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Critique de 5Arabella


Il s'agit de la première pièce publiée de Robert Garnier, en 1561, à peine 15 ans après la création de Cléopâtre captive d'Etienne Jodelle, présentée comme la première pièce moderne française créée selon le modèle antique. Un nouveau théâtre est en train de naître, qui fait disparaître le théâtre médiéval, et Robert Garnier est un auteur important, qui va poser des jalons essentiels pour la suite de l'évolution du genre.

Soyons honnête : ce théâtre est celui d'hommes cultivés, amateur de l'antiquité, qui ont des activités autres, Garnier est juriste de formation, et va occuper différentes charges administratives importantes. Ce n'est pas un professionnel de la scène, comme ne le sont pas les auteurs de son époque. Les représentations des pièces ont souvent lieu dans les cours royales ou princières, dans les collèges, ils sont joués par des amateurs. Toutefois, des mentions des représentations par des troupes d'acteurs dont c'est le métier et la principale activité, en particulier pour les pièces de Garnier, existent, les textes ne sont pas protégés par des droits d'auteurs et tout le monde peut s'en emparer. Cela montre qu'il existe une demande sociale pour le théâtre.

Les auteurs de l'époque inventent un genre. Ils pensent reproduire le modèle antique, ils ont accès à la création italienne, pionnière en la matière, mais ce qu'ils font, va devenir original et bien sûr très différent. Il est relativement difficile de se représenter avec précision comment ce théâtre était joué et reçu, les sources sont bien moins nombreuses qu'au XVIIe siècle. Tel quel, il semble difficile à jouer aujourd'hui. L'aspect qui me pose question est par exemple le choeur, qui est très présent dans ces premières pièces modernes. Dans les deux seules représentations du théâtre du XVIIe siècle français auxquelles j'ai pu assister, le texte de ce choeur était dit (voire lu) par une seule personne, et surtout dans un cas, très raccourci. Or il semblerait qu'à l'époque de sa création, il s'agissait vraiment d'un choeur de plusieurs personnes. Je ne sais pas s'il y avait de la musique, comme dans le théâtre antique, il ne semble pas que des partitions aient été conservées. Un sujet que je vais essayer de creuser dans mes prochaines lectures.

Porcie est donc la première pièce de Garnier, et cela se sent. Autant sa deuxième pièce, Hippolyte, m'avait semblé intéressante, autant je trouve celle-ci vraiment d'une construction trop bancale. Nous sommes encore proche de la Cléopâtre de Jodelle, dans une sorte de déploration. Mais en même temps, Garnier tente de donner un peu d'action à sa pièce, et tout cela ne colle pas très bien ensemble.

Porcie est la femme de Brutus, apprenant la mort de son mari, défait pas Antoine, elle se suicide.
Le premier acte est une sorte de prologue, composé d'un long monologue de Mégère, l'une des trois Erinyes, qui incite les Romains à la guerre civile, suivi d'un choeur qui déplore les malheurs de Rome dans la tourmente. Dans le deuxième acte, Porcie vient exprimer son angoisse au sujet du sort de son mari ; le choeur pleure la paix disparue. Entre la Nourrice, suit un échange avec Porcie qui se laisse aller à exprimer ses appréhensions, que la vieille femme tente de calmer. Un choeur effrayé souhaite le succès du camp de Brutus.

Dans l'acte suivant, après un monologue d'Aree, un philosophe qui déplore les malheurs de l'époque, entre en scène Octave, puis Antoine et Lepide. Leur camp a gagné, ils se partagent le monde. Octave, suivi par Lepide, se montre sanguinaire, et veut poursuivre jusqu'à la mort tous les conjurés et leurs soutiens. Marc Antoine essaie de les tempérer. Intervient un choeur martial de soldats. Dans l'acte quatre, un messager vient conter les événements, la défaite et la mort de Brutus, au désespoir de Porcie et du choeur. Au cinquième acte enfin, la Nourrice vient raconter le suicide de Porcie, puis se suicide à son tour. le choeur est sur un mode déploratif.

Même si tout est joué, et que la mort de l'héroïne est inévitable, Garnier tente de mettre un peu de suspens, au début de la pièce, on ne sait pas encore que Brutus est mort. le messager n'annonce pas de suite la nouvelle, il raconte les événements avec luxe de détails, il y a des retournements. Garnier essaie aussi de donner plus d'étoffe à ses personnages, par exemple les trois triomphateurs, ont des personnalités distinctes, qui annoncent forcément les dissensions à venir. Mais tout cela reste un peu théorique, maladroit, pas terriblement crédible. Garnier a beaucoup emprunté à diverses tragédies de Sénèque pour écrire la sienne, et le côté patchwork est assez sensible à la lecture.

Mais il s'agissait d'un premier essai, il a incontestablement mieux réussi par la suite.
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