Alien.
Au bar-restaurant Timo, les gouapes s'épatent, entre bastringue et alcools forts, femmes dénudées et affaires louches. C'est là que fermente Frank Friedmaier, voyou de 18 ans désoeuvré, prompt à s'adonner au crime pour secouer son ennui de vivre. Fred
Kromer, molle gouape de bas étage, fanfaronne à propos de meurtres qu'il commet avec désinvolture. Frank lui emprunte son couteau et décide de planter un sergent de l'armée d'occupation, visqueux vicelard qui fréquente le rade de Timo et tripote sans vergogne la gueuse alanguie. Par son acte criminel, Frank s'est "dépucelé" selon son expression mais la spirale mortifère est enclenchée. Un vol de montres de collection et l'élimination d'un témoin gênant, la défloration de sa fiancée Sissy Holst par Fred
Kromer aspirerait inexorablement le jeune homme dans la bassesse et le sordide si la police ne venait le cueillir pour l'interroger brutalement. Son chemin de croix peut alors commencer.
L'oeuvre littéraire de
Georges Simenon (1903-1989) a été prolongée et vivifiée par de multiples adaptations télévisuelles et cinématographiques. Elle perdure dans l'imaginaire collectif avec notamment son indéboulonnable commissaire Maigret interprété par vingt-six acteurs différents depuis Pierre Renoir avec "La nuit du carrefour" (1932) jusqu'à
Gérard Depardieu dans "Maigret" (2022). Les romans noirs de l'auteur belge possèdent eux aussi une indéniable force visuelle et une ambiance atemporelle. Intitulé initialement "Monsieur Holst", (1948), le roman est adapté au théâtre par
Simenon et
Frédéric Dard sous le titre "La neige était sale" (1950) et se décline aujourd'hui en une bande dessinée réussie.
Jean-Luc Fromental a repris tous les moments-clés de l'oeuvre littéraire pour les transposer avec brio en bédé. Sur ce scénario solide,
Yslaire a composé une oeuvre graphique puissante, aux partis pris pertinents comme la mise en couleur lumineuse à dominante grise, en phase avec le propos et la symbolique du récit. Auteur lui aussi fasciné par "Les fleurs du mal" qu'il a magnifiquement illustrées et surtout à travers son chef-d'oeuvre "Mademoiselle
Baudelaire" (2021), il ne pouvait que rehausser splendidement les turpitudes de Frank Friedmaier et avec la boue en faire de l'or.