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Critique de Dez54


Dez54
15 février 2020
Les veines ouvertes de l'Amérique latine de l'auteur uruguayen Eduardo Galeano relate la longue et douloureuse histoire de ce continent depuis sa découverte par les européens jusqu'au début des années 1970.


On y lit les autochtones décimés, l'esclavage à une échelle industrielle, les guerres fratricides, le pillage des ressources par les pays plus avancés… mais le livre ne se résume heureusement pas à une longue liste de malheurs. L'auteur en profite pour développer des idées intéressantes notamment :

-Sur la "malédiction" des matières premières : quelques années avant que ne se développe en économie le concept de "dutch desease", l'auteur démontre comment l'exploitation des matières premières dans les différents pays de la région les ont enfermés dans une spirale de sous-développement empêchant la constitution d'une industrie compétitive.

-Sur le libre échange imposé par les pays développés à divers pays d'Amérique Latine pour maintenir une division internationale du travail qui leur est favorable.

-Sur la notion de "sous impérialisme" l'auteur explique comment les plus grandes nations latino-américaines reproduisent un schéma de domination économique (qu'ils subissent eux-mêmes), vis à vis des autres pays moins puissants de l'Amérique du Sud et Centrale.

-Sur la captation discrètes des richesses des colonies espagnoles par l'empire britannique puis par les USA, processus commencé avant même l'indépendance de ces pays.

Si ces différents points évoqués peuvent être sujets à débat, ils ont le mérite d'être développés de façon originale et convaincante par E. Galeano.


Si le ton de l'auteur est souvent engagé, son travail de recherche est palpable et les références abondent. En dépit de cela, Eduardo Galeano me semble parfois manquer des nuances nécessaires au travail d'historien. Ainsi on apprendra au détour d'une phrase (p 267) que "l'empire esclavagiste de Pedro II, dont les troupes se nourrissaient d'esclaves et de prisonniers gagna cependant des territoires", l'affirmation de cannibalisme concernant l'armée brésilienne n'est précédée ni suivie d'aucun élément de contextualisation ni d'aucune nuance comme si les soldats brésiliens du XIXème siècle mangeaient quotidiennement de la viande humaine... le même manque se fait également sentir sur d'autres aspects et particulièrement vis à vis des personnages historiques qui semblent invariablement se situer soit dans un axe du mal ou au contraire dans le camp du bien. C'est pour moi le principal défaut du livre.


Plus anecdotiquement, pourra regretter l'absence de comparaison avec d'autres région du monde comme l'Afrique ou l'Asie (où certains pays comme Taiwan ou la Corée du Sud avaient déjà tirés leur épingle du jeu en 1970 et progressaient vers un réel développement).

Enfin, on remarquera bien sur l'âge avancé du livre lui-même écrit il y a près de 50 ans (1971) … Bien que les crises économiques (Argentine, Mexique) et politiques dans les années qui ont suivies ne démentirent pas son constat amer.


En dépit de quelques défauts, c'est donc un livre édifiant pour qui souhaite découvrir l'histoire de l'Amérique latine. Je profite de cette critique pour recommander également à ceux qui s'intéressent à l'histoire de cette région les récentes émissions de France Culture sur les "héritages" de Christophe Colomb et de Simon Bolivar (Série « Concordance des temps », émissions radios écoutables et téléchargeables gratuitement).
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