Mitigée, je suis. D'un point de vue strictement littéraire, ce livre n'est pas une pépite. Il n'a rien d'exceptionnel, il est même assez banale. Mais l'écriture, d'une grande simplicité, est au service d'un sujet qui, lui, est de grand intérêt. C'est son point fort, celui dont je parlerais car il est une réponse à ces « têtes pensantes » qui se réjouissent de l' « universalisme » français comparé au « communautarisme" des États-Unis. Ceux-là et celles-là rappellent qu'il n'y a pas de régime ségrégationniste en France et rejettent, de ce fait, l'existence d'un racisme sur le territoire français, citant en exemple
Joséphine Baker qui a préféré la France aux États-Unis. Ainsi donc le racisme ne saurait exister en dehors des régimes ségrégationnistes et ne s'appliquerait qu'à la population dite noire. Mais on s'interroge : qu'est-ce donc alors cette violence qui s'exerce en Algérie ? Qu'est-ce que ce rejet de la population maghrébine ? Qu'est-ce que ce rejet de tout ce qui n'est pas « chrétien », « occidentale » et qui vient du continent africain ? Qu'est-ce ? Qu'est-ce que cet enfermement de la population immigrée dans des « quartiers » ghétoïsés ? Qu'est-ce que cette difficulté à en sortir ? Qu'est-ce que cette discrimination massive à l'embauche ? Et cette pauvreté, ces difficultés scolaires qui les touchent ? Oui, qu'est-ce ?
L'auteur, dans ce livre, le rappelle. le racisme n'a pas besoin de régime ségrégationniste pour exister. Il n'a pas besoin de lois « Jim Crow », d'une discrimination légale, de « Ku Klux Klan ». le racisme est dans le rapport à l'Autre que l'on considère comme un corps étranger méprisable. Il est dans ce rejet que l'on justifie par des considérations ethniques, religieuses, politiques, culturelles etc. Il est dans ce refus de l'Autre parce qu'il est éternellement autre. le racisme est dans la définition d'une homogénéité qui ne supporte pas le caractère « étranger ». Cet "étranger" est tantôt noir, arabe, hispanique, musulman, juif, chrétien, kurde, hmong, femme, homosexuelle, transexuelle ...etc. Peu importe qui il est, il souffre d'un même mépris qui autorise la majorité (au sens politique et non numéraire du terme) détentrice du pouvoir d'exercer sur lui une domination qui peut être symbolique, structurelle, physique – différente mais toujours violente.
William Gardner Smith a donc raison de faire le parallèle entre les Noirs aux Etats-Unis et les Algériens en France car la domination diffère seulement dans la forme. Elle puise, sinon, les mêmes ressources, les mêmes mécanismes, les mêmes « philosophies » dans ce racisme puant qui fait la lie de l'humanité.