Elle se sentait enfin en équilibre, comme lorsque, en de rares et brèves occasions, ce que l'on est parvient à rejoindre ce que l'on croit être, et se noue à ce que l'on fait.
C'est ici le paradis, Jeanne, il ne faut pas vivre comme si c'était ailleurs. Et peut-être que le ciel répond, mais qu'on ne sait pas l'entendre.
Une vie ne suffit pas. Jeanne aurait voulu en avoir plusieurs, pour vivre tous les choix qu'elle n'aura pas faits, toutes les directions qu'elle n'aura pas prises.
Ce que vous faites me console de moi.
- Qu'est-ce que tu fais ?
- J'attends les fées.
- Les fées ne viennent pas jusqu'ici.
- Pourquoi ?
- La boue, Zoé... Leurs souliers sont trop blancs. Tu viendrais ici, toi, si tu étais une fée ?
- Oui. Je mettrais des bottes.
Jeanne ne croyait pas aux gens sans histoire. Elle ne croyait pas non plus qu'il existait des gens complètement bons. De la même manière, elle ne pensait pas qu'il existait des gens entièrement mauvais. Mais elle pensait que la bonté existait. Et la bêtise aussi. Et l'intelligence. Les gens très intelligents manquaient souvent de fantaisie et cela en faisait des êtres très désolants.
Un jour, on relève la tête et on se rend compte que les autres vivent, et que nous, on est arrêtés.
L'image, l'apparence, ça se contourne et, sur la durée, les chances se répartissent autrement. À force de vouloir ressembler aux autres, on disparaît dans le paysage.
Entravée. Empêchée. Prévisible. Elle l'a pensé, qu'elle subissait sa vie plus qu'elle ne la décidait.
On devient artiste parce qu'on est sensible et parce qu'on est mal dans le monde. Ce n'est pas une question de don mais d'incapacité à vivre avec les autres. Et cette incapacité à vivre crée le don.