Citations sur Petite soeur la mort (12)
L’hiver courait dans ses veines, ses entrailles charriaient à présent des glaçons teintés de sang, et il comprenait qu’il avait franchi la frontière d’une étrange province du cœur, qu’il avait quitté Corrie plus sûrement qu’il n’avait jamais redouté de la voir partir. Il ne pouvait plus trouver le chemin qui lui aurait permis de retourner en arrière, mais le pire était de savoir que, de toute façon, il ne l’aurait pas rejointe, même si cela avait été possible. (p. 248.)
Il se tourna vers Corrie pour regarder son visage. Il était flou et irréel dans son sommeil, avec ses cils sombres et énigmatiques. Il pensa à ses yeux. Les fenêtres de l’âme, disait le poète, mais Binder savait qu’il y avait toujours des petits greniers remplis de bric-à-brac, des caves humides et obscures grouillant de vermine. Des réduits dépourvus de fenêtres où le soleil n’entrait jamais. (p. 244.)
L’obscurité noyait d’abord le vallon où se trouvaient les ruines de la maison de maître, et il lui semblait qu’en fait elle y demeurait tapie en permanence, n’en sortant lentement qu’à partir du moment où les ombres s’allongeaient, comme l’encre imbibe un buvard. (p. 195.)
Il ne dit pas un mot. Le silence était bien trop profond. On n’entendait que le vent glacial, au loin, et, au-dessus des champs dénudés de l’hiver, les gémissements des arbres saisis par le gel. (p. 183.)
Il se demanda à quel moment sa peur s'était muée en jubilation, et il se rappela Charlie Cagle assis sur le banc du parc, lui disant : Vous, ces choses-là, vous les laissez entrer. En quelque sorte, c'était bien ce qu'il venait de faire. Et l'idée de sa propre complicité dans cette histoire lui paraissait bien plus effrayante que la chanson ne l'avait été.
[p162]
Je ne sais pas s'il y a quoi que ce soit de vrai dans tout ça. Et comme près de deux cents ans ont passé depuis les premières prétendues apparitions, je suppose que personne ne le saura jamais. Mais ce dont je suis sûre, c'est que le monde est un lieu étrange et merveilleux ; où que vous choisissiez de porter le regard, il y a des mystères.
[p270]
En conflit avec son propriétaire pour une histoire de charrue à deux socs qu'il avait détériorée, Owen Swaw s'était trouvé brutalement mis à la porte au milieu de l'été, privé - tant que le litige ne serait pas réglé - de la récolte qu'il pensait partager, et cerné de tous côtés par des rancunes tenaces. Swaw avait une femme et quatre filles presque toutes adultes. Expulsés de la maison qu'on habite depuis quatre ans...
Il aimait la solitude, la rêveuse monotonie des jours. Le temps se repliait sur lui-même, un siècle était semblable au suivant. En réalité, pensait-il, le temps n'était qu'un concept, un moyen de comprendre la marche du monde, et Binder avait découvert qu'il pouvait s'en passer : la maison devait avoir le même aspect cent ans plus tôt. Et elle abritait déjà la même sinistre énigme.
Chaque question est à choix multiple, et la vérité dépend de vos critères de référence.
Par la suite, il s’en souviendrait comme la dernière frontière de la normalité, l’ultime halte avant le voyage vers des provinces plus obscures.