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Critique de 5Arabella


Marc Fumaroli évoque dans ce livre Jean de la Fontaine, connu maintenant essentiellement comme fabuliste. Mais il ne s'agit pas à proprement parlé d'une biographie, les événements de la vie de l'auteur du Loup et l'agneau ne sont évoqués que de loin, et uniquement lorsqu'ils sont indispensables pour appuyer le propos de Marc Fumaroli. Cela réserve l'usage de ce livre aux personnes qui ont déjà une certaine connaissance de la vie De La Fontaine, sans quoi il serait parfois un peu ésotérique. L'ouvrage est davantage un essai, dont le but semble être de comprendre, de donner sens à l'oeuvre, de la placer dans un contexte, d'où le titre qui mentionne le roi, Louis XIV, aussi bien que le poète.

Marc Fumaroli oppose le Parnasse à l'Olympe, ce que l'on pourrait traduire par une opposition de l'art, et tout particulièrement de l'art poétique, au pouvoir. Son hypothèse est que la Fontaine est l'auteur de son époque qui illustre le mieux cette opposition, voire cette résistance au pouvoir absolu en train de se mettre en place. Et qui prétend également réglementer et instrumentaliser les artistes, en particulier par le système des pensions, ainsi que par l'assignation d'un rôle de glorification du monarque. Il décrypte donc les écrits De La Fontaine en grande partie dans cette perspective, ôtant aux Fables leurs oripeaux de petites pièces charmantes réservées avant tout aux enfants, et mettant à nu leurs cruautés et leur vision tout sauf riante de la nature humaine et du monde.

Marc Fumaroli aime visiblement énormément la Fontaine, et déteste aussi vivement Louis XIV, et le modèle politique qu'il a instauré. A ce dernier, il oppose la figure de Fouquet, qui d'après lui, laissait entrevoir une coexistence harmonieuse du Parnasse et de l'Olympe, une célébration qui n'est pas une flatterie boursoufflée et creuse. Ce qu'il appelle le coup d'état de 1661 marque pour lui le début de la fin d'un monde, celui de la Renaissance, dont la Fontaine serait le dernier représentant, résistant à l'instauration de la monarchie absolu et à la philosophie et science de Descartes, qui annoncent une vision du monde toute différente. L'arrestation de Fouquet serait une rupture de l'harmonie, entre les artistes et le pouvoir politique, mais aussi au-delà, entre le pouvoir politique et la société dans son ensemble. Elle n'est qu'une première étape pour un pouvoir politique qui devient de plus en plus répressif et tentaculaire, avant qu'il ne se lance dans diverses guerres, qui brisent aussi l'harmonie entre les nations.

Une des conséquences de ce pouvoir qui prétend régenter et décider de tout, serait au final un asséchement de l'art. Marc Fumaroli considère que les oeuvres essentielles de l'époque n'ont pas été produites à la cour : la Fontaine bien sûr, mais Mme de Lafayette, Mme de Sévigné, le cardinal de Retz, Fénelon ont écrits leurs oeuvres en dehors. Ils considère que les deux seuls grands artistes officiels sont Molière et Racine. Or pour ce dernier, on sait qu'il a arrêté d'écrire pour le théâtre, une fois devenu historiographe du roi. Ce qui fait un maigre bilan.

Le livre apporte incontestablement des pistes intéressantes pour lire l'oeuvre De La Fontaine.
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