Cette lecture-performance de Jean-Michel Espitallier, suivie d'une rencontre, a été enregistrée dans le cadre du festival Hors limites à la bibliothèque Robert-Desnos de Montreuil le 15 avril.
Légende familiale romancée ? Fabulation prospective ? Poésie d'investigation, essais pour rater mieux et jeu de (fausses) pistes ? La biographie inventée d'Eugène, paysan des Hautes-Alpes devenu littéralement cow-boy et vrai aïeul de l'auteur tient de tout cela.
Ainsi, le grand-père de Jean-Michel Espitallier est un jour parti garder des vaches en Californie, puis il en est revenu et a épousé sa grand-mère. C'est tout ce qu'il sait de lui. Alors, le petit-fils imagine, tâtonne, conjecture, s'interroge, ouvre un champ des possibles quelque part entre les pâturages alpins et les plaines du Far West.
Cette parenthèse dans une existence, tue sitôt refermée et oubliée sitôt que tue, Jean-Michel Espitallier l'emplit des grands espaces de la fiction spéculative : de l'Histoire américaine et de son revers, de son propre rêve américain d'enfant décillé par son regard d'adulte, de son humour, de son érudition, de sa tendresse et de son goût pour la cocasserie, les exercices de style et l'expérimentation formelle !
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L’histoire du discours amoureux
– Je t’aime.
– Moi aussi.
– Je sais.
– Je sais que tu le sais.
– Je sais que tu sais que je sais que tu m’aimes.
– Je sais que tu le sais et tu sais que je sais que tu sais que je le sais et tu sais que je sais que tu sais que je t’aime.
– Je sais que tu sais que je sais que tu sais que je sais que tu sais que je t’aime, et je sais que tu sais que je sais que tu sais que je sais que tu le sais.
– Et tu aimes que je le sache ?
– Oui, j’aime savoir que tu le sais, j’aime que tu saches que je sais que tu m’aimes.
– Et moi j’aime savoir que tu sais que je sais que tu aimes savoir que je t’aime.
– J’aime savoir que tu saches que je sais que tu sais que j’aime aimer savoir que tu saches que je sais que tu m’aimes.
– J’aime t’aimer.
– Et moi j’aime aimer que tu aimes le savoir.
– Je sais que tu m’aimes et j’aime savoir que tu sais que je le sais.
– Je t’aime.
– Je sais.
– Je le savais
Éternel jeune premier sautillant (Paul Mc Cartney)
Nobel folkeux livré avec harmonica (Bob Dylan)
Neurasthénique sous lithium en pull tricoté main (Kurt Kobain)
Frenchie mémère déjantée chic (Catherine Ringer)
Sorcière je m'en foutiste arty (Brigitte Fontaine)
Mannequins piloteurs de machines (Kraftwerk)
Clope au bec, croix de fer autour du cou, super malpoli (Lemmy Kilmister)
Corbeau chevelu avec du rouge à lèvres (Robert Smith)
Psychopathe à Ray-Ban remisé à prison à vie (Phil Spector)
Dégingandé voûté sous perfecto cradingue (Joe Ramone)
Myope teigneux mélancolique (John Lennon)
Sorcière de landes romantico-pop (Kate Bush)
Nain de jardin à bretelles traverseur de scènes façon gallinacée (Angus Young)
Eros pulpeuse fitness chrétienne (Madonna)
Péroxydé cuir à pile atomique (Billy Idol)
Aérobic punk gothique (Cyndi Lauper)
Punkette exubérante à choucroute (Nina Hagen)
Castafiore cuir-moustache (Freddie Mercury)
Bébé cadum athlétique chic (Morissey)
Frankensteino-draculesque indus-metal (Marylin Manson)
Docteur mabuse au cabaret (Tom Waits)
Clergyrman dans les graves (Nick Cave)
etc...
Mathilde était dure mais elle n’était pas rustre. Raffinée, coquette, douce comme peuvent l’être les arrière-grands-mères, joueuse, joyeuse, pétillante. Elle avait exercé sur Marie-Rose, sa fille, et plus encore sur son gendre, « l’Américain », cette sévérité, ce rigorisme que sculptent les vies désossées de plaisir sur lesquelles plane le crucifix.
Et puis, je me suis souvenu que pendant le premier confinement de 2020, les pensionnaires d'une maison de retraite à Londres ont recrée in situ des pochettes d'albums mythiques. Par exemple, une vieille dame posait avec son déambulateur dans la même posture que Michael Jackson sur la pochette de Bad. Une autre frappait le sol avec sa canne sur la pochette de London Calling. Une troisième exhibait le même maquillage que David Bowie sur la pochette d'Alladin Sane.
La célébrité se fonde sur un savant dosage de simplicité (identification) et d’exception (distanciation). De proximité (consolation) et d’inaccessibilité (dévotion). Toute célébrité doit être à la fois unique (comme figure héroïque) et reproductible (comme objet de consommation).
Ou est il, le lieu de notre mort? Familier ou étranger, il nous attend quelque part. Ces deux question,s aujourd'hui posées sans peur, sans crainte, parce que ta mort me soigne de la peur de la mort : comment vais je mourir et quand?
Consécutive à l'invention de la course à pied, voici l'invention de l'hygiène de vie en personne et de la mise en condition physique, lesquelles s'agrippent de toutes leurs adipeuses ventouses à l'impressionnante batterie d'abstinences et de parcimonie. Vie d'ascète pour accéder au nirvana. Du coup, on finit par s'y perdre quant aux choses qui font réellement plaisir. Conflits d'intérêts, pulsions enchevêtrées, envies contraires, collisions de besoin sans le savoir.
Depuis quelque temps, la presse people française a résolu le problème de la prononciation, et écrit pipols, si proche de popaul (et de pipeau).
Alors, la voix de la raison susurre : On ne peut pas tout avoir. Certes, mais bon, ça fait suer.
Histoire du discours amoureux
— Je t'aime.
— Moi aussi.
— Je sais.
— Je sais que tu le sais.
— Je sais que tu sais que je sais que tu le sais.
— Et moi je sais que tu sais que je t'aime.
— Je sais que tu le sais et tu sais que je sais que tu sais que je sais que tu sais que je t'aime, et je sais que tu sais que je sais que tu sais que je sais que tu le sais.
— Et tu aimes que je le sache ?
— Oui, j'aime savoir que tu le sais; j'aime que tu saches que je sais que tu m'aimes, j'aime savoir que m'aimes et j'aime savoir que tu le sais.
— Et moi j'aime savoir que tu sais que je sais que tu aimes savoir que je t'aime.
— Je sais et j'aime aimer savoir que tu aimes savoir que tu saches que je sais que tu sais que j'aime aimer savoir que tu saches que je sais que tu m'aimes.
— J'aime savoir t'aimer.
— J'aime aimer savoir que tu saches aimer que je sache t'aimer.
— J'aime savoir que tu aimes savoir que je le sache.
— Et moi j'aime aimer que tu aimes le savoir.
— Je sais que tu m'aimes et j'aime savoir que tu sais que je le sais.
— Je t'aime.
— Je sais.
— Je le savais.