Citations sur La comtesse des digues (17)
Ils glissent, ils vont, ils viennent et virent.
Le patin de la fillette se détache
Elle trébuche et tombe comme un flocon de neige.
Le garçon l’a relevé, et là, où elle a mal,
Il pose un baiser
Elle rougit aux jolies choses qu’il lui dit ;
... Le patin se détache encore ;
Il le noue et le renoue,
Il demande et reçoit , il désire et il prend
Les patineurs partent, et la lune monte.
Et Conrad donne à Elsa son ruban
Et aussi une bague et un baiser ;
Mais emporta son cœur que jamais ne rendit.
En contrebas de grandes digues, l'osier vigoureux se dressait dans un sol lourd, drainé par les fossés boueux où pataugeaient des canards blancs; elle escalada le talus herbeux, et aussitôt un vent large et brillant pénétra ses vêtements, s'enroula à ses bras nus et joua dans sa chevelure. La marée montait, l'Escaut, à courtes vagues drues, bousculait les roseaux près des diguettes.
- Ne trouvez-vous pas, comtesse, quand on a longtemps désiré une chose et que tout à coup on l’a, on est désorienté ?
À ce tendre nom que lui donnait son pere, presque machinalement. sans rien dire, Suzanne lui tendit la joue ; mais il lui prit violemment les lèvres, comme quelqu’un qui meurt de soif.
Ah ! Oui... les baisers du soleil... les baisers du vent, de l’air, les fiançailles avec l’Escaut ... ce baiser, le premier que Suzanne reçut, lui causa un trouble semblable à la révélation de l’amour ; un trouble si puissant que tout à coup elle repoussa violemment le jeune homme et éclata en pleurs.
« Suzanne s’en allait naïvement vers ce qu’elle connaissait de plus beau ; le clair de lune sur le vieil-Escaut. Elle s’imaginait que cette splendeur la distrairait de la lourde souffrance qu’elle combattait. Elle ignorait combien une nuit lunaire, chaude et blanche, irrite l’amour chez les jeunes filles.
Ce pays noyé n’était qu’un grand miroir. Si on le regardait vers le couchant, il rougeoyait tout entier aux dernières lueurs du soleil ; si l’on se tournait vers le levant, tout, sous la leine lune montante, s’argentait. » (p. 114)
- Mais qui dois-je épouser, Joke? dit Suzanne dont les larmes s'arrêtaient.
- Quand vous serez amoureuse, vous ne me demanderez pas conseil.
- Alors, il vaut mieux me donner le conseil maintenant, Joke.
L'eau, comme une mémoire, était chargée d'évènements qui me concernaient.
La rive herbue s'enfonçait dans la vase. Suzanne s'assit sur un tronc d'arbre où une dizaine d'enfants jouaient pieds nus. Elle contemplait les haies d'aubépine déjà rousses et l'immense nappe des étangs.
Savez-vous ce qu’il vous faut ? Un bon mari et des enfants ; à votre âge, j’en avais déjà trois et un mari qui buvait trop tous les samedis.
― Mais qui dois-je épouser, Joke ?
― Quand vous serez amoureuse, vous ne me demanderez pas conseil.
― Alors, il vaut mieux me donner le conseil maintenant Joke.
― Quand notre Wannes était ivre, le samedi, quelque voisin m’avertissait. Je le trouvai vautré sur le bord d’un chemin et je regardais dans ses poches, heureuse si j’y trouvais une partie de la paye. En ce cas, houp ! sur mon épaule, et je le portais chez nous, dans son lit. Mais si tous les sous étaient bus, eh bien ! il pouvait rester dans le ruisseau jusqu’au lendemain ; ces semaines-là, sans l’aide de votre père, sans mes chèvres et mon champ … N’épousez pas un ivrogne !
- Je vous salue, Marie, Notre Dame. Faites que je continue à aimer les choses d’ici : les matins et les soirs, le printemps et l’été, l’hiver et l’automne. Que je continue à préférer l’Escaut au cinéma, et les promenades sur les digues à l’auto.