Difficile d'entrer pleinement dans ce livre, dont le seul et unique sujet est le rapport à l'art moderne, quand on n'a aucune connaissance, ni aucune appétence a priori, pour ce que ce terme peut recouvrir. Ce qui suit n'est donc que quelques considérations provenant d'un béotien en la matière...
Pour les besoins de son ouvrage, Gibbs invente un personnage,
Randall, qui manifestement, après recherches internet, partage pas mal de ses inspirations avec des artistes contemporains existants, à commencer par Damien Hirst, et dont les oeuvres seraient exposées aux côté de Koons, Warhol ou Bacon. le mouvement artistique auquel il le rattache, les « Young british artist », qui a émergé dans les années 1990, existe vraiment. Gibbs fait donc un savant mélange entre réel et fiction, d'où seuls les initiés reconnaîtront ici untel ou là tel autre.
Randall était un artiste britannique à la réputation bien établie, provocateur, outrancier, soutenu par des investisseurs qui utilisent l'art comme un marché spéculatif, dont ils manipulent les cours. A son décès il laisse une épouse, Justine, un fils Joshua, et un ami de longue date, financier de son état, Vincent, narrateur d'une part du livre. Vincent a entrepris d'écrire un livre pour conter les débuts difficiles et la progressive réussite de
Randall, qui poussait toujours plus loin la provocation, lorsque Justine découvre un lot de toiles dans un atelier qui était resté secret. Ces toiles à caractère pornographique mettent en scène
Randall et ses proches, artistes, agents artistiques, financiers, dans des positions scabreuses. Faut il les rendre publiques, comme un ultime pied de nez du génial artiste ou au contraire les faire disparaître, car venant par trop compromettre le statut de l'artiste décédé ? Justine va demander à Vincent son avis, ce qui va l'amener à s'en rapprocher, alors qu'elle était déjà avec lui avant de connaître
Randall.
Gibbs articule donc son livre entre le présent (que faire de ces toiles par trop dissonantes ?) et la biographie de
Randall par Vincent, qui remet en perspective de ses coups d'éclat : portraits composés avec la merde de ceux qui sont représentés, attaque au paint-ball de ses oeuvres et des invités d'un vernissage, personnages mi-monstres mi-mickey mouse de dessins animés confinés dans des couveuses. Que penser de ce dernier « happening », alors même que le propre fils de
Randall, Joshua, grand prématuré, a longtemps vécu dans ce cadre ? Quel respect y a t-il là à l'extrême précarité de la vie à ces âges ?
On est loin de l'art classique, qui doit apparaître comme la pré histoire de l'art, pour les aficionados de ce type de présentations artistiques.
Gibbs s'adresse donc en priorité aux initiés et connaisseurs d'art moderne. Pour autant son écriture est assez plaisante, sans doute très bien traduite, ce qui rend ce voyage dans la modernité de l'art somme toute agréable.
Merci à l'éditeur et à Babelio d'avoir permis cette ouverture sur l'art d'aujourd'hui.