Citations sur Se retenir aux brindilles (17)
Je me retourne,
scrute toute la place, à la recherche d'un mouvement,
d'un bruit qui pourrait me signaler où se trouvent mes enfants,
vers où on les emporte.
Mais la nuit ne me renvoie que le silence.
p 15
Et de toute façon, on est tous comme ça les humains: à dix ans, on vit dans le rêve, à vingt, dans l'illusion, à trente, dans les projets et à quarante, dans les regrets.
Mais j'ai beau remonter pas à pas dans ma mémoire les sept années que je viens de vivre avec celui que j'ai choisi pour mari, je ne retrouve pas le moment où "tout donner" s'est transformé en "tout céder", "tout recevoir" en "tout accepter", puis "tout accepter" en "ne rien refuser
En l'absence de toute réelle discussion avec les trois adultes qui composaient mon entourage immédiat, je n'avais donc pas d'autre solution que de garder toutes mes questions pour Tristan.Avec ses deux ans de plus que moi et sa brillante intelligence,il avait ,à coup sûr, toutes les réponses.
《 C'est quoi,le camion de déménagement dans la ruelle?
--C'est sont les gens qui vont s'installer dans la maison du fond.》
Et c'est là qu'il m'avait expliqué l'histoire des divorcés et des parents de Matthias.
《 Pourquoi le chat des soeurs Montorfano ,il est couché dans le caniveau sur la place de l'église ?
--Parce qu'il est mort.
--Et pourquoi il gonfle?
--Pour pouvoir s'envoler vers le paradis des chats.》
Et effectivement, deux jours plus tard,il avait disparu.Et ne le voyant plus au bord du trottoir,j'avais levé les yeux par réflexe. Et j'avais pu en tirer deux conclusions: le paradis des chats était vraiment très loin, puisque je n'arrivais plus à voir le chat;le clocher des églises était pointu dans le seul but de montrer à tous les félins la direction de leur terre promise.Et j'avais continué mes interrogations d'enfant:
《Pourquoi tes parents te laissent faire tout ce que tu veux?
--Parce que c'est moi le chef.Ils ne sont là que pour me servir.》
--Pourquoi les soeurs Montorfano veulent toujours jouer avec nous?
《 Parce qu'elles s'ennuient.Tu imagines ,toi,passer tout ton temps entre filles?》
《 Pourquoi le château, il est abandonné ?
--Parce que la princesse qui y vivait s'est noyée et que son père ne supportait plus d'y habiter après l'accident. 》
《 Pourquoi Jacqueline elle a deux doigts en moins?》
Je le vois encore se figer au milieu de la cour de l'école.
Rien ne nous grisait autant que de courir dans les maïs. Les grands fouets des feuilles, l'avancée à l'aveugle, les mille pièges du terrain, les risques de rencontres, et tout autour de nous, les claquements
des fusils, tout ça nous rendait fous.De peur , mais de bonheur aussi.
Tristan était toujours le premier.D'abord parce qu'il était le plus âgé, le plus grand, le plus ardent; mais aussi parce que c'était lui qui donnait le départ.
C'est quand même étonnant cette capacité qu'ont les gens de ne s’intéresser qu'à eux. Ils peuvent dévoiler leur nombril pendant des heures sans consacrer une seule seconde d'attention à la personne qui leur fait face. On pourrait être un porte-manteau ou une espadrille, ce serait pareil. Sauf qu’ils rechigneraient peut-être à parler à une espadrille.
En plus,même si mon compte est correctement approvisionné, il va finir par s'epuiser--Céline n'aura sûrement pas le goût de partager ses honoraires avec une associée qui s'est si subitement volatilisée. Et de toute façon, les revenus du cabinet vont partir en chute libre,si je m'acharne à faire la morte.
Mmh !ça aurait sûrement été plus facile si je l'avais vraiment été. Il aurait suffit qu'il tape un tout petit peu plus fort,ou un peu plus longtemps ou que je tombe sur un angle de table bien aigu.Comme ça plus de problème. Pour moi ,au moins. Et lui ,il aurait fini en taule.Enfin......peut-être. Alors que là, il doit tranquillement aller au bureau tous les matins,prendre juste un air un peu gêné si on lui parle de moi.....mais bon,pas de quoi fouetter un chat!
Car je sourirai à tout le monde : aux clients, aux voisins,aux commerçants, au facteur, aux chauffards du périph, aux voyous du métro, aux clodos dans la rue, aux chiens, aux pigeons. Et si ça ne suffit pas, je leur démontrerai, à voix haute, avec force détails, à quel point je suis une femme heureuse. Heureuse ! Heureuse ! Heureuse ! Parce que j'ai un mari, deux enfants, un travail, une maison, une voiture allemande, un lave-linge et un lave-vaisselle de même origine et une télé LCD seize neuvièmes de cent sept centimètres. Et si vraiment je veux pleurer, je pourrai toujours le faire en repassant mon linge.
C'était exactement ce genre de peur que je recherchais ce soir, cette peur saine et douce dont seuls sont capables les enfants. Une peur démesurée, que l'on croit sans limite quand on la rencontre, mais qui s'avère finalement n’être qu'un feu de paille fugace.
"C'était exactement ce genre de peur que je recherchais ce soir, cette peur saine et douce dont seuls sont capables les enfants. Une peur démesurée, que l'on croit sans limite quand on la rencontre, mais qui s'avère finalement n'être qu'un feu de paille fugace. Un rire peut la souffler. Ou un rayon de soleil qui pique l'œil, un parfum de gâteau qui ravive la joie, ou le chant d'un oiseau, l'effleurement de la main d'un garçon."