Il se relève et se dirige vers la porte. Il a parlé d’un ton dégagé, mais ce qu’il m’a dit n’en est pas moins lourd de sous-entendus. Il préférerait me savoir loin de lui et en sécurité que proche et en danger. J’ignore si c’est la chose la plus romantique ou stupide qu’on a jamais faite pour moi.
— Ton amie a disparu. Sonia, ajoute-t-il, ce qui me fait grincer des dents.
Il ne s’est jamais intéressé à ce que je faisais au-delà de mon parcours professionnel. (...) Mais Sandra est venue chez nous des milliers de fois. Elle a mangé en notre compagnie, a passé un nombre incalculable de nuits ici. Il lui a parlé. Il l’a entendue rire. Et il n’a même pas la décence de se souvenir de son prénom.
— Elle ne s’est pas rendue au travail ces trois derniers jours, pas plus qu’elle n’est rentrée à son appartement.
— Sandra est morte.
Je ne lui ai pas parlé depuis des mois, et c’est la première chose que je lui dis. « Sandra est morte. » Et, avec ces quelques mots, je pourrais tout aussi bien être en train de de lui crier que je le hais.
Marat se délecte du sentiment de peur et de toute-puissance que donne la chasse. Je ne pourrais pas le blâmer. J’ai ressenti des émotions similaires. Mais on dirait qu’il ne craint pas de mourir, et ce n’est pas mon cas. J’ai peur d’y rester, j’ai peur qu’il arrive quelque chose à Marcus ; j’ai peur de tout.
— Neela ?
Je relève la tête en direction de Marcus. J’ai l’impression d’être un fantôme, que mes gestes sont vieux, usés, n’existent déjà plus et que je ne suis qu’une ombre qui perdure un peu trop longtemps. Mes yeux sont fatigués. Je n’ai pas envie de pleurer, loin de là. Mais, quelque part, je crois que j’ai démissionné. Je me suis résolue à ce que j’allais faire, et Marcus me manque déjà.
Marcus revient en brandissant des gants.
— Tu sais t’en servir ?
Je hausse un sourcil.
— Il y a un cran d’arrêt, ou autre truc dont je devrais être au courant ?