J’ai roulé pour nous deux…
J’ai roulé pour nous deux
roulé comme j’ai pu
comme ça s’imagine
seulement dans l’excès
dans l’imagination qui tombe dans les bras
qui tombe en affections
en récits qui bientôt s’éteignent comme moi
parce qu’en vrai tu vois les beautés qui me manquent
les gestes qu’il faudra ne jamais découvrir
les rires qui me rident et qui vont décevoir
et toute la chaleur où personne ne vient
et le mieux que je puisse et qui ne suffit pas pour arrêter
ta course.
J’ai roulé pour nous deux
roulé comme j’ai pu
en ne pensant qu’au Nord, et c’est insuffisant :
reste la solitude qui s’en fiche des routes et ne parle
de rien
reste ce qui se trace et ne s’efface pas et ne fait
pas d’histoire ;
reste le vœu de dire
le vœu de demander
la honte loin derrière
le ventre loin dessous
l’envie de supplier : laisse-moi faire encore
laisse-moi rester tel
que tu pouvais me voir avant que de me voir
quand tu venais le soir
avant que tu n’éteignes
que le jour et le soir et que les nuits soient noirs.
J’ai tout éteint tout pris…
J’ai tout éteint tout pris
l’amour et l’amitié dans un même paquet
et le même paquet dans une seule voiture :
le temps du réconfort
le chaud des souvenirs
les caresses du chien faites à quatre mains ;
rien d’autre à emballer.
La nuit dedans le jour a tracé son chemin
et nous rend à rebours coupables de dormir
sur nos bras-oreillers :
et comme tout s’éteint
l’amour et l’amitié ne savent plus déjà à quoi
donner leur ventre ;
l’amour et l’amitié
qui ne dormaient qu’ensemble et s’éveillaient
de même ne savent plus rien dire
rien que le même temps
rien que la même histoire :
fais comme si tu rentrais
fais bien tout comme si
tout comme si ce soir.