Un jour, je devais avoir quinze ou seize ans, mon entraîneur de l'époque, le Sensei, m'a expliqué que le but du karaté n'était pas la maîtrise de soi, mais la perte de l'esprit. Un abandon vécu sur le mode d'une libération. L'esprit doit enfin se mouvoir librement, c'est-à-dire de telle sorte que nous ne l'employions plus. Au fond, on retourne là à l'un des grands clichés à propos de l'enfance: au naturel parfait.
(p. 60)
L'indolence de la bête et le silence qui régnait dans la maison commençaient-ils à agir sur moi ? je ne repensais plus à Judith que de loin en loin, en tout cas. Et toujours avec une résignation croissante; de ce point de vue aussi, les longues journées de travail avaient du bon. (p. 51)
c'est dans la vie quotidienne que son absence se faisait le plus cruellement ressentir. Que faire de tous ces rites qui étaient les nôtres quand nous étions en couple ? (p. 39)
A cette époque de ma vie, j'ai vingt-deux ans. Le fait d'être adulte me plaît extraordinairement. Mais à la vérité je ne sais pas du tout ce que je veux, je me sens porté tantôt dans une direction, tantôt dans une autre. J'aspire à tout. je ne désire rien. (p. 12)
Judith elle aussi m'avait demandé pourquoi je pratiquais le karaté. J'avais d'abord hésité. Puis je lui avais répondu que j'avais cédé au tout début à un fantasme de contrôle absolu de moi-même. Je voulais être adulte le plus vite possible et partais du principe que le karaté me serait de quelque secours. Et il y avait la sagesse, aussi, bien sûr...Je voulais acquérir de la sagesse. Certains gravissent des montagnes, moi je fais du karaté. (p. 57)
Chaque matin, cependant j'étais frappé de voir à quel point cette bête pouvait être détachée de la réalité. (...)
la naine- c'est ainsi que j'avais baptisé en secret l'hippopotame nain, qui était une femelle- se révélait une bien belle bête, paisible et peu exigeante. Je n'aimais rien tant que de la regarder dormir. sa sereine opulence me touchait. (p. 50)
Il n'était pas faux d'affirmer, décidément, qu'être un jeune homme tourmenté se révélait la plus accaparante des activités.
J'étais l'hôte solitaire et perplexe de ce monde industrieux. (p. 27)
Quand judith évoquait l'avenir, elle ne parlait pas en termes de rêves, mais de projets. elle était une planificatrice, non une rêveuse. (p. 21)