viol, meurtre.
Toutes les actions humaines ont pour mobile la faim ou l’amour. La faim instruisit les barbares au meurtre, les poussa aux guerres, aux invasions. Les peuples civilisés sont comme les chiens de chasse. Un instinct corrompu les excite à détruire sans profit ni raison. La déraison des guerres modernes se nomme intérêt dynastique, nationalités, équilibre européen, honneur. Ce dernier motif est peut-être de tous le plus extravagant, car il n’est pas un peuple au monde qui ne soit souillé de tous les crimes et couvert de toutes les hontes. Il n’en est pas un qui n’ait subi toutes les humiliations que la fortune puisse infliger à une misérable troupe d’hommes.
Il n’avait au monde de retraite agréable et sûre que ce banc du Mail ombragé par un orme antique, et que le coin des bouquins dans la boutique de Paillot.
Il n’était pas heureux. Il était pauvre, resserré avec sa femme et ses trois filles dans un petit logis où il goûtait à l’excès les incommodités de la vie commune ; et il s’attristait de trouver des bigoudis sur sa table à écrire, et de voir ses manuscrits brûlés aux marges par des fers à friser.
Monsieur l’abbé, si vous aviez l’âme moins haute, moins grave et plus accessible aux riantes pensées, je vous confierais que la République actuelle, la République de 1896, me plaît et me touche par sa modestie. Elle consent à n’être point admirée. Elle n’exige que peu de respect et renonce même à l’estime. Il lui suffit de vivre. C’est là tout son désir : il est légitime. Les êtres les plus humbles tiennent à la vie.
Des pensées presque philosophiques lui venaient à fleur d’âme sur la facilité qu’on éprouve à gouverner les hommes. Il avait la vision confuse de ce bétail humain se laissant conduire et traînant sous l’œil du chien son infatigable et morne douceur.
– Je l’ai toujours dit, mon cher abbé. En détruisant les croyances spiritualistes, vous ruinez l’esprit militaire. De quel droit exigez-vous d’un homme le sacrifice de sa vie, si vous lui ôtez l’espoir d’une seconde existence ?