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Critique de bdelhausse


La Nouvelle-Orléans se prépare à un ouragan de taille maousse. Une chienne de chienne. On évacue, on regroupe, on abandonne, on sauve-qui-peut... Et Laurent Gaudé nous propose de suivre quelques personnages "emblématiques" d'une Amérique où tout le monde n'est pas l'égal de son voisin.

L'idée est chouette. C'est dans les moments de tension, dans les catastrophes et parmi les petites gens que l'on peut mieux mesurer l'état d'un pays. Comme Makenzy Orcel le fait avec les prostituées de Port-au-Prince dans Les Immortelles. de ce chaos devrait sortir la vérité sur nous, en tant que groupe, en tant que construction sociale. le roman d'Orcel est une pure merveille de ce point de vue.

Parmi le casting, on a une vieille dame, veuve de longue date, qui en a vu beaucoup et dont le mari a disparu (sans doute noyé dans le bayou par le KKK), un pasteur, des forçats qui s'évadent, un gars qui revient après 6 ans passés sur une plateforme de forage, la femme qu'il vient retrouver, l'enfant de celle-ci... Et on va alterner les points de vue à mesure que l'ouragan déferle sur la ville, que les digues cèdent et que les crocodiles s'agitent en attendant les secours.

Cela pourrait faire du Faulkner, du noir de noir, 100% désespoir. Laurent Gaudé accumule les strates de noirceur, d'ailleurs. Les esprits s'affolent. le pasteur croise un petit gaillard armé d'un hachoir, puis se retrouve avec un fusil, se persuadant que "Dieu" lui a confié une mission. Et pendant qu'il rode dans la ville, les autres protagonistes en font autant. le pasteur n'est pas sans évoquer un chef d'oeuvre du film noir avec Robert Mitchum... en tout cas, dans tout le roman, je n'ai pu me départir de l'impression de lire un hommage à la littérature et aux films "de genre" made in US des années 40-60.

Laurent Gaudé se focalise sur les gens et les émotions. C'est plutôt bien vu. Mais je n'ai ressenti aucun frisson. On voit tout venir, peut-être est-ce voulu, d'ailleurs. On n'est étonné de rien. Mais il n'y a aucune tension, aucune progression vers un climax que l'on connaît. J'ajouterai que ce n'est pas grave de connaître la fin, le cheminement peut être extrêmement intéressant, passionnant, envoûtant (après tout on est pas loin du bayou et de son vaudou). Mais l'écriture trop travaillée, lisse, hyper précise, cérébrale de Laurent Gaudé (qui fait merveille par ailleurs) ne m'a pas saisi.

Il faut aussi ajouter que le récit débute avec Joséphine Linc. Steelson, cette vieille négresse de presque 100 ans et qu'elle éclipse tous les autres personnages. A chaque fois qu'elle paraît, elle illumine le récit. A chaque fois qu'on passe à un autre personnage, tout retombe comme un soufflé dans un courant d'air. J'aurais pris volontiers 180 pages de Joséphine... Et de fait, je ne comprends pas ce que le roman choral apporte au récit.

Bref, lecture en demi-teinte. Et mention spéciale aux crocodiles (qui ne s'annoncent pas avec un réveil).
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