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Critique de Marpesse


Giesbert propose de rendre hommage aux animaux en racontant, dans chaque chapitre, l'histoire d'un animal de sa vie. A travers ces histoires touchantes et bien écrites, il livre sa pensée sur l'homme, ses comportements ahurissants envers les bêtes...

Ce livre est d'utilité publique! Il faudrait que tout le monde le lise et que ceux qui ne sont pas convaincus, qui vivent dans leur petit cocon d'êtres humains aveugles et qui bâfrent la viande sans jamais réfléchir une seconde, l'ouvrent et soient touchés par lui.

Franz-Olivier Giesbert est un défenseur de la cause animale. Il vaut mieux le lire que l'écouter car, à l'oral, il est obligé de donner le change face à l'ironie de certains interlocuteurs et je trouve qu'il adoucit son discours. A l'écrit, c'est autre chose : il y va franchement et dit ce que beaucoup ne veulent pas entendre.
L'auteur sait raconter et intéresser : son livre se dévore, il est d'une grande limpidité. A travers des anecdotes, des statistiques et des réflexions politiques, il nous dit ce que l'animal est devenu pour l'homme : un matériau (moi je dirais un "stück", pour reprendre la terminologie nazie de la solution finale, parallèle d'ailleurs abordé dans le livre) qu'on élève et assassine pour se goinfrer. Son cheval de bataille, c'est l'élevage industriel. Ce qui se passe dans les abattoirs est de plus en plus horrible, mais tout est caché. On ne veut pas voir l'horreur, on préfère être amnésique quand on se retrouve devant son steak. Pourtant, il faut savoir que c'est le comble de la monstruosité que vivent les animaux de boucherie. le passage sur les veaux m'a arraché des larmes, c'est très difficile d'avoir la force de lire certains passages.

Franz-Olivier Giesbert nous livre les noms des penseurs coupables ; penseurs, c'est vite dit car, sur la question de l'animal, ils semblent perdre toute capacité de réflexion et de logique. En tête, Descartes et son animal machine, qui a fait énormément de mal à la cause animale et a creusé un fossé entre l'homme et l'animal. Il y a, à ses côtés, Sartre et Heidegger. Ces philosophes ont contribué à ce que les hommes pensent que l'animal ne souffre pas, n'a pas de conscience, vit mais n'existe pas. L'histoire que l'auteur rapporte sur Mallebranche est édifiante : alors que sa chienne pleine venait se frotter contre lui, il l'a renvoyée à coups de pieds en disant à son interlocuteur : elle ne sent rien, de toutes façons.
Le mal est fait.
Et il continue à se développer. Franz-Olivier Giesbert ose parler du grand scandale en terme alimentaire du XXIe siècle : en France, nous mangeons de la viande halal sans le savoir. La demande minoritaire l'a emporté parce qu'il est plus pratique, plus rentable, plus rapide d'assassiner les bêtes sans les étourdir avant. Il dénonce la folie des intégrismes religieux (je déplore tout de même qu'il mette sur le même plan le marché de la viande halal et de la viande casher, qu'il trouve le besoin d'associer les juifs aux musulmans dans son discours pour ne pas être taxé d'islamophobie, sans doute. Mais les chiffres parlent d'eux mêmes : la viande casher n'a jamais été un marché tel que l'est devenu celui de la viande halal!). L'auteur nous apprend quand même que pour chaque morceau de viande halal acheté, on engraisse les caisses des organisations islamiques :

Les sacrificateurs musulmans employés par les abattoirs sont habilités par trois grandes mosquées : en 2010, la grande mosquée de Paris avait attribué 220 cartes de sacrificateur, celle d'Évry 140 à 150, celle de Lyon une trentaine, pour un prix unitaire allant de 150 à 160 euros.
Leur travail est contrôlé par des associations dont les principales dépendent aussi de ces trois grandes mosquées. Un quatrième opérateur, AVS, s'est imposé sur ce marché. le service rendu par ces associations n'est pas gratuit : faire certifier la viande halal coûte 10 à 15 centimes d'euro le kilo, selon Kamel Kabtane, recteur de la grande mosquée de Lyon. « Cette taxe varie selon le tonnage des viandes », précisait en 2006 l'un des membres du Conseil français du culte musulman, Abdallah Zekri. Il s'agit d'« un marché juteux, qui rapporte beaucoup d'argent », poursuivait-il. « Près de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires », estime Kamel Kabtane, qui juge nécessaire de « moraliser ce marché en plein développement ». (texte qui n'est pas tiré du livre de Franz-Olivier Giesbert, mais c'est cette idée-là).

On préfère laisser souffrir, agoniser les bêtes dans les abattoirs, que d'agir : lâchetés diverses, aveuglement de la société, désinformation aussi quand on entend dire que la viande halal est meilleure pour la santé et que les bêtes égorgées vives ne souffrent pas! Combien de fois ai-je pu entendre cela, de la part de gens qui en sont persuadés? Je ne sais pas où est le fond de la bêtise.

Heureusement, l'auteur fait aussi référence à des penseurs comme Derrida, Levi-Strauss, Elisabeth de Fontenay. Je comprends ce qu'il veut dire (et j'avais d'ailleurs été moins réceptive à cette idée quand j'avais entendu Franz-Olivier Giesbert lors d'une conférence) qu'il vaut mieux mettre toutes ses forces dans le combat contre l'élevage industriel plutôt que dans celui contre la chasse ou la corrida. On pourrait se dire qu'il y a une hiérarchie des douleurs, et c'est peut-être vrai quand on songe (voit, pour les plus courageux) à ce que subissent les animaux de boucherie : cochons ébouillantés vifs, bovins qui mettent plus de trente minutes à expirer et qui ne veulent pas mourir, veaux qui pleurent devant le sacrificateur. C'est tellement insupportable...
On se demande quel sera le bout de cette souffrance animale. Quand les hommes reviendront-ils à la raison?


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