Magnifique livre, à la fois narratif, poétique, méditatif.
Le père du narrateur s'est évadé alors qu'il était prisonnier de guerre, appelé par l'impérieuse nécessité d'être chez lui, en Bretagne, pour le retour du printemps. Ce récit maintes fois entendu quand il était enfant, le narrateur le redit, le recrée, l'inscrit dans une mémoire plus grande et universelle, si bien qu'on s'attache tout autant au petit, aux détails de l'aventure, à ce qu'on pourrait appeler l'insignifiant, le singulier, qu'à tout ce qui l'entoure et le prolonge.
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"Ah ! que ça passe vite, une vie ! Que ça passe vite !"
Quand mon père, bien plus tard, évoquerait devant moi ces mots que la vieille paysanne répétait, paraît-il, dans ses dernières années, c'est à l'image de ces soirs-là que me ramènerait ma mémoire. Je reverrais ma grand-mère près du seuil, immobile et tournée vers le soir. J'aurais le sentiment que ce qu'elle fixait ainsi, c'était, plutôt que le paysage lui-même, quelque chose sans doute qui était au-delà mais qu'elle ne pouvait apercevoir qu'à travers lui ; c'était, je le penserais, ces années qu'elle avait lentement traversées, mois après mois, jour après jour ; ces heures souvent si longues dont la somme, aujourd'hui, soudain lui échappait et semblait s'annuler. Ce qu'elle aurait voulu sentir se reformer, peut-être, c'était le volume du temps, c'était l'épaisseur des saisons.