GEO - Chat majesté : A travers le monde et les arts

A Saint-Pétersbourg, un dédale de tunnels, de caves, d'entrepôts et d'aires de service serpente sur 20 kilomètres sous les cinq bâtiment du musée de l'Ermitage. Derrière la porte grillagée qu'ouvre Irina Popovits, une dizaine de paires d'yeux de chats brillent dans la pénombre du labyrinthe. "Nous en avons 70 en tout", confie cette femme qui dirige l'Unité féline, formée de deux autres bénévoles, chargée de les entretenir. L'armada poilue vit dans ces lieux librement, et y traque les rats, préservant ainsi un inestimable trésor. Car si le plus grand musée du monde expose quelque 65 000 oeuvres d'art dans son millier de salles, 2,7 millions d'autres pièces reposent dans ses réserves, dans le secret de ses profondeurs.

Le quartier est en constante métamorphose mais une catégorie d'habitants y tient depuis longtemps le pavé : les chats des rues. Impossible de traverser Cihangir sans en voir surgir d'un fourré ou du dessous d'une voiture, se prélasser sur un rebord de fenêtre ou une selle de scooter, déambuler en meute sur le trottoir ... Des petits félins en liberté, mais pas tout à fait sauvages, tant les habitants les chouchoutent. Les gamelles posées sur le sol, les abris sommaires aménagés ça et là, en témoignent.

"Les chats des rues font l'identité de Cihangir. Ce sont les vrais propriétaires du quartier, nous, on ne fait que passer", lance Bahadir Güzel, un quadra au look soigné vêtu d'un tablier, qui a ouvert le café il y a cinq ans.

Une tête un peu massive, une puissance musculaire légèrement supérieure. Ce chat sauvage (Felis silvestris silvestris) affiche peu de différences avec son cousin domestique. Ce sont pourtant deux sous-espèces bien distinctes.

Farouche, solitaire, il garde ses distances avec l'homme.
Le chat forestier n'a pas développé le même sens du confort que nos matous d'intérieur ! Pas question de siestes douillettes au coin du feu pour ce robuste animal, parfaitement adapté au rude climat des forêts européennes.

Félicette : la première "astrochatte"
Recueillie dans les rues de Paris, cette minette fut la première de son espèce à effectuer un vol suborbital, à l'occasion du programme spatial français. Après un dur entraînement (centrifugeuse, chambre de compression ...), elle fut sélectionnée parmi quatorze de ses congénères, dans le but d'étudier sur elle les effets de l'apesanteur. Le 18 octobre 1963, c'est donc bardée d'électrodes que Félicette décolla à bord d'une capsule installée dans une fusée Véronique lancée de la base d'Hammaguir, dans le Sahara algérien. Elle fut récupérée en parfaite santé au terme de dix minutes de vol, dont cinq en apesanteur à 157 kilomètres de la Terre. Mission accomplie.

Il existe au Japon des dizaines d' îles aux chats, où la population des félins dépasse celle des humains. C'est le cas d'Aoshima, confetti de quelques hectares jeté dans la mer Intérieure, au sud d'Hiroshima. Les vingt habitants de son petit port de pêche y vivent entourés de 120 matous (six par personne, donc !). Introduits initialement sur l’îlot pour chasser les souris, ils se nourrissent aujourd'hui du riz et des patates douces que leur apportent les visiteurs. Car les touristes sont de plus en plus nombreux à venir à Aoshima pour cajoler cette étonnante tribu, et la photographier sous tous les angles.

Les Japonais sont friands des récits d'amour entre un animal et son maître. Et après s'être émus de l'histoire vraie d'Hachiko (un chien qui guetta le retour de son propriétaire pendant neuf ans après la mort de ce dernier, en 1925), ils se sont pris de passion pour celle de Misao et de son chat Fukumaru. Depuis que la vieille dame a trouvé dans son cabanon ce félin abandonné, souffrant comme elle de surdité, les deux âmes sœurs ne se quittent plus. La photographe Miyoko a immortalisé cette relation au travers d'une série de photos où on les voit jardinant ensemble, partageant leur repas, ou profitant simplement, côte à côte, des rayons du soleil.

"Rien ne change, répètent-ils. Nous, les Vénitiens, avons toujours eu des chats à nos côtés ..." Et en effet, entre deux piles de dossiers, on remarque un panier agrémenté d'une douillette couverture. Une secrétaire finit par avouer : "Nous ouvrons la fenêtre, et la colonie, que nous nourrissons en cachette, vient s'installer, bien au chaud, pour quelques heures." Elle n'en dira pas plus. C'est un secret. Car à Venise, depuis quelques années, les chats des rues, qui faisaient aussi le charme de la ville, n'ont plus droit de cité.

Mais les matous sont si populaires parmi les 3 millions de visiteurs annuels qu'ils sont devenus des icônes, les mascottes du musée. Et ses vivantes publicités. Car ses boutiques multiplient les souvenirs à leur effigie : aimants, calendriers, répertoires, cartes postales ... En septembre 2015, la direction a annoncé qu'elle avait enregistré ces produits sous la marque déposée "Chat de l'Ermitage".