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EAN : 9782804012922
Espace Nord (23/04/2002)
3.87/5   65 notes
Résumé :
L’histoire passionnante d’une femme amoureuse d’un homme et d’un fleuve. Parviendra-t-elle à concilier ces deux amours si différents ? Il faudra que la comtesse des digues choisisse et qu’elle trouve, entre l’homme et le fleuve, une nouvelle harmonie.
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Ah ! La mine entendue, gourmande, frisant la condescendance, de cette amie lors d'un dîner chez elle, encore à parler de ce cauchemar post-moderne qu'est la guerre des sexes — du peu de femmes de lettres étudiées en Belgique — lorsque je citais l'inoubliable Marie Gevers, l'un de ces rares traits d'union entre les deux principales cultures linguistiques du Royaume, bétonneuse que l'on va volontairement oublier, cette Frontière à présent ancrée au plus profond des êtres, brocardant toute ultime tentative de mélanger le « chacun chez soi », de troquer ces créations géographiques frisant la malhonnêteté intellectuelle, telle cette « Wallonie Picarde », qui gagnerait tellement à s'appeler « Flandres Francophones »…
Bref une auteure qui pour plusieurs raisons ne rentre pas dans les actuels canons…
Il faut dire que ce roman ne sent pas assez le soufre.. Pire, il y est question de mariage, pour cette belle et indépendante arpenteuse de digues, dont le savoir a le mauvais goût d'avoir été transmis par son père… Où va-t-on ?!
Non, ma chère amie pétroleuse, avec laquelle j'adore croiser le verre à pied, en vient à sortir sa fameuse moue et ses yeux qui brillent, moment choisi habituellement par ses collègues de salle de rédaction pour essayer de changer de sujet, voire de vider la pièce ; la culture, l'information, ça la connait, et Marie Gevers a du mal à exister dans son monde de causalité.

Il faut dire que l'on parle ici d'un roman décrivant un monde à présent disparu, une archéologie d'une société très différente d'aujourd'hui, où le commun avait encore un sens, la richesse matérielle qui inonda ensuite cette moitié de pays emporta sa culture en la troquant contre de trop grosses Audi, de fameuses maisons quatre-façades aux jardinets emportés de ridicule ( voir le fameux site « Ugly Belgian Houses », lien en bas de page, lui qui ne fait pas de jaloux entre Flandre et Wallonie ), laissant exsangue ce peuple de kermesse et de Schlager muziek, dont un des grands jours de fierté nationale reste le saccage d'une des plus anciennes bibliothèques universitaires au monde… mais n'allez surtout pas penser que seule la faute leur incombe…

Cet éternel et délicat problème de la langue… Patois ou bien langue nationale ? Rien n'empêche d'en parler plusieurs, selon le degré de langage désiré.
On n'est pas là pour se comparer, vivons d'abord ensemble…
Il n'y a qu'à voir les degrés de haine atteinte dans ce pays multi-national qu'est l'Espagne, l'Homme probablement trop bête ou grégaire pour la pluralité…

La langue de Marie Gevers respire l'hybridation réussie et apaisée, comme peut l'être le fameux Brusseleer, actuellement en voie de disparition, malgré la volonté affichée de le restaurer, bien que les politiques n'aient véritablement rien fait depuis le drame du BHV… ( non, amis parisiens, pas le magasin… (*) )
Le Français lui servant de base littéraire et narrative, le West-Vlaanderen, voire le «Scheldepraten » (parlé de l'Escaut), comme langue vernaculaire, de manière naturelle, sans orgueil mal placée empêchant de dire la vérité.

Ce monde paysan dont la Modernité nous a appris à se méfier, ce déterminisme du rythme des saisons et des marées que l'on a voulu défier, au nom d'une certaine liberté ( ha ! il faut lire ce qu'en écrit Bernard Charbonneau dans son « Je fus  - essai sur la liberté » ), c'est bien de lui qu'il est question au cours de ces pages, et de son remarquable pouvoir structurant au niveau culturel, ciment d'une nation que l'argent n'a bien-sûr pas remplacé, elle qui l'a troqué pour un monde n'usant des haies que pour délimiter ses jardinets aux trognes bien taillées.

Mais ce roman est avant tout celui de Suzanne, une très jolie et délicate histoire qui emportera le plus réticent à l'expression d'un certain romantisme.

Les considérations nées lors de cette critique ne sont que conséquences de la charge symbolique que ce roman charrie à présent ; qu'un certain milieu n'y voit qu'un univers délicieusement suranné démontre à quel point les promesses de l'individualisme ont été tenues de manière si pernicieuse, ou quand la disparition souhaitée d'une histoire pour en bâtir une supposément plus juste ne fait que tout inonder.

Donc oui, lisons Marie Gevers, et laissons aux autres le soin de la bouder au profit de leurs nouvelles égéries, actions affirmatives friandes de vérités alternatives, et gardons en souvenir l'époque où féminisme rimait avec humanisme, sans doute la plus importante révolution sociétale du 20ème siècle en Occident élargi, tardant à se répandre dans d'autres parties du monde, alors que c'est un préalable au développement ( « empowerment » des femmes dixit l'ONU ).


( * ) « BHV » ou arrondissement électoral de Bruxelles - Halle - Vilvoorde : longue et ultra-compliquée histoire politique belge ayant comme fond l'expansion de la francophonie en région bruxelloise, historiquement et géographiquement flamande, et les mesures prises par les Flamands pour tenter de la contrer, dont la dissolution de ce reliquat de bilinguisme hors Bruxelles ; feuilleton à rebondissement, sans être vraiment intéressant, seulement triste, avec cette nouvelle victoire des creuseurs de fossé…
Allez expliquer la politique belge à un étranger… s'il vous a compris… c'est que vous lui avez mal expliqué…

Lien : https://uglybelgianhouses.tu..
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« La comtesse des digues » est un roman qui a toujours fait partie de moi, du plus loin que je m'en souvienne. Ce roman de terre et d'eau, d'osier et de vent, me murmure son message et me rassure. Je vais tenter d'expliquer ce profond sentiment qui m'habite lorsque, de temps en temps, je relis cette oeuvre. Tâche difficile de faire partager ses sentiments « instinctifs » et quasi obscurs ...

Marie Gevers est une auteure belge, elle a écrit cette histoire en 1931, celle-ci se passant dans les plaines « où l'Escaut est roi », c'est-à-dire en Belgique flamande.

Et pourtant, ce roman n'est pas régionaliste dans le sens réducteur du terme. Il ouvre l'esprit aux grandes étendues inondées occasionnellement par l'Escaut, aux oseraies et aux fabriques de briques. Il achemine le coeur vers une jeune fille, Suzanne, ou « Zanneke », qui prend tout naturellement la place de son père malade puis décédé, dans la surveillance des digues qui contiennent ce fleuve soumis aux caprices de la marée et du vent.
« de Dyckgraef », ou en français « le Comte des digues », est le responsable de la bonne tenue des digues, rôle éminemment important dans cette région où rien ne se dresse pour résister à la force des eaux . Notre petite bonne femme, toute jeunette qu'elle soit, s'impose par son expérience et son amour profond de la nature et particulièrement de l'Escaut.
La description de la nature me va droit au coeur, c'est pas à pas que je suis la « fiancée de l'Escaut » dans ses pérégrinations au rythme des saisons. Et c'est coulée dans son ombre que je vais découvrir son éveil à l'amour, difficile. Car elle n'a pas encore été amoureuse, Suzanne, et élevée par son père tout entier tourné vers son métier, par sa grand-mère respectueuse à l'extrême des traditions où la mésalliance est la faute suprême, elle ne peut guère trouver une épaule amie où murmurer ses doux secrets. Triphon, le jeune aide, beau comme un ange, la met en émoi, mais il n'est pas assez « instruit », et n'est pas de la même classe sociale (car Suzanne est non seulement une riche propriétaire, mais une intellectuelle, aussi ! Elle a été élevée par son père qui lui a lu le Télémaque...). Et Max, un étranger au village, mais fils de vannier et amoureux de l'art, pourra-t-il éveiller son coeur ? Suzanne hésite, n'arrive pas à prendre conscience qu'elle est amoureuse ... ou pas, de Triphon...ou de Max. Valse douce et mélancolique que cette hésitation perpétuelle, mais que la vieille servante et la tante propriétaire d'une briqueterie aimeraient interrompre pour qu'enfin, elle se décide à entrer dans la vraie danse de la vie, celle de l'âge adulte, de la famille et des enfants.

Cette dualité, on la retrouve donc partout, y compris dans la langue : car n'oublions pas que la Flandre, au début du 20e siècle, comptait beaucoup de francophones. La langue des « riches » et des instruits, c'est le français. Ce sont les paysans (dans le sens noble du terme) et les ouvriers qui parlent flamand. Marie Gevers, qui a habité près d'Anvers, donc en pays flamand, a parlé toute sa vie ces 2 langues, et a écrit en français. C'est tout naturellement qu'elle insère de nombreux mots flamands, souvent prononcés par les gens du village.

Il est temps que je m'arrête, je me rends compte que je ne parviens pas à quitter la comtesse des digues. Je compte sur vous pour la découvrir, cette jeune fille, fraîche et tempétueuse, à l'aube de sa vie de femme, pour vous promener aussi en sa compagnie sur les berges de l'Escaut où « de frêles et puissants peupliers et quelques saules frémissent comme des vols d'insectes. »
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1931, le petit village du Weert, coincé entre l'Escaut et un bras du « Vieil Escaut », en amont d'Anvers. Un plat pays de terres d'oseraies et d'argile, et d'eau, et de digues qui protègent les polders des trop fortes marées qui poussent le fleuve vers l'intérieur du pays. La surveillance de ces digues et leur entretien est un travail à part entière, dévolu au « Dyckgraef », le comte des digues, en l'occurrence Jules Briat, apprécié de tous. A la mort de celui-ci, c'est sa fille Suzanne (Zelle Suzanne, Zanne, Zanneke) qui reprend tout naturellement ses fonctions, en attendant qu'un nouveau comte soit élu en bonne et due forme. Suzanne, aussi jeune soit-elle, n'en est pas moins aussi compétente que son père, qui lui a transmis son amour du métier et surtout celui de la nature qui les entoure, ainsi que son sens aigu de l'observation du moindre frémissement de ses éléments, le fleuve, la terre, le vent. Suzanne s'acquitte de sa tâche avec bonheur et dévouement, tout en imaginant qu'une fois le successeur de son père désigné, elle quittera cette région, en quête de voyages et de liberté. Et pourtant elle aime ce pays, et elle pourrait parfaitement succéder à son père. L'idée d'être la prochaine comtesse des digues (du jamais vu) affleure peu à peu dans son esprit, en même temps que dans celui des villageois et des notables.

Oui mais voilà, Suzanne hésite : est-ce bien le rôle d'une femme de se dévouer à ce métier et à l'Escaut ? Ne devrait-elle pas plutôt songer à se marier et avoir des enfants ? Tel est le contexte de l'époque, qui ne voit pas d'un très bon oeil les jeunes filles rester longtemps célibataires. Et Suzanne, qui appartient à cette époque, n'est pas une rebelle. Elle est au contraire une jeune fille raisonnable, mais qui brûle cependant d'aimer et d'être aimée.

Mais alors, quel homme choisir ? le fils du brasseur, « beau parti » mais personnage grossier ? le beau Triphon, fidèle employé de son père mais donc d'une classe sociale inférieure ? Max Larix, nouveau venu dans la région, qui vient d'hériter d'une parcelle d'oseraie ?

Au rythme de quatre saisons, le coeur et les élans de Suzanne fluent et refluent, valse-hésitent entre ici et ailleurs, partir ou rester, l'amour du fleuve ou celui d'un homme, Triphon ou Max. Un lent balancement mélancolique et émouvant, un cycle d'un an comme un rite de passage à l'âge adulte, le temps pour la romantique et passionnée Suzanne De trouver son chemin vers le bonheur.

« La comtesse des digues » est un roman envoûtant, et le portrait doux et puissant de deux personnages magnifiques, la jeune fille et le fleuve, et de leur pays.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Tandis que d'aucun profite de ce congé de Toussaint pour s'envoler vers des cieux plus cléments, j'ai décidé de rester en Belgique et d'aller me promener le long de l'Escaut en compagnie de la plume de Marie Gevers.
La comtesse des digues est son premier roman.
Encouragée à se lancer dans la littérature par Emile Verhaeren soi-même, elle choist pour cadre de sa première oeuvre le pays du grand homme qui s'étend sur les deux rives de l'Escaut depuis Saint-Amand en aval de Termonde, jusqu'à Tamise et Hingene.
Le village où se déroule l'histoire de Zanneke, le Weert, est situé en plein coeur de ce pays.
L'Escaut est bel et bien la grande figure du récit, car le destin de Suzanne y est intimement lié.
Fille d'un "dijckgraef", un comte des digues, elle arpente très tôt les schorres et les oseraies en compagnie de son père qui éveille en elle son amour de l'eau, des ciels mouvants, des prairies basses et odorantes.
Un "dijckgraef" est chargé de surveiller l'état des digues en prévision des fortes marées pour éviter l'inondation des schorres et des oseraies et de les réparer si nécessaire.
Au décès de son père, c'est tout naturellement que la jeune fille prend la relève.
Pourtant, elle est angoissée à l'idée de vieillir au village seule, à s'occuper de l'osier, des foins de la digue, des coupes de bois et des registres.
Elle envisage de partir mais son amour pour le fleuve est trop fort.
Qui finira par gagner son coeur et partagera sa vie ?

Marie Gevers signe ici son premier roman dans un style encore un peu malhabile, hésitant.
On sent pourtant derrière l'hésitation tout le potentiel caché d'une jeune femme qui parle avec passion du pays qui l'a vue grandir.
Elle nous raconte le cycle des saisons qui impacte la vie des riverains au rythme de la nature et des caprices de l'Escaut.
Un terroir où le français se teinte d'un délicieux patois flamand.
Un sympathique roman de chez nous.
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À l'instar de Suzanne, élue comtesse et protectrice des digues, je suis tombé amoureux de ce pays gagné sur l'eau, des digues fragilisées par les taupinières et soumises aux marées de l'Escaut.

Derrière les histoires d'amour à la Pagnol, c'est toute la petite société flamande de 1900 que nous fait découvrir Marie Gevers.
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Ils glissent, ils vont, ils viennent et virent.
Le patin de la fillette se détache
Elle trébuche et tombe comme un flocon de neige.
Le garçon l’a relevé, et là, où elle a mal,
Il pose un baiser
Elle rougit aux jolies choses qu’il lui dit ;
... Le patin se détache encore ;
Il le noue et le renoue,
Il demande et reçoit , il désire et il prend
Les patineurs partent, et la lune monte.
Et Conrad donne à Elsa son ruban
Et aussi une bague et un baiser ;
Mais emporta son cœur que jamais ne rendit.
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En contrebas de grandes digues, l'osier vigoureux se dressait dans un sol lourd, drainé par les fossés boueux où pataugeaient des canards blancs; elle escalada le talus herbeux, et aussitôt un vent large et brillant pénétra ses vêtements, s'enroula à ses bras nus et joua dans sa chevelure. La marée montait, l'Escaut, à courtes vagues drues, bousculait les roseaux près des diguettes.
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« Suzanne s’en allait naïvement vers ce qu’elle connaissait de plus beau ; le clair de lune sur le vieil-Escaut. Elle s’imaginait que cette splendeur la distrairait de la lourde souffrance qu’elle combattait. Elle ignorait combien une nuit lunaire, chaude et blanche, irrite l’amour chez les jeunes filles.

Ce pays noyé n’était qu’un grand miroir. Si on le regardait vers le couchant, il rougeoyait tout entier aux dernières lueurs du soleil ; si l’on se tournait vers le levant, tout, sous la leine lune montante, s’argentait. » (p. 114)
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À ce tendre nom que lui donnait son pere, presque machinalement. sans rien dire, Suzanne lui tendit la joue ; mais il lui prit violemment les lèvres, comme quelqu’un qui meurt de soif.
Ah ! Oui... les baisers du soleil... les baisers du vent, de l’air, les fiançailles avec l’Escaut ... ce baiser, le premier que Suzanne reçut, lui causa un trouble semblable à la révélation de l’amour ; un trouble si puissant que tout à coup elle repoussa violemment le jeune homme et éclata en pleurs.
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Savez-vous ce qu’il vous faut ? Un bon mari et des enfants ; à votre âge, j’en avais déjà trois et un mari qui buvait trop tous les samedis.
― Mais qui dois-je épouser, Joke ?
― Quand vous serez amoureuse, vous ne me demanderez pas conseil.
― Alors, il vaut mieux me donner le conseil maintenant Joke.
― Quand notre Wannes était ivre, le samedi, quelque voisin m’avertissait. Je le trouvai vautré sur le bord d’un chemin et je regardais dans ses poches, heureuse si j’y trouvais une partie de la paye. En ce cas, houp ! sur mon épaule, et je le portais chez nous, dans son lit. Mais si tous les sous étaient bus, eh bien ! il pouvait rester dans le ruisseau jusqu’au lendemain ; ces semaines-là, sans l’aide de votre père, sans mes chèvres et mon champ … N’épousez pas un ivrogne !
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