Journaliste, critique rock, écrivain, Michka Assayas se prête à son tour au jeu des confidences pour Filature.
Journaliste, critique rock à Rock & Folk, Libération, éditorialiste aux Inrockuptibles, auteur du Dictionnaire du rock (Robert Laffont, coll. Bouquins), auteur de romans dont Faute d'identité (Grasset), il vient de publier Very good trip, un livre d'entretiens avec la journaliste Maud Berthomier (GM Éditions/France Inter), du même nom que l'émission qu'il anime quotidiennement sur France Inter.
Aux côtés de Pascal Bouaziz et Jean-Michel Espitallier, Michka Assayas était l'invité de la Fête du Livre de Bron 2023 le samedi 4 mars dernier pour une table ronde très rock'n'roll.
Chaque semaine, retrouvez un invité dans un format court de 4 minutes et écoutez un peu de leur univers littéraire et personnel. À découvrir sur le Média et les réseaux sociaux de la FdLB.
© Collectif Risette/Paul Bourdrel/Fête du Livre de Bron 2023
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L’histoire du discours amoureux
– Je t’aime.
– Moi aussi.
– Je sais.
– Je sais que tu le sais.
– Je sais que tu sais que je sais que tu m’aimes.
– Je sais que tu le sais et tu sais que je sais que tu sais que je le sais et tu sais que je sais que tu sais que je t’aime.
– Je sais que tu sais que je sais que tu sais que je sais que tu sais que je t’aime, et je sais que tu sais que je sais que tu sais que je sais que tu le sais.
– Et tu aimes que je le sache ?
– Oui, j’aime savoir que tu le sais, j’aime que tu saches que je sais que tu m’aimes.
– Et moi j’aime savoir que tu sais que je sais que tu aimes savoir que je t’aime.
– J’aime savoir que tu saches que je sais que tu sais que j’aime aimer savoir que tu saches que je sais que tu m’aimes.
– J’aime t’aimer.
– Et moi j’aime aimer que tu aimes le savoir.
– Je sais que tu m’aimes et j’aime savoir que tu sais que je le sais.
– Je t’aime.
– Je sais.
– Je le savais

Éternel jeune premier sautillant (Paul Mc Cartney)
Nobel folkeux livré avec harmonica (Bob Dylan)
Neurasthénique sous lithium en pull tricoté main (Kurt Kobain)
Frenchie mémère déjantée chic (Catherine Ringer)
Sorcière je m'en foutiste arty (Brigitte Fontaine)
Mannequins piloteurs de machines (Kraftwerk)
Clope au bec, croix de fer autour du cou, super malpoli (Lemmy Kilmister)
Corbeau chevelu avec du rouge à lèvres (Robert Smith)
Psychopathe à Ray-Ban remisé à prison à vie (Phil Spector)
Dégingandé voûté sous perfecto cradingue (Joe Ramone)
Myope teigneux mélancolique (John Lennon)
Sorcière de landes romantico-pop (Kate Bush)
Nain de jardin à bretelles traverseur de scènes façon gallinacée (Angus Young)
Eros pulpeuse fitness chrétienne (Madonna)
Péroxydé cuir à pile atomique (Billy Idol)
Aérobic punk gothique (Cyndi Lauper)
Punkette exubérante à choucroute (Nina Hagen)
Castafiore cuir-moustache (Freddie Mercury)
Bébé cadum athlétique chic (Morissey)
Frankensteino-draculesque indus-metal (Marylin Manson)
Docteur mabuse au cabaret (Tom Waits)
Clergyrman dans les graves (Nick Cave)
etc...
Mathilde était dure mais elle n’était pas rustre. Raffinée, coquette, douce comme peuvent l’être les arrière-grands-mères, joueuse, joyeuse, pétillante. Elle avait exercé sur Marie-Rose, sa fille, et plus encore sur son gendre, « l’Américain », cette sévérité, ce rigorisme que sculptent les vies désossées de plaisir sur lesquelles plane le crucifix.
Et puis, je me suis souvenu que pendant le premier confinement de 2020, les pensionnaires d'une maison de retraite à Londres ont recrée in situ des pochettes d'albums mythiques. Par exemple, une vieille dame posait avec son déambulateur dans la même posture que Michael Jackson sur la pochette de Bad. Une autre frappait le sol avec sa canne sur la pochette de London Calling. Une troisième exhibait le même maquillage que David Bowie sur la pochette d'Alladin Sane.
La célébrité se fonde sur un savant dosage de simplicité (identification) et d’exception (distanciation). De proximité (consolation) et d’inaccessibilité (dévotion). Toute célébrité doit être à la fois unique (comme figure héroïque) et reproductible (comme objet de consommation).
Ou est il, le lieu de notre mort? Familier ou étranger, il nous attend quelque part. Ces deux question,s aujourd'hui posées sans peur, sans crainte, parce que ta mort me soigne de la peur de la mort : comment vais je mourir et quand?
Consécutive à l'invention de la course à pied, voici l'invention de l'hygiène de vie en personne et de la mise en condition physique, lesquelles s'agrippent de toutes leurs adipeuses ventouses à l'impressionnante batterie d'abstinences et de parcimonie. Vie d'ascète pour accéder au nirvana. Du coup, on finit par s'y perdre quant aux choses qui font réellement plaisir. Conflits d'intérêts, pulsions enchevêtrées, envies contraires, collisions de besoin sans le savoir.
Depuis quelque temps, la presse people française a résolu le problème de la prononciation, et écrit pipols, si proche de popaul (et de pipeau).
Alors, la voix de la raison susurre : On ne peut pas tout avoir. Certes, mais bon, ça fait suer.

Histoire du discours amoureux
— Je t'aime.
— Moi aussi.
— Je sais.
— Je sais que tu le sais.
— Je sais que tu sais que je sais que tu le sais.
— Et moi je sais que tu sais que je t'aime.
— Je sais que tu le sais et tu sais que je sais que tu sais que je sais que tu sais que je t'aime, et je sais que tu sais que je sais que tu sais que je sais que tu le sais.
— Et tu aimes que je le sache ?
— Oui, j'aime savoir que tu le sais; j'aime que tu saches que je sais que tu m'aimes, j'aime savoir que m'aimes et j'aime savoir que tu le sais.
— Et moi j'aime savoir que tu sais que je sais que tu aimes savoir que je t'aime.
— Je sais et j'aime aimer savoir que tu aimes savoir que tu saches que je sais que tu sais que j'aime aimer savoir que tu saches que je sais que tu m'aimes.
— J'aime savoir t'aimer.
— J'aime aimer savoir que tu saches aimer que je sache t'aimer.
— J'aime savoir que tu aimes savoir que je le sache.
— Et moi j'aime aimer que tu aimes le savoir.
— Je sais que tu m'aimes et j'aime savoir que tu sais que je le sais.
— Je t'aime.
— Je sais.
— Je le savais.