Un choeur de 12 femmes entonne ce récit tendre et mordant à la fois. Chaque chapitre correspond à une voix féminine. La première, la plus mignonne, la plus craquante (même « la gorgone » – surnom de la grand-mère maternelle -, toute aigrie et rigide qu'elle soit, n'y résiste pas) est celle d'Ève au babil enchanteur et déjà fort lucide. Née d'une PMA, « fruit miraculeux de la rencontre fortuite de deux cellules offertes et d'un désir d'amour inouï« , Ève a une mère, Stéphanie, la quarantaine, émerveillée et fusionnelle, et un père « sans statut ni registre, un père intime« , puisque Greg, en couple avec un homme, a été choisi après coup. Greg, toujours solide et bienveillant, père de coeur, nouvelle forme de paternité.
Le roman tourne autour du bébé pour qui Stéphanie prépare une fête tout en blanc, un blanc immaculé, symbole d'une vie nouvelle, d'une famille nouvelle, une famille réinventée, celle du sang bien sûr mais surtout celle du coeur, « une utopie de famille » : la cérémonie, d'un genre très particulier, fermera le livre. le récit laisse place à une farandole de portraits féminins qui évoquent les étapes qu'une femme rencontre dans une vie : les premières règles, la maternité, le couple, la ménopause, le vieillissement, mais aussi la sexualité, les rencontres, la maladie… Toutes ces femmes qui virevoltent autour d'Ève (les tantes, les nièces, les copines, les dames « sans âge ni futur« ) prennent tour à tour la parole à la première personne pour parler de leur propre vie. Une pléiade de femmes que la naissance d'Ève conduit à réfléchir sur la famille et la sexualité. Corinne, par exemple, l'amie de toujours, célibataire endurcie, fait ce constat amer : « Un beau matin, on se réveille et on n'est plus une femme, on est devenue et on restera le souvenir d'une femme. »
Les chapitres, tous différents dans l'écriture, donnent à l'ensemble beaucoup de dynamisme. C'est parfois un peu trop cru, trop libertin, choquant même. Mais ce premier roman de
Camille Froidevaux-Metterie, philosophe féministe, est plein de joie et de fantaisie. Des voix de femmes d'aujourd'hui nous content leurs rêves et leurs secrets, même les plus intimes, toutes parlent d'amour : amour absolu entre mère et fille, amour tendresse, amour charnel, amour trahison, amour douleur… pour notre plus grand bonheur. La nouvelle Ève sera libre de choisir sa vie et de s'émanciper d'une morale imposée et conventionnelle. C'est en tout cas l'ambition de ce livre.
PS : un bon point pour le cartonnage élégant et les deux pages noires très chics qui encadrent le récit.