Au premier regard

Il est peut-être petit, mais les gens ont une mémoire d’éléphant. » Il lança un regard vers D.D. « À votre place, j’essaierais de cacher mon accent. Et par pitié, ne dites pas que vous venez du Nord. 

L’avantage des forums en ligne, c’est qu’on peut fouiller les archives ; une fois qu’on connaît un identifiant, on peut reconstituer une bonne partie des activités du sujet. Malheureusement, Internet est un environnement en perpétuelle évolution et je ne suis parvenue à retrouver aucun des groupes de discussion auxquels il a pu participer il y a sept ans.

Il est désormais acquis que, si dans la vraie vie Ness était un solitaire, sur Internet il participait activement à des forums dont les membres partageaient ses penchants criminels. La question est de savoir si l’une de ces correspondances virtuelles aurait débouché sur une relation dans le monde réel. 

Les tueurs en série ont souvent un lien personnel avec leur première victime. Jacob aurait donc pris un luxe de précautions parce qu’il avait davantage à craindre si le corps était retrouvé.

Il est également important de noter ce que nous n’avons pas retrouvé dans la fosse. Ni vêtements, ni chaussures, ni liens. Rien de tout ça. Le corps a été inhumé à faible profondeur, sans entraves et complètement nu.

D’après ses parents, c’était une jeune fille sage, impatiente d’entrer à la fac à l’automne et de devenir le premier membre de sa famille à décrocher un diplôme. Sauf que, par un bel après-midi ensoleillé, elle a disparu.

J’imagine que nous pouvons tous comprendre à quel point il serait important pour ses parents d’en avoir le cœur net une fois pour toutes. Pour que leur enfant ne reste pas un simple nom sur la liste des victimes potentielles d’un sinistre prédateur. 

Elle était ce qu’il leur avait laissé en héritage et, dans les jours à venir, toute la cellule aurait très probablement besoin de ses lumières pour mener à bien son enquête.

Je sens la maison frissonner autour de moi et je sais qu’elle est en deuil. Ce n’est qu’une maison, pas méchante d’ailleurs. Juste une vieille demeure qui n’a jamais rien demandé de tout ça.La maison et moi pleurons ensemble. Et ensuite, quand j’ai fini, je lève la feuille. Je mémorise chaque trait, couleur, spirale. Cette tache rose, cette zone verte, ce sourire bleu. Ces nouvelles ombres noires.Des gens vont venir.

Il y a un code que tout le monde comprend, sauf moi. Trouver la bonne suite de signes ouvre les portes du langage, mais j’en suis incapable, apparemment. Les traits m’échappent. Ils n’en font qu’à leur tête et refusent de rester là où je les mets.J’essaie de commencer par des choses simples. Des noms. Je voudrais écrire le nom des autres filles, puisque tout le monde a un nom. Tout le monde sauf moi, mais un jour je retrouverai le mien.