«
Cris » le titre de l'ouvrage de
Laurent Gaudé peut de prime abord faire penser au tableau presque éponyme du peintre norvégien
Edvard Munch, « le Cri » .Car ce sont bien des
cris d'hommes pris dans la tourmente et l'horreur du conflit de la première guerre mondiale à l'écoute desquels nous convie
Laurent Gaudé.
Il y a le Gazé, dont l'agonie, les retours vers l'état de conscience oscillent vers le désespoir absolu .Le lieutenant Rénier, jeune officier frais émoulu de l'école de guerre, qui trouvera la mort au premier assaut décisif.
Il y a aussi Jules , qui part en permission au début du récit .Ses compagnons de tranchée , Marius ,Ripoll ,Barboni , M'Bossolo l'Africain , tous affrontent ce déchaînement , ce déluge de feu , ce prélude à l'effondrement d'une certaine conception du monde .On pense à
Henri Barbusse, à
Roland Dorgelès ,à
Erich-Maria Remarque, auteurs majeurs dans la restitution du traumatisme de la première guerre mondiale .
Laurent Gaudé est né en 1972, et n'a donc pas connu cette période .Il l'évoque pourtant avec une force de vérité impressionnante, avec une capacité de restituer toutes les caractéristiques de cette guerre : sa barbarie, la saignée qu'elle fut pour la nation, le bouleversement du sort de millions d'individus, tant au front qu'a l'arrière.
Ainsi , une réflexion conduite par un médecin , l'un des personnages de ce roman résume la vision possible de cette épreuve par des soldats partis à la poursuite d'un des leurs devenu fou : « J'ai pensé à Marius et à Boris qui étaient partis à sa poursuite .Et je n'ai pu re
partir que lorsque les
cris ont cessé .Je crois que c'est la terre qui hurle par cet homme .Je crois qu'il est la bouche hurlante du front qui gémit de toutes les plaies profondes que l'homme lui fait.( …)Je crois que lorsque le fou cessera de gueuler, c'est que la terre sera morte .Et l'homme pourra s'en remettre à Dieu car commencera alors un enfer auquel rien ne nous a préparés . »
La forme du roman, suite de monologues intérieurs conduits par les différents protagonistes, fait penser, aussi, à la configuration d'une pièce de théâtre .Cet ouvrage pourrait être aisément adapté à la scène. C'est émouvant, évocateur .Cet ouvrage peut rejoindre cette catégorie d'oeuvres, dont la fréquentation nous rappelle que, toujours, les peuples sont perdants, s'ils prennent part à cette catastrophe : la guerre. C'est magistral .
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