Citations sur Le chat qui tombe et autres histoires noires (17)
Mon métier est d'écrire des livres, je suis ce qu'on appelle un écrivain mais là, chaque semaine, j'étais plutôt un maître d'école. J'essayais de leur faire oublier le bruit des kalachnikovs, l'odeur de l'argent, le goût de la drogue. Je leur montrais que prendre un stylo, c'est comme prendre un bateau, c'est le début d'un grand voyage. Tous ces détenus ne montaient pas dans mon bateau et je voyais dans leurs yeux danser les flammes de la haine. Moi je continuais à aller là-bas, les poches pleines de mots et de voyages. (p. 12)
Vierge noire
Je suis comme ça , je n'ai jamais su quitter les gens et les choses, un jour ou l'autre ils le font pour moi. (p. 107)
Quand on donne un peu de lait, quelques caresses à un chat de gouttière, il devient affectueux. Si on le jette à la rue, il devient craintif, voleur, sournois comme nous, les hommes. Les détenus et les chats m'ont rendu tolérant. Tous les murs rendent méchant. (p. 32)
L'heure la plus importante en prison, c'est 17 heures. Voilà quelque chose que tous les gens ignorent, et que j'ignorais moi-même avant de franchir les portes de l'enfer. Cinq heures du soir, ici, c'est l'heure du facteur, la plus fabuleuse des heures ou la plus désespérée, selon qu'arrive ou que n'arrive pas la lettre que chacun attend depuis l'éternité. (p. 72)
Depuis les plus lointains cauchemars de mon enfance, j’avais toujours associé prison, cachot, avec cercueil et cimetière. C’était la même mort.
Contre le corps chaud et la tendresse de l'homme, le bébé avait bien dormi.Maintenant, il avait faim. Ses petites mains s'ouvrirent, se fermèrent, s'ouvrirent encore avec la grâce lente des anémones de mer.
Depuis six ans chaque semaine, je me rends à la prison des Baumettes , après les dernières maisons de Marseille, entre Mazargues et la Grèce. Avec une dizaine de détenus, nous écrivons dans une petite pièce, fermée de barreaux, nos rêves, nos peurs et les amours que nous aurions pu vivre. Je dis nous, car au fil des saisons je deviens l'un des leurs. Lentement, la prison est entrée en moi; c'est elle qui m'habite. (p. 51)
... je vais mourir un jour ou l'autre, mais j'aime autant que ce soit l'autre.
... et le loyer doit-être payé au plus tard le premier du mois, compris ? Sinon vous faites vos bagages !
Dans le moindre recoin des Baumettes, on voit des chats de toutes les couleurs, de tous les croisements de races. Ils franchissent les murs qui séparent les cours, se glissent sous les barbelés, bondissent sur les toitures, s’évaporent dans l’ombre d’un mirador. Ils sont, le soir, comme les âmes blanches, rousses, noires ou grises de ces hommes qui ont attendu la fin dans ce quartier maudit de la prison.