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Critique de AugustineBarthelemy


1911, année noire où le plus fascinant tableau du monde est dérobé au plus impressionnant musée de ce même monde – aimons l'exagération et assumons-la jusqu'au bout. La Joconde a disparu ! de ce tragique événement, Dan Franck livre un roman sans doute inspiré par le mystérieux sourire de Mona Lisa, car c'est bien avec un sourire permanent que l'on va suivre l'aventure parisienne de deux artistes avant-gardistes : Apollinaire et Picasso, les plus Français de tous les étrangers de cette époque.

Pourquoi nos deux compères sont-ils si inquiets du vol de ce tableau qui n'a même pas les faveurs de Picasso ? Parce qu'un aventurier belge, Géry Pieret, a contacté les journaux pour se vanter du larcin, et en profite pour réclamer une rançon pour la restitution du chef d'oeuvre. Or, Géry Pieret fut pendant un temps le secrétaire du poète, pire, il avait déjà volé au Louvre des statuettes ibériques, qu'il avait vendu ensuite à Picasso. Et voilà nos amis soudain terrifiés ! c'est de complicité de vol dont on va pouvoir les accuser. Et la peine sera la plus dure et la plus infamante qu'ils puissent imaginer : l'expulsion… Horreur et damnation, il est impossible pour nos deux amis de s'imaginer vivre hors de leur terre d'accueil, cruel châtiment qu'ils comptent bien éviter. Une seule solution : se débarrasser au plus vite des statuettes incriminantes.

Mais où cacher ces encombrantes têtes ibériques ? Fourrées manu militari dans une vieille valise en carton, Pablo et Guillaume songent d'abord à la Seine. le poète propose de les jeter au-dessus du pont Mirabeau – évident clin d'oeil, mais le peintre hésite. Même s'il n'est pas le génial créateur de ces pauvres statuettes, il a tout de même une dette envers elles : elles ont inspiré son chef-d'oeuvre Les Demoiselles d'Avignon. Voilà qui vaut bien quelque considération.

Et voilà le lecteur embarqué dans une promenade ubuesque en compagnie de Pablo et Guillaume, et de notre narrateur omniscient et joueur, tout puissant dans la balade littéraire qu'il compose, mêlant à sa convenance les anecdotes et les rencontres dans un désordre chronologique apaisant. Ils trouveront bien un ami qui les déchargera, en toute ignorance, de leur lourd fardeau. Nous croiserons ainsi aussi bien le Douanier Rousseau (décédé un an auparavant) aussi naïf que ses tableaux, terrorisé par un tigre qu'il a peint lui-même et amoureux d'une vieille fille qui lui refuse sa main qu'Alfred Jarry, habitant dans une soupente où il est impossible de s'asseoir tant le plafond est bas, rongé par son Ubu qu'il n'a pas créé, et composant sa Passion du Christ toute personnelle. En quatre jours, nous verrons le Bateau-Lavoir, La Rotonde ou Montmartre, nous visiterons Modigliani, Marie Laurencin, alors maîtresse du poète, ou la mécène Gertrude Stein, une visite intimiste et toute personnelle, une exploration joyeuse des rivalités et des caractères grossis à la loupe.

Le Vol de la Joconde, vous l'aurez compris, ne parle absolument pas de cette vieille femme aux traits fumés qui fait encore la célébrité du Louvre. C'est une fantaisie joyeuse et légère, une promenade salvatrice dans un Paris oublié – et qui n'a pas réellement existé. Avec pour nous deux guides absolument exceptionnels que sont Apollinaire, poète érotomane obsessionnel, et Picasso, peintre confit de son importance future dans l'histoire de l'art, ici croqué avec tendresse et humour entre arrogance et génie, entre bonhomie et mordante rivalité. Un petit bonheur pour quelques heures d'évasion.
Lien : https://enquetelitteraire.wo..
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