C'est la dernière fois, j'annonce sans me retourner vers les autres. Je n'en peux plus, de dire adieu aux gens qu'on aime. Fini, les bons sentiments. Fini, le chagrin. A partir d'aujourd'hui, on tue jusqu'à la victoire.
- Qu'es-tu devenu, John ? me demande Ella en inclinant la tête sur le côté.
Je me mords l'intérieur de la joue avant de répondre. Je revois les regards que m'ont lancés Six et Adam, pendant l'attaque du vaisseau.
- Quelque chose dont mes amis ont peur.
Ella tend timidement la main pour m'effleurer les doigts.
- Ils n'ont pas peur de toi, John. Ils ont peur pour toi.
L'excès de confiance tue.
- Je vais tous nous faire tuer, geint-il.
- J'ai vu très peu d'avenirs où ça se produit, Sam, intervint Ella, toujours calmement assise sur son siège. Sam me dévisage d'un air affolé.
- Tu vois ? Très peu, elle dit.
Ce que je veux, c’est que nos vies – nos vies à tous – deviennent meilleures. Je veux que nous dépassions ces malentendus mesquins. Je suis avant tout un savant, qui a passé sa vie entière à étudier les miracles de l’univers.
Il y avait quelque chose, jadis, sur cet emplacement, une tour ou peut-être un temple – la jeune fille ne se rappelle pas bien. Mais en plongeant le regard dans ce trou insondable, elle sait d’instinct que c’était un lieu important. Un lieu sûr.
Un sanctuaire.
Elle voudrait reculer, s’éloigner de l’abîme. C’est dangereux, de se balancer ainsi au bord du néant. Pourtant, elle est incapable du moindre mouvement. Elle est rivée au sol. Elle sent la roche bouger et s’effriter sous ses pieds. Devant elle, la fosse s’élargit. Bientôt, le rebord sur lequel elle se tient en équilibre cédera, et elle tombera, engloutie par les ténèbres.
Neuf claque des doigts en direction de Rex pour attirer son attention.
_ Et ne t'avise pas de faire une connerie. Mon pote Sam Goode ici présent te buterait direct.
Sam pousse un soupir et lance un regard désolé à Rex.
_ Je ne vais pas te tuer, dit-il, avant de reconsidérer ce qu'il vient de dire. Enfin, si tu tentes quoi que ce soit, je le ferai, mais tu as l'air d'un gars bien, alors ouais, ne fais pas ça. Sinon, je te descends.
En pensée, il imagine son arme favorite, la lame redoutable comme une aiguille qu’il porte attachée à l’intérieur de l’avant-bras, et elle se matérialise comme par magie. Il la fait surgir de son fourreau, transperce le tissu de la camisole et fait volte-face pour planter la pointe droit dans le cœur de l’homme.