Le mythe de la virilité

C'est en effet probablement la littérature, et plus largement, la culture, qui sauvera les femmes, du moins celles qui y auront accès, en leur permettant de résister, par l'imagination, à cette tyrannie exercée sur leurs corps consistant à leur interdire d'en jouir. p.170

Cette injonction à la maternité allait s'accompagner de l'interdiction judéo-chrétienne de la contraception et causer d'immenses préjudices aux femmes. Combien de centaines de millions de femmes se retrouvèrent ainsi mères sans l'avoir désiré, soit parce qu'elles furent mystifiées par la propagande nataliste, soir parce qu'elles tombèrent enceintes accidentellement, soit encore parce qu'elles furent violées ? p. 130

Aliénée au sensible, elle ressent ; l'homme connecté à l'intelligible, pense. Elle est gouvernée par ses émotions, il gouverne ses idées.

Ce qui est extrêmement troublant, c'est qu'on retrouve des traces de cette profonde inquiétude masculine dans les religions, les croyances et des grands récits fondateurs, un peu partout à travers le monde, comme s'ils étaient porteurs d'une sorte d"inconscient nucléaire"; d'une mémoire génétique venue du fond des âges. Dès les origines de la civilisation, la pensée théologique et mythique - et singulièrement les récits de la création du monde - ne cesse, en effet, d'évoquer les trois craintes archaïques du masculin : la peur de la castration par la toute puissance féminine, la hantise de l'effémination et la terreur de l'impuissance.

" Comment la femme pourrait-elle échapper à ses penchants serviles et perfides quand l'éducation l'a façonnée dès l'enfance à étouffer son caractère pour se plier à celui du premier venu que le hasard, l'intrigue ou l'avarice lui choisiront pour époux ? "

L'éducation, tout est là, en effet.

Chaque période de l'histoire a été secouée par de profondes remises en question et marquée par la création de nouveaux archétypes masculins.

A l'origine, il s'agissait d'une prescription coranique ayant pour but de protéger les femmes contre (ce que l'on n'appelait pas encore) le harcèlement sexuel : "Ô prophète ! Dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des Croyants de serrer sur elles leurs voiles.
Cela sera le plus simple moyen qu'elles soient reconnues et ne soient point offensés ", dit la sourate 24.
Au fil du temps, le voile s'est chargé de nouvelles significations, jusqu'à devenir aujourd'hui - et c'est ce qui le rend si difficile à étudier - un vêtement polysémique.
Il ne traduit plus seulement une vision idéologique des rapports de sexe, mais également une radicalisation religieuse (symbolisée par le passage du hijab au nikab, puis à la burqa), tout autant qu'une " islamisation de la radicalité ".

Malgré la diffusion de représentations égalitaires du partage des tâches, "l'injustice ménagère" est persistante et la parité domestique un horizon encore lointain.
C'est donc la femme qui, la plupart du temps, se voit confrontée à l'articulation conflictuelle entre vie professionnelle et vie privée.

Comme un homme sur deux, je suis une femme.

La deuxième moitié du XIXe siècle et le début du XXIe confirmeront ce désenchantement, voire ce sentiment de déréliction. L'effroyable brutalité du totalitarisme, fasciste et communiste, viendra signer la fin des "grands récits d'émancipation". Parallèlement, la destructivité des guerres de décolonisation, de la guerre du Vietnam, d'Irak, et de quantité d'autres conflits portera le coup de grâce au mythe de la puissance guerrière, déjà sévèrement écorné.