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EAN : 9782266289818
528 pages
Pocket (21/02/2019)
4.23/5   166 notes
Résumé :
Et si, comme les femmes, les hommes étaient depuis toujours victimes du mythe de la virilité ?
De la préhistoire à l'époque contemporaine, une passionnante histoire du féminin et du masculin qui réinterprète de façon originale le thème de la guerre des sexes.
Pour asseoir sa domination sur le sexe féminin, l'homme a, dès les origines de la civilisation, théorisé sa supériorité en construisant le mythe de la virilité. Un discours fondateur qui n'a pas... >Voir plus
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A l'origine, Olivia Gazalé souhaitait écrire sur les femmes, mais alors que le féminisme a remporté une bataille idéologique importante dans la plupart des démocraties occidentales, il subsiste toujours des violences et des discriminations. Olivia Gazalé s'est attelée à une tâche bien difficile : retracer les origines culturelles, politiques, sociales et mythologiques de la « virilité », en remontant de la préhistoire à nos jours. Ainsi, Olivia Gazalé expose de manière simple, mais avec de multiples détails et précisions, les constructions culturelles et sociales liées aux injonctions qui pèsent sur les hommes.

Le mythe de la virilité part du postulat d'une hiérarchie des sexes, d'une supériorité naturelle du masculin sur le féminin. « Sois un homme », « Arrête de pleurer », les injonctions sexistes qui entourent la virilité montrent que celle-ci n'est pas innée, mais construite. Pas plus qu'on ne « naît femme », on ne « naît homme », on le devient par une affirmation constante de cette virilité, par des actes parfois violents physiquement ou psychologiquement. L'homme doit être fort et courageux, volontaire et conquérant, alors que la femme ne peut être que passive, faible et inconstante.

Toutefois, en faisant de la supériorité mâle le fondement de l'ordre social, religieux et sexuel, en valorisant la force, le goût du pouvoir et l'instinct guerrier, l'homme a justifié la domination masculine sur le « sexe faible », mais il s'est aussi condamné à réprimer ses émotions, à redouter l'impuissance et à détester l'effémination, tout en cultivant le goût de la violence et de la mort héroïque.

Dans cet essai, Olivia Gazalé s'attache à déconstruire les clichés associés à l'identité masculine et interroge les injonctions qui pèsent sur les hommes qui se sont enfermés dans des notions de domination et de puissance. La hiérarchie entre les sexes, fondement millénaire de l'ordre social, a implosé, mais l'homme s'est piégé lui-même en se condamnant à devoir sans cesse prouver sa puissance et sa réussite sous peine d'être méprisé ou moqué en raison de son manque de virilité.

Pour que les hommes changent le regard qu'ils portent sur les femmes, il faut qu'ils changent le regard qu'ils portent sur eux-mêmes. Et vice versa. Mais pour qu'ils modifient l'image qu'ils ont d'eux-mêmes, il faut qu'ils modifient l'image qu'ils ont des femmes. Il y a donc un énorme travail éducatif à mener pour faire comprendre dès l'enfance que le sexisme est un fléau pour les deux sexes. Aussi, l'originalité du propos d'Olivia Gazalé est de montrer que les hommes ont tout à gagner dans la déconstruction des assignations sexuées qui pèsent sur eux comme sur les femmes, et que l'avenir du féminisme repose autant sur la capacité de la femme à lutter contre les préjugés sexistes que sur la capacité de l'homme à s'émanciper des assignations sexuées qui entretiennent, souvent de manière inconsciente, la misogynie et l'homophobie.
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Ce volume traite des discriminations de gendre conçues comme le résultat d'une idéologie historiquement construite, le virilisme, qui se différencie de ce que nous avons coutume d'appeler le « patriarcat » par un moindre déterminisme et par la présence, tout au long de l'Histoire, d'une dialectique entre soi-même et d'autres modèles d'identité masculine antagonistes, laquelle a produit des systèmes de domination différents et d'inégale férocité. le virilisme ainsi identifié opprime les femmes tout en constituant aussi un piège pour la majorité des hommes, car il institue un système hiérarchique fondé sur la dichotomie : puissance/impuissance. le XXe et XXIe siècles sont en train de déconstruire enfin ce mythe, non pas ou pas principalement par les féminismes, mais par une « crise de civilisation » qui, dans ce contexte particulier, est appelée de ses voeux par l'auteure qui, dans la conclusion, prévoit et invoque une réinvention des « masculinités ».
Au cours de la lecture, j'ai d'abord craint qu'elle soit trop « légère » : l'hypothèse du « matriarcat primitif » pré-indo-européen - pourtant aujourd'hui réfutée par la majorité des spécialistes (de même que par Gazalé, d'un revers de main, sans explication) constitue le début de l'ouvrage, dans une première partie : « Au commencement était le féminin » qui, du coup, ne semble pas très justifiée, sinon pour faire ressentir l'aspect historique du « système viriarcal », connu toutefois de tout historien matérialiste ayant lu ou pris connaissance de Engels... La deuxième partie, « La virilisation du monde », examine le « viriarcat » selon six axes (cf. cit. infra) dont les deux premiers - « la parenté confisquée » et « l'appropriation des femmes » - ne me convainquent pas ; je suis persuadé dans ces sujets par l'explication socio-biologique sur les conséquences de l'asymétrie de l'investissement parental entre les sexes. Mais là – à la p. 70 donc – s'arrêtent mes réticences et dorénavant mon adhésion et mon enthousiasme lectoral vont croissant.
La troisième partie s'intitule : « L'essentialisation de la femme : la trinité vierge-mère-pute » ; beaucoup d'arguments sont assez classiques et donc connus et acceptés, hormis deux dans lesquels je me suis retrouvé entièrement avec l'auteure : celui sur le refus de l'interdiction du voile des musulmanes et du burkini (dans le ch. « La pudeur et le voile », v. p. 158-159), ce celui sur le « traitement politique » de la question de la prostitution (dans le ch. « La putain ou le "mal nécessaire" » v. p. 193).
Suivent les trois parties du livre d'où j'ai appris le plus : celles qui traitent des conséquences néfastes du virilisme sur les hommes. La quatrième partie, « La construction du mythe viril », toujours historique, prend comme point de départ l'Antiquité grecque et avance jusqu'aux fascismes. La cinquième partie, « Puissance et impuissance », s'articule elle aussi sur six axes relatifs à la sexualité masculine indiqués par autant de verbes à l'infinitif : « Prouver, dresser, entrer, mouiller, fanfaronner, sublimer ». La sixième partie, « La déconstruction du monde viril », en partant du « spectre de la dévirilisation », retrace, tantôt historiquement, tantôt dans le présent, les effets de la montée en puissance de modèles alternatifs au virilisme, notamment dans la sphère de la paternité, par l'influence des féminismes, et ensuite des modifications sociologiques du champ du travail et de la guerre.
La conclusion, je l'ai évoquée, est un hymne optimiste qui n'envisage même pas l'éventualité de la régression qui pourtant pourrait être invoquée sur plusieurs domaines, comme l'IVG, peut-être les violences domestiques, la résurgence d'insultes homophobes « décomplexées » peut-être par telle ou telle autre « manif pour tous »... Il se peut que, eu égard à l'ampleur des durées prises en compte par la philosophe, elle ne se soucie de ces « minima » et confie dans des tendances à plus long terme...
De toute manière, ce livre a une telle envergure qu'il ressemble davantage à une étude générale, un état des lieux des connaissances en matière de virilisme qu'à un essai ponctuel ou à une monographie. Sa prose très lisible et ses notes bibliographiques – suffisantes sans être surabondantes – en font la lecture idéale, par exemple, pour des étudiants ou comme ouvrage de référence.
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Après un pamphlet qui m'a laissée mitigée, j'ai eu envie de me tourner vers un ouvrage plus rigoureux. Je voulais surtout trouver un auteur qui ne soit pas, à la base, journaliste, militant ou écrivain. Olivia Gazalé, à qui on doit l'essai qui nous intéresse aujourd'hui, est avant tout philosophe même si elle écrit aussi pour la presse. J'avais besoin d'hypothèses, d'arguments, de sources, de réflexion. Enfin, après trois lectures autour de thématiques résolument féministes, je voulais prendre du recul, voir la situation d'un point de vu différent. Et quelle meilleure manière de prendre de la hauteur qu'en abordant la question de la virilité ?

En tant que femme, et en tant que féministe, je sais désormais à quel point la mythologie de la féminité est une construction à la fois mensongère et dangereuse. Mais qu'en est-il de la virilité ? On entend souvent dire que le patriarcat piège aussi les hommes, qu'il les enferme et que les combats féministes les concernent aussi. D'accord… Dans quelle mesure ? de quelle manière ? Comment défendre cette idée sans arguments solides ? Voilà pourquoi le Mythe de la Virilité, Un piège pour les deux sexes, se retrouvait tout en haut de ma PAL…

À force, ami-lecteur, tu vas croire que je suis fétichiste des claques. Parce que ouais, pour moi le Mythe de la Virilité a été une machine à baffes… Depuis que je m'intéresse au féminisme je me penche en même temps sur ses détracteurs dont les masculinistes. Ces hommes qui revendiquent défendre les droits sociaux des hommes... Souvent contre le féminisme, souvent avec pour idée principale que le patriarcat n'existe pas et, surtout, avec la thèse qu'il existe dans les sociétés occidentales contemporaines une discrimination envers les hommes et que ces sociétés sont dominées par les femmes. Les mascu parlent de déclin de la virilité, un déclin qu'ils regrettent… de cette crise de la masculinité, je ne savais que peu de choses mais l'agressivité de certains mouvements masculins me questionnait. Or le Mythe de la Virilité ne prétend pas que cette crise est imaginaire. En se penchant sur l'histoire de la virilité, en mettant cette dernière en parallèle avec l'histoire féministe, Olivia Gazalé m'a permis de comprendre de quelle façon ce que l'on nomme patriarcat pèse sur les hommes. Sans jamais tomber dans la facilité, la philosophe mène une réflexion intelligente et sourcée pour démontrer que cette crise date de l'Antiquité. Enfin elle montre de quelle naminère ce mythe de la virilité nourrit sexisme, homophobie, racisme,...

Passionnée, j'ai dévoré le Mythe de la Virilité qui offre des arguments et une réalité à des impressions que j'ai depuis longtemps. C'est un bouquin très dense, foisonnant de références et, sincèrement, que l'on soit d'accord ou pas avec les conclusions de son auteure, c'est avant tout un bouquin indispensable pour quiconque s'intéresse aux questions de genres. Un ouvrage que je vais rapidement relire mais cette fois en prenant tout mon temps…
Lien : http://altervorace.canalblog..
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Les ouvrages s'intéressant à la question du genre forment un univers incroyablement enrichissant et exquis, mais néanmoins très vaste, et ce de plus en plus. Si l'on ne peut que se réjouir de la multiplication des titres autour de cette question cruciale, on peut se sentir dépassé et ne plus savoir par où commencer ou comment poursuivre.



Ne cherchez plus. Voici la réponse : lisez le Mythe de la Virilité.



S'il est bien une question qui obsède tous ceux qui ont choisi de se battre contre les dominations liées au genre, c'est celle de l'origine du sexisme, des stéréotypes de genre, de la hiérarchie entre masculin et féminin. Et la réponse que vient proposer cet ouvrage est d'autant plus révolutionnaire qu'elle tient en quelques mots : si les femmes se sont vues progressivement oppressées, c'est avant tout parce que les hommes se sont fixé des idéaux de virilité impossibles à atteindre, une prison viriliste qui les condamne à demeurer dans un malaise permanent... qu'ils ont dès lors cherché à exorciser en dévaluant le genre féminin pour finalement le dominer.



L'ouvrage, extrêmement clair, et même captivant, va ainsi exposer puis analyser les stéréotypes et les pressions liées à chacun des deux genres, en se concentrant sur le masculin, ainsi que sur les relations entre les genres mais également au sein même des genres. L'approche est philosophique, historique, anthropologique, politique et sociologique, et le résultat brillant. L'auteure fait preuve d'une grande pédagogie, illustrant son propos par des exemples qui parleront à chaque lecteur, et son point de vue assumé, celui d'une femme féministe, n'est en aucun cas un obstacle ou un biais gênant, mais au contraire un cap, une colonne vertébrale qui donne à l'essai toute sa cohérence. Et c'est brillant.



Voici donc un ouvrage que l'on peut sans hésiter qualifier d'utilité publique, tant il fait écho non seulement à l'histoire de l'humanité mais aussi à notre actualité brûlante, dans un débat où l'on perd souvent de vue l'essentiel, à savoir la nécessité de lutter enfin pour une égalité politique, économique et sociale entre les genres, pour se disperser avec des arguments fallacieux tels que "les féministes entretiennent la haine des hommes", "le féminisme va à l'encontre de l'ordre naturel des choses" ou "tous les hommes ne sont pas mauvais" - le fameux #NotAllMen. Avec le Mythe de la Virilité, on dispose d'éclairages exhaustifs qui parlent d'eux-mêmes sur ces enjeux, de références de qualité, et surtout des outils appropriées pour enfin débattre intelligemment sur la façon dont on pourra en finir avec le patriarcat.



Le Mythe de la Virilité s'adresse à tous et toutes, parce qu'il révèle mieux qu'aucun autre ouvrage le mal que le patriarcat fait aux hommes. Evidemment, les hommes jouissent de privilèges dans l'ordre actuel des choses, et ne connaîtront jamais de façon systémique le harcèlement sexuel, la peur du viol, ou encore les inégalités au travail, mais ils souffrent aussi à leur façon des préjugés et des injonctions de genre. le féminisme est un mouvement qui oeuvre pour le bien commun, et cherche à émanciper tous les genres, y compris ceux qui ne rentrent pas dans une typologie encore très binaire aujourd'hui.

N'hésitez donc pas à vous jeter sur cet ouvrage, qui est, plus qu'un livre à lire, un livre à relire et à faire lire !
Lien : https://mademoisellebouquine..
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Ève a beau être sortie de la côte d'Adam dans le récit biblique, le chromosome Y , lui , est bel et bien issu du chromosome X, qui était là le premier.

Bien avant d'invoquer «Notre Père qui êtes aux Cieux» , les hommes auraient glorifié «Notre Mère la Terre».

Il y eut un temps où le pouvoir et le savoir se partageaient harmonieusement entre l'homme et la femme.

Mais que s'est-il alors passé ?

Comment expliquer que les sociétés plus ou moins égalitaires de l'âge du fer aient pu basculer dans la phallocratie ?

Pourquoi la femme égyptienne, étrusque ou milésienne, qui jouissait d'une grande liberté et d'un statut valorisant, qui lui permettait de circuler librement, de posséder et d'administrer des biens, d'assister aux banquets et même d'exercer des fonctions religieuses, cédera-t-elle la place à une femme condamnée à vivre recluse et privée de la plupart de ses droits ?

Pourquoi la sexualité, sacralisée à Babylone, pratiquée dans la dévotion des temples par d'ardentes prêtresses, va-t-elle bientôt perdre sa signification de voie d'accès privilégiée au divin et subir une très violente répression ?

Comment s'est constitué la «masculinité hégémonique» à travers les âges ?

D'où est venue aux hommes l'idée d'une femme souffrant d'une infériorité congénitale, comme habitant un inframonde ?

D'où ont-ils tiré cette parenté de la femme avec l'animal, emprisonné dans l'organique, rivé à la terre, dominé par son instinct et inapte à la pensée ?

Quel rôle ont joué les religions, les pouvoirs publics et les sciences dans la construction du système viriarcal ?

La réponse à ces questions serait liée à un processus historique majeur, dont l'auteure pense qu'il n'était pas inutile de rappeler l'apparition tardive, et progressive, dans l'histoire de l'humanité, bien qu'on ait tendance à le considérer comme originel, un processus qu'elle a nommé la virilisation du monde.

Selon l'auteure, il est impossible d'établir la datation et la chronologie exactes de ce processus cité plus haut, mais il est plutôt essentiel de comprendre qu'après des dizaines de millénaires marqués par des rapports de sexes relativement équilibrés et l'adoration de divinités féminines ou bisexuées , le monde va peu à peu basculer dans une nouvelle ère absolument et radicalement andocentrée .

Un essai vraiment passionnant.



















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critiques presse (1)
LaLibreBelgique
14 décembre 2017
Une révolution anthropologique majeure avec la brillante Olivia Gazalé.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (71) Voir plus Ajouter une citation
Les idées émancipatrices portées par un Poullain de La Barre, un Diderot ou un Condorcet mettront encore du temps à s'imposer dans les consciences et dans la loi. Le Code civil napoléonien privera les femmes de toute sorte d'autonomie et les frappera d'incapacité juridique. A l'ère postrévolutionnaire, le clivage social majeur ne sépare plus une aristocratie dotée de tous les privilèges et un peuple opprimé , mais des mâles élevés au rang de citoyens libres et égaux et une masse silencieuse de femmes toujours privées d'éducation, reléguées dans la sphère domestique et vouées à leur "destin biologique" de reproductrices.
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Se pourrait-il que le fond du complexe viril réside dans le rapport que l'homme entretient avec l'étrange compagnon qui habite son pantalon ?

Quelle est cette chose qui gonfle, se durcit, change de taille, se ramollit, le tout sans la moindre intervention de la volonté ?

Ce curieux être, qui semble jouir d'une vie propre, n'est-il pas le plus grand défi que la raison ait à affronter ?

Comment l'homme, et a fortiori l'honnête homme occidental, promis au rêve cartésien de se "rendre comme maître et possesseur de la nature" , peut-il accepter que son propre corps puisse ne pas lui répondre ?

Ou plutôt que son esprit puisse ne pas en répondre ?

Si l'homme peut aisément domestiquer ce qui lui est extérieur, comme la femme, l'esclave ou l'animal, parce qu'ils sont autres, donc faciles à objectiver, et de là, à chosifier, en revanche, ce qui relève de sa propre intériorité est beaucoup plus complexe.

L'organe masculin est indomptable, capricieux, et possiblement humiliant, du fait, précisément, qu'il n'est pas autre, mais soi.

L'érection est le seul processus au monde sur lequel même un roi aussi puissant que Louis XIV n'a pas de prise : il aura beau tout régenter, la cour, la flotte, l'armée, il ne peut rien (ou si peu) contre les douleurs et la fatigue qui diminuent l'ardeur sexuelle, rien non plus contre le vieillissement de toutes ses fonctions organiques, à commencer par celle consistant à durcir sur commande.
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6. La déconstruction du monde viril
* Le féminisme sera, successivement, un processus politique, sexuel et philosophique, qui nourrira, ou ravivera, en l’homme, une triple peur : celle du renversement de la domination masculine, celle de l’impuissance sexuelle et celle de la fin du monde. Terreurs, au demeurant, souvent partagées aujourd’hui par les femmes elles-mêmes.
* Car il se pourrait que l’acharnement antisexiste soit difficilement compatible avec l’ambition initiale de la révolution sexuelle : « jouir sans entraves ». La culpabilisation systématique des hommes, la victimisation non moins systématique des femmes, la police des mots, l’extension continue du champ du harcèlement sexuel (qui place la séduction entre les mains du juges), le déchaînement contre la pornographie et la prostitution génèrent une forme nouvelle de puritanisme bien peu excitant.
Le féminisme entendait libérer la sexualité féminine, voilà qu’il réprime la sexualité masculine. Il luttait contre l’essentialisation de la femme en femme-objet, voilà qu’il essentialise l’homme en l’enfermant dans un rôle de prédateur.
L’antisexisme serait-il misandre ? Dans sa version radicale, oui, sans aucun doute, mais il est surtout antiérotique. L’homme, soumis à une censure verbale et gestuelle, perd la liberté d’introduire, dans ses jeux sexuels, tout ce qui peut ressembler, de près ou de loin, à de l’emprise, de la domination, de l’obscénité, même sous forme métaphorique. Il est sommé de prendre les femmes avec douceur, respect, bienveillance et galanterie, sans jamais leur imposer son désir… tout en les faisant jouir. Mais est-ce bien comme cela qu’il y parviendra ? Du moins avec toutes ? Certaines n’aiment-elles pas se couler lascivement dans le cliché de la femme-objet et s’abandonner à la volupté de la soumission ? Dans ses Variations sur l’érotisme, le romancier et essayiste français Guy Scarpetta dénonce l’opprobre jeté sur l’objectivation, la fétichisme, les artifices et toute forme de théâtralité séductrice, au nom du « naturel » et de l’ « authenticité ». Le féminisme aurait privé l’érotisme de ses adjuvants les plus jouissifs : qu’on le veuille ou non, les clichés de genre constituent un puissant aphrodisiaque. Et ceci pour les deux sexes : le fantasme de la soubrette coquine, de la secrétaire à lunettes ou de l’infirmière nue sous sa blouse n’est pas moins répandu que celui du pompier, du légionnaire ou du voyou un brin brutal.
Si le paradoxe auquel nous confronte la politisation de l’éros est si délicat, c’est que l’érotisme constitue, comme l’avait bien vu Georges Bataille, un domaine séparé, où les interdits, les stéréotypes et les tabous sont volontiers subvertis par jeu, pour le seul plaisir. Dès qu’on rapporte la sexualité à une finalité –sociale, politique ou morale- on la prive du caractère transgressif qui constitue le fond de l’érotisme. L’obsession puritaine consistant à en forclore la dimension de rapport de force, pour le guider vers une hypothétique harmonie des subjectivités, pourrait contribuer à l’éteindre, du moins à l’affadir.
Oui, la femme veut être respectée dans sa dignité, mais non, elle ne veut pas d’un homme qui freinerait ou réprimerait ses désirs pour ne pas la heurter. L’érotisme est sans doute le seul lieu (mais si essentiel) où l’opposition virilité-force/féminité-abandon mérite d’être conservée, ce qui, au demeurant, n’exclut ni le renversement des rôles (la femme forte cherchera un homme doux, l’homme efféminé une femme forte), ni leur appropriation par des personnes de même sexe (l’homme fort veut un homme doux, la femme virile une femme féminine). Car les couples homosexuels eux-mêmes jouent souvent de l’exacerbation des polarités, toujours puissamment stimulante. Aucune femme n’a envie d’être violée ni même violentée, c’est une certitude, mais, dans l’espace-temps érotique (distinct de l’espace-temps social) librement consenti et ordonné au seul plaisir, nombreuses sont celles qui aiment céder au vertige de la soumission, de la capitulation, voire de l’humiliation, allant jusqu’à réclamer fessées et « punitions ». Faudrait-il les en priver au nom de la morale antisexiste ?
En réalité, nul ne sait ce que veut, ce que sent, ce que désire une femme, car, on l’a dit et redit, la femme n’existe pas. Il y a autant de façons de rêver, de fantasmer et de jouir qu’il y a de femmes. « L’érotisme est éminemment singulier et par là même réfractaire à toute collectivisation des imaginaires, et plus largement à tout effet de groupe ou de communauté », écrit si justement Guy Scarpetta.
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... il est possible que ce thème recouvre une réalité beaucoup plus complexe à analyser : celle de la détresse morale et spirituelle de l'homme contemporain, parfois livré à l'anomie identitaire, sociale et sexuelle absolue, celle dans laquelle se morfondent les personnages des romans de Philip Roth, de Michel Houellebecq ou encore, de David Lodge.
(Par exemple"Portnoy et son complexe" de Philip Roth, "Thérapie" de David Lodge et "Les Particules élémentaires" de Michel Houellebecq)
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L'idéal viril ne se définit pas tant par l'exercice de la puissance que par la haine de l'impuissance. Il se pourrait même qu'au fond des conduites les plus agressivement viriles il y ait, davantage que la passion de la victoire, la hantise primordiale de la défaite - guerrière, sportive, professionnelle ou sexuelle. C'est ce qui expliquerait que la virilité, vertu vulnérable et fragile, ait toujours besoin de se "régénérer" en ressuscitant les modèles du chasseur, du chevalier et du guerrier, parfois de manière caricaturale en confondant virilité et violence sadique...
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